vendredi 28 mai 2021

L'HERITIER DE LA VIOLENCE (Ronny Yu, 1986)



L'HERITIER DE LA VIOLENCE
(de Ronny Yu, 1986)


Première véritable apparition de Brandon Lee -- fils de Bruce pour ceux qui n'auraient pas suivi, L'HERITIER DE LA VIOLENCE (ou LEGITIME VENGEANCE, bref LEGACY OF RAGE) est un film assez généreux en scènes d'action, et qui les réussi rondement, de surcroît.

Le scénario et certains personnages tombent certes rapidement dans les clichés (on pense au pote binoclard), ça sent fortement le mélo, il y a un ventre mou durant le deuxième acte, mais le plaisir de voir Michael Wong en ami félon, la petite Regina Kent qui n'est pas ménagée dans le récit, ou encore Bolo Yeung le temps d'un cassage de bouches dans une ruelle, parvient à maintenir le métrage de Ronny Yu (JIANG HU !) à un niveau tout à fait respectable.

Quelques mimiques rappelant le Petit Dragon...

Brandon Lee, selon les dires du réalisateur, peinait à se faire convaincre de prendre part à des films d'arts martiaux, de peur d'être dans l'ombre de son père. Yu saura trouver les mots (et un gros chèque) pour qu'il prenne part à ce film assez violent à tendance même sadique par moments, dans lequel il joue un modeste serveur pris au piège par son meilleur ami, en fait dans le business de la drogue. Après 8 ans de placard, il en sort avec la rage, d'autant que sa petite amie de l'époque est partie avec un autre (même si c'est un honorable et bienveillant homme du 3e âge), dont il ignore que son fils est en réalité le sien.

Brandon décalque par moments certains gestes cultes de son père, ce qu’on pourrait trouver dommage -- mais le jeune n'avait pas 20 ans au moment du tournage. Il est d'ailleurs stupéfiant de voir combien il est déjà incroyablement charismatique... étant de surcroît tout à fait à la hauteur au coeur de l'action, notamment lors du streetfight contre Bolo Yeung et ses hommes, 
donc, Ronny Yu ajoutant des éléments funs dynamisant la situation (un pain = un rebond contre une caisse). Brandon a aussi l'occasion de se montrer sous un jour humain, lors de ce passage où il court avec une fillette dans ses bras pour la mettre dans le bus qui est parti sans elle.

Un film peu avare en action, dans la lignée
de ce que proposait le Hong Kong de la belle époque

C'est dans son 3e acte que L'HERITIER DE LA VIOLENCE envoie la sauce : le héros et son acolyte prennent les armes et inscrivent directement le film dans la sous-catégorie de "l’heroic bloodshed", soit de la bromance, de l’hémoglobine, des larmes et des coups de pétoire en veux-tu-en-voilà.
Les deux amis avoinent sans relâche les hommes de main du traître Michael Wong, dans un déluge de cascades "made in Hong Kong" toujours aussi ébouriffantes, de sang et d'impacts de balles (et de coups) plus qu'abondant.

Au final, on se retrouve avec un film bien méchant, qui rempli le cahier des charges HK, provoquant au passage un petit spleen concernant ce Brandon Lee parti décidément bien trop tôt... tout comme Regina Kent, morte à seulement 31 ans d'une tumeur au cerveau.
Un sentiment de nostalgie fort qui accentue davantage encore l'affection que l'on peut avoir vis-à-vis de ce LEGACY OF RAGE.


- Arthur Cauras.




Compléments :

Une interview de Brandon Lee période RAPIDE FIRE, issue de Impact #42... cela concerne son expérience à HK.

- A HK, vous avez tourné un film qui utilisait pour sa promotion l'image de votre père, L'HERITIER DE LA VIOLENCE...
Brandon Lee > Je n'ai tourné que ce film, à HK, mon premier film. Une drôle d'expérience et un travail qui n'a vraiment rien à voir avec ce qui se fait aux USA. Sur le plateau de L'HERITIER DE LA VIOLENCE, l'anarchie était en règle. Le tournage se déroulait au jour le jour, à l'aveuglette. Le matin, le réalisateur (donc Ronny Yu) arrivait sur le plateau sans n'avoir rien préparé. L'improvisation guidait tout le travail, y compris celui des comédiens souvent parallèlement engagés sur d'autres films. C'était vraiment bordélique.
De même, la sécurité des cascadeurs et acteurs n'était pas une préoccupation majeure comme aux USA. Ce qui fait que des accidents arrivaient régulièrement. Je suis surpris que L'HERITIER DE LA VIOLENCE ne soit pas aussi mauvais que son tournage fut éprouvant. Après ce film, j'ai figuré dans une prod allemande, LASER MISSION, un truc épouvantable dont je ne suis pas très fier. Je préfère oublier.


itw par Marc Toullec, dec 1992.


Un autre extrait d'interview de Brandon Lee, toujours pour la promo de RAPID FIRE, dans le mag Ciné News #44. Chapitre intitulé "Bordel organisé."

- Vous avez travaillé à la fois à Hong Kong et aux USA, que préférez-vous?
Brandon Lee > Les deux méthodes de travail sont très différentes. A HK, il n'y a aucun syndicat, ni plans de tournage, ni scénarios. C'est un peu comme si on tournait des films d'étudiants entre potes. On distribue les postes avant de commencer à travailler : "Aujourd'hui tu seras acteur, et toi tu t'occuperas de la lumière." Il n'y a pas de rôles clairement définis. Tout le monde met son nez partout et c'est le bordel organisé parce qu'on improvise au jour le jour ce qui va se tourner. En plus, il n'y a aucun impératif de sécurité comme aux States. 
Mais, en revanche, on est beaucoup plus libre qu'en Amérique puisqu'on peut pratiquement faire ce qu'on veut sans avoir le studio sur le dos. Pour répondre à votre question, je préfère quand-même travailler aux USA parce que les scripts et les acteurs y sont meilleurs. Maintenant j'ai pris l'habitude d'avoir un scénario à ma disposition et je crois qu'il me serait difficile de retourner bosser dans l'univers chaotique de HK.

- Vous vous intéressez quand-même à ce qui se fait là-bas?
Brandon Lee > Je suis un vrai fan des films chinois, et je continue à me tenir au courant. J'adore ce que fait John Woo et je suis impatient de voir ce que va donner sa collaboration avec Van Damme sur HARD TARGET. J'admire aussi Sammo Hung et Yuan Biao. 
Pour les scènes d'action pure, je crois que les cinéastes de HK sont les meilleurs du monde et qu'aucun réalisateur américain ne leur arrive à la cheville. Les films d'action américains ne m'ont jamais influencé bien que j'apprécie le style de combat de Steven Seagal.

itw par Caroline Vié, Mai 1993.


La meilleure version du film, non censurée, au format
et en VF / VOST est disponible chez
HK vidéo / Metropolitan / Fortune Star.


samedi 22 mai 2021

LOVE + DEATH + ROBOTS volumes 1 & 2



LOVE
DEATH
+ ROBOTS
volumes 1 & 2


En 2019, Netflix nous régale de la première saison d'une nouvelle série exclusivement en animation, LOVE + DEATH + ROBOTS. Titre singulier et accrocheur, ce "volume 1" comme il est nommé sur la célèbre plateforme, propose pas moins de 18 épisodes. Chacun d'entre eux est autonome, pas rattaché aux autres si ce n'est par des thématiques embrassant le surnaturel, le bizarre et une propension assez récurrente au sexe et à une violence très explicites.

Le volume 1 de L+D+R était une réussite entre autre par sa volonté de convoquer des talents divers et variés venus du monde entier. Ainsi, via THE WITNESS, l'espagnol Alberto Mielgo nous plonge directement au coeur d'un thriller tendu avec nudité féminine frontale sur fond de concept de boucle temporelle, les français Dominique Boidin, Léon Bérelle, Rémi Kozyra & Maxime Luère diffusent une ambiance bien méchante à la Philip K. Dick dans leur BEYOND THE AQUILA RIFT (qui n'est pas sans rappeler les meilleurs épisodes d'AU-DELA DU REEL des 90's), l'italien Gabriele Pennacchioli intronise les loups-garous aux seins des armées américaines et afghanes durant son SHAPE-SHIFTERS...


Les auteurs ont les coudées franches et peuvent vaquer comme ils le veulent dans un univers de Science-Fiction pour jeunes adultes / adultes. Il est commun de voir des sexes à l'écran, pas forcément toujours pour choquer, mais aussi parce que l'inverse serait étrange (cf. les loups-garous revenant à leur forme humaine, forcément nus, dans le SHAPE-SHIFTERS cité plus haut).
La violence et le gore sont également omniprésents, permettant là-aussi aux histoires de ne faire aucune concession, d'aller au bout de leur concept. C'est le cas de HELPING HAND de l'anglais Jon Yeo, qui va très loin dans son propos sur la survie d'une astronaute en difficulté dans l'espace. 
Mais cette liberté artistique se retrouve également dans la forme; on va citer à nouveau THE WITNESS, certainement le meilleur épisode de cette saison, un vrai fantasme fiévreux animé, avec son atmosphère ultra sexuée, son sound design très poussé et ses partis-pris graphiques géniaux (buée "sur la caméra", pertes de point, décadrages, onomatopées...).
Et bien sûr, elle donne naissance à des scénarios particulièrement barrés, osés et/ou imaginatifs. On pense forcément à ZIMA BLUE avec son artiste-star faisant une apparition médiatique après une (très) longue absence, ou encore à FISH NIGHT et ses deux personnages en plein délire que d'aucun n'hésiterait pas à comparer à un trip sous acide.


Si le volume 1 n'est pas parfait ni exempt d'épisodes branlants, il n'en reste pas moins captivant dans son refus d'être grand public, dans sa volonté d'expérimenter, de vouloir proposer de l'originalité... tout en envoyant régulièrement la sauce niveau action et spectacle épique, comme dans LUCKY 13 et surtout lors de l'excellente confrontation en Sibérie entre l'Armée Rouge et les démons de SECRET WAR ! Que n'auraient pas renié les créateurs de Warhammer 40,000...

2 ans plus tard nous arrive donc le volume 2. Après visionnage de celui-ci, deux points négatifs ressortent : il n'y a que 8 épisodes, soit quand-même 10 de moins que dans le volume 1, et la série a été expurgée de tout ce qui est sexe et corps nus. Ce qui lui retire forcément de cet esprit Heavy Metal (personne n'aurait été choqué si cette série s'était appelée ainsi à l'époque !), qui sortait totalement L+D+R du registre grand public. 


Ce qui n'empêche pas la série de continuer sur sa lancée qualitative.

Le 1er épisode, LA VIEILLE DAME ET LE ROBOT, est gentillet et permet de se remettre dans le bain, avec cette histoire de grabataire se faisant attaquer par son robot domestique dans un futur où tout est robotisé. MODULE DE SURVIE est une sorte de réinterprétation de ce concept sous un jour de Space opéra, suivant un militaire futuriste dont la navette touchée en plein combat spatial s’est écrasée en milieu hostile. Enfermé dans le fameux module de survie du titre, le héros aux traits de Michael B. Jordan ne doit pas bouger, sous peine de s’attirer les foudres d’un robot assistant endommagé lors du crash. Les scènes de tension et les idées trouvées pour s’en sortir par le héros évoquent la dernière partie de l’efficace PLANETE ROUGE.

Un humour bien senti est au coeur de LA SURPRISE DE NOEL, avec son design de personnages et surtout du monstre, aussi comique que malsain. Le tout repose certes sur une blague, mais l'ensemble fonctionne à plein régime d'autant plus que le rythme est bon et la durée courte.


Robert Valley, réalisateur du ZIMA BLUE du volume 1, se fait à nouveau remarquer de par l'originalité de son univers, tournant autour d'une histoire très simple de rituel initiatique entre un garçon normal et son frère et ses amis qui eux sont "augmentés" au niveau capacités physiques. Un style graphique toujours aussi tranché, une très belle atmosphère, le tout mâtiné de contemplation. La contemplation et la mélancolie sont plus présentes encore dans LE GEANT NOYE, où la voix off d'un scientifique narre la découverte du corps d'un géant sur la plage, partant de l'excitation des badauds pour finir à l'indifférence générale.

L'épisode POP SQUAD continue à monter la barre, graphiquement, niveau atmosphère et pitch. Dans le futur, on peut vivre éternellement via des injections régulières façon Fontaine de Jouvence. Mais en contrepartie, il est interdit d’avoir des enfants... une police spéciale traque et tue les enfants des gens qui en font quand même en secret. Un des « policiers » craque... Une ambiance de film noir, évoquant également BLADE RUNNER, et une direction artistique très réussie pour ce segment faisant facilement partie du top 5 de la série dans son intégralité.



Dans 
SNOW IN THE DESERT, des chasseurs de prime sont à la poursuite de Snow, un mercenaire errant qui est immortel. Via son idée d'amour inter-espèces, (vues comme parias par leurs pairs), ses scènes de violence bien senties et son ton épique, cet épisode aussi simple qu’efficace fleure bon le parfum de Heavy Metal...

Car plus que n'importe quelle autre série ou film, L+D+R sait capter dans ses deux volumes l’esprit Science-Fiction très typé de la fameuse revue française culte des années 70 et 80... On attend la suite avec impatience.


- Arthur Cauras.


Trailer :