AVANT-PROPOS
Apparu très tôt dans l’histoire du cinéma, le concept d’hommes chassant à mort ses semblables ne s’est jamais essoufflé. Le film de chasse à l’homme en appelle à notre fibre archaïque, à nos instincts primaires pour nous impliquer en tant que spectateur, d’autant que ce sont (presque) toujours des innocents qui servent de gibier. On attend forcément ce moment où la proie va mettre à mal son agresseur.
Il existe trois types de films de chasse à l’homme : celle se déroulant officieusement, souvent sous l’impulsion d’une élite de nantis en mal de sensations fortes. C’est le cas de Chasse à l’Homme (John Woo, 1993) dont vous avez l’édition collector entre les mains. Il y a ensuite la chasse dans le cadre d’un jeu officiel, parfois télévisé, créée par une dictature en place.
Et enfin, celle tenant plus du Survival (ces récits âpres montrant des personnages tenter de survivre en milieu hostile), prenant la forme d’une traque vengeresse, ou dans le but d’appliquer une forme de justice souvent biaisée.
En fin d’article, vous trouverez les liens des articles que j'ai écrit concernant 12 films représentant le mieux les deux premières catégories.
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Le traumatisant Punishment Park a marqué toutes les mémoires. |
Si le genre a été initié par un film faisant toujours autorité, Les Chasses du Comte Zaroff (Schoedsack & Pichel, 1932), il trouve souvent sa place au coeur des dystopies. Les sociétés futuristes du cinéma d’anticipation sont rarement bienveillantes, et pas mal d’entre elles fonctionnent sur la maxime « du pain et des jeux ». Le tout est de concevoir un jeu qui abrutira les foules ; mélange de hockey et de handball avec possibilité de tuer dans Rollerball (Norman Jewinson, 1975), courses de voitures customisées en armes létales dans La Course à la Mort de l’An 2000 (Paul Bartel, 1975)… Les Gladiateurs de Peter Watkins (1969) raconte comment les grandes puissances mondiales en sont venues à organiser les Jeux de la Paix, via la reproduction de théâtres de guerre censés remplacer les vraies qui éclateraient forcément sans ça. Watkins reviendra quelques années plus tard avec son traumatisant Punishment Park (1971), tourné façon reportage et montrant de jeunes dissidents de la politique américaine jetés en pâture à la police, dans une étendue désertique.
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Une des rares incartades françaises dans le sous-genre nous concernant, avec le Prix du Danger. |
De jeu, il en est aussi question dans le très réussi Les Proies (Gonzalo López-Gallego, 2007), mais impossible d’en dire plus sans dévoiler le message assez inattendu de ce film espagnol, qui nous fait suivre un duo pris pour cible par un mystérieux sniper.
Le cinéma hispanique a pondu un autre film dans ce répertoire : Paintball (Daniel Benmayor, 2009), dont le titre contient tout le concept. Des petits jeunes voulant jouer à la guerre en forêt vont être pris pour cibles et éliminés par un tueur, le Limier, équipé d’armes à feu bien réelles. Les mises à mort sont très glauques, et Paintball préfigure en partie The Hunt (Craig Zobel, 2020), avec son élite sociale planquée dans un bunker afin d’assister avec délectation aux massacres. En parlant de glauque, on passe de l’Espagne à la Norvège avec le craspec Manhunt (Patrik Syversen, 2008), se déroulant en 1974, opposant comme souvent des citadins à des ruraux faisant preuve d’une grande cruauté (langues coupées, pieds mutilés, éventration d’un paralysé…), tellement qu’on a d’ailleurs du mal à y croire. Rob Zombie n’est pas plus partisan d’une horreur lisse dans son 31 sorti en 2016, où des détraqués mentaux écharpent avec sauvagerie des saltimbanques parqués dans un hangar.
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Le chassé devient chasseur dans Predator. |
Get Duked! (Ninian Doff, 2019) est sans conteste le plus léger et drôle de tous les films de cette liste, avec ses adolescents débiles subissant une randonnée scolaire, avant de se retrouver dans la ligne de mire d’aristocrates bon teint… et de découvrir une aide inattendue dans la consommation de crottes de lapin hallucinogènes !
