Réalisateur de 2 courts-métrages; le vigilante JOUR APRES JOUR avec Jo Prestia tourné en Super 16mm, et le post-apocalyptique POINT ZERO avec Alaa Safi, filmé en Red One, sélectionné / primé dans des festivals tels que Sitges Fantastic Film festival (Espagne), Baghdad International Film Festival (Irak) et le Wasteland Film Festival (USA).
Je travaille actuellement sur mon 2ème documentaire sur le M.M.A.
Apparu très tôt dans l’histoire du cinéma, le concept d’hommes chassant à mort ses semblables ne s’est jamais essoufflé. Le film de chasse à l’homme en appelle à notre fibre archaïque, à nos instincts primaires pour nous impliquer en tant que spectateur, d’autant que ce sont (presque) toujours des innocents qui servent de gibier. On attend forcément ce moment où la proie va mettre à mal son agresseur.
Il existe trois types de films de chasse à l’homme : celle se déroulant officieusement, souvent sous l’impulsion d’une élite de nantis en mal de sensations fortes. C’est le cas de Chasse à l’Homme (John Woo, 1993) dont vous avez l’édition collector entre les mains. Il y a ensuite la chasse dans le cadre d’un jeu officiel, parfois télévisé, créée par une dictature en place.
Et enfin, celle tