samedi 28 mars 2020

LE TEMPS DES LUMIERES (Rennie / Harrison)

LE TEMPS DES LUMIERES
(Rennie / Harrison)


Quand tout le monde a laissé tomber l'exploration spatiale, la recherche quantique est devenue le gros truc. La Fédération Européenne espérait pouvoir piller et coloniser d'autres dimensions. Sauf que ce qu'on a récupéré, c'est un accident quantique, la Brèche.
Quand ils ont vu ce qu'il y avait de l'autre côté, ils ont tenté de la refermer, mais même l'arme nucléaire n'a pas suffi. Alors ils ont décidé d'y envoyer des gens. Des armées entières de chair à canon.
Nous passons la brèche et la seule chose à laquelle je puisse penser, c'est : "Comment puis-je hurler si fort, alors que je n'existe plus ? "



BD sortie en 2001, LE TEMPS DES LUMIERES est une des oeuvres du 9ème art les plus hards de l'époque - et encore maintenant. Rarement le concept de "chair à canon" de la guerre n'aura été aussi palpable.
Certes, les stéréotypes de films de bandes sont présents : le vétéran qui conte les secrets de la situation, le fou atteint au dernier degré, le pénitent en rédemption, etc... Mais ils fonctionnent pleine balle, tandis que le scénario de Gordon Rennie est 
prenant, brillamment rythmé et riche de références.
Rennie parvient a bâtir une sorte de "précision dans le flou scientifique" concernant la physique quantique, l'anomalie inter-dimensionnelle et de ce qu'elle a accouché... on est toujours plus secoué par ce qui nous est décrit page après page, qui est dur de chez dur, auquel s'ajoute la philosophie désespérée et résignée des anciens du lieu.

Le début nous met de suite dans le bain via un contexte géo-politique sur Terre qui ne fait pas dans la demi-mesure : la fédération Européenne (et fasciste !) est en guerre avec le "pacte Judeo-Islamique", qui fait des milliers de morts. Tout le monde mange la gamelle, mais les médias couvrent l'ensemble sous un mensonge évoquant le temps de la guerre du Vietnam.


L'une des forces du TEMPS DES LUMIERES : rendre autant incompréhensible
qu'anxiogène la nature et le mode de fonctionnement des "spectres".

Dans la Brèche, la vie vaut encore moins un clou, on y prie pour mourir plutôt de voir son corps souillé et massacré par des entités qu'on ne comprend même pas. A chaque nouveau chapitre, les descriptions d'horreur et de désespérance font chuter encore un peu plus bas le moral de cette troupe de sacrifiables, composée de violeurs, tueurs d'enfants et... opposants politiques.

Le travail graphique de Mark Harrison est stupéfiant, la tâche de dessiner l'indicible a du être particulièrement difficile : de fait, on n'arrive souvent pas à cerner le concept des Spectres, et c'est volontaire. Ils ressemblent tantôt à une forme gazeuse, tantôt organique à la THE THING, ce qui rend leurs massacres d'autant plus choquants et terrifiants... Au passage, une de ces choses est clairement un clin d'oeil au LEVIATHAN de Georges Cosmatos.
La galerie des horreurs et des entités est réellement très marquante et n'a rien perdu de sa superbe. 


Dans la Brèche, l'analogie avec un système immunitaire fait sens, et ne se soucis pas de jouer avec ses proies, comme le dit le héros à un moment-donné : "Je connaissais la terreur, la folie et la joie secrète qui vient avec le meurtre. Mais ici, même ça c'était différent. C'était bien plus primal. De la brutalité à un pur niveau de malveillance." L'objectif est d'annihiler l'intrus, ni plus ni moins, car ce territoire n'est pas le sien.


Une situation venant assez vite à bout de la raison des sacrifiables.

Le titre original, GLIMMER RATS (littéralement : "les rats lumineux") tease mieux le mélange SF / crasse que le titre français... Mais celui-ci rend l'ensemble plus dérangeant encore, car joue pleinement sur de la hard SF, là où finalement, les personnages passent leur courte vie dans la boue, les viscères et la merde, entre deux pétages de plomb de condamnés (le collier d'oreilles qui n'est pas sans rappeler le 1er UNIVERSAL SOLDIER). 
C'est un heureux croisement entre le film STARSHIP TROOPERS et le wargame WARHAMMER 40,000 - deux univers particulièrement hards !

Difficile de comprendre pourquoi cette BD est quasi-inconnue au bataillon, pourquoi personne ne la cite jamais et pour quelle raison elle n'a jamais été ré-éditée depuis ces presque 20 ans...

"Chaque jour ici est une leçon sur les différentes choses
que l'on peut faire subir au corps humain."

LE TEMPS DES LUMIERES est intense et fait autorité en matière de bande-dessinée de Science-fiction pour ados/adultes, et on peut fantasmer sur une adaptation, même d'une vingtaine de minutes... qui aurait tout à fait sa place en animé dans une série du type LOVE + DEATH + ROBOTS.


Arthur Cauras.







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