MORALE
Le cinéma de série B est en général très moralisateur : un personnage responsable d’actes répréhensibles le paye toujours d’une façon ou d’une autre. Le genre qui nous intéresse ici ne déroge pas à la règle, c’est en quoi Face à Face (Mark Steven Johnson, 2013) sort son épingle du jeu. Un vétéran de la guerre de Bosnie (de Niro) est hanté par les horreurs qu’il a vécu là-bas, dont le fait d’avoir abattu dans le dos des membres de l’escadron de la mort serbe. Il se trouve que l’un d’eux (Travolta) a survécu et a passé sa vie à ruminer sa vengeance. Une traque au grand air permettra de drainer un mal-être auto-destructeur, de faire la paix avec l’autre mais surtout avec soi-même.
Essential Killing (Jerzy Skolimowski, 2010), quant à lui, prend le pari osé de nous faire suivre un taliban échappé d’un lieu de détention U.S, les forces armées américaines à ses trousses… Tout sera bon pour survivre, y compris téter le sein d’une jeune mère tétanisée afin de se réhydrater !
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White Bear nous met face à nos bas instincts d'une manière imparable. |
ET LES FEMMES ?
Les femmes ne sont pas épargnées par le genre, loin de là, comme le démontre le chatoyant Revenge (Coralie Fargeat, 2017) avec ses atours de Rape & revenge (justement). Dagmar (Roar Uthaug, 2012) se déroule en 1363 et narre l’histoire de Signe, une jeune femme de 19 ans qui survit au massacre de sa famille. Elle est enlevée par un clan mené par Dagmar, une guerrière impitoyable qui cherche une mère porteuse pour faire une petite soeur à sa fille adoptive… Signe prend la fuite, la poursuite peut commencer. La cheffe des poursuivants est particulièrement marquante, avec ce flashback inattendu faisant comprendre le monstre qu’elle est devenue. L’autre réussite du film est son traitement du deuil et de la perte d’êtres chers, comme en atteste cette séquence simple mais forte, où Signe est contrainte de revenir s’abriter dans une maison abandonnée… Où se trouve encore le cadavre fumant de l’homme qui avait tenté de l’aider.
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Le désespéré La Traque dresse un portrait de société aussi cinglant qu'écoeurant. |
TRAQUÉS
Parfois, la chasse à mort est donc lancée sans avoir été prévue, après un événement bouleversant les moeurs locaux. C’est ce qui arrive aux soldats de la Garde nationale de Sans Retour (Walter Hill, 1983), après qu’ils se soient permis de prendre l’embarcation appartenant à des Cajuns, sur lesquels ils tirent à blanc en riant grassement. Un humour qui ne sera pas au goût de tous, et leur coûtera extrêmement cher.
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Une maîtresse fuit des criminels avec ses jeunes élèves de l'Ecole de tous les Dangers. |
Dans l’épisode Le Canyon de la mort de la série culte Les Contes de la Crypte, Kyle McLachlan campe un personnage drastiquement opposé à ceux qu’il incarne habituellement, d’un genre plutôt raffiné. Sortant de prison et abattant gratuitement des innocents, il est pris en chasse à travers le désert par un motard de la police qui ne le lâchera pas d’une semelle… mourant, le flic se menottera au criminel, devenant littéralement un fardeau pour lui, sous un soleil de plomb !
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Rambo, une proie extrêmement mal choisie par les habitants de la petite ville de Hope. |
CONCLUSION
Dans ces films se déroulant souvent dans un laps de temps très réduit, les pourchassés en arrivent quasiment toujours au moment-clé où ils refusent leur statut de victimes désignées. Dès lors, l’attaque devient la meilleure défense, même s’ils y laisseront des plumes, physiquement et/ou psychologiquement. Genre métaphorique par excellence, le film de chasse à l’homme a de beaux jours devant lui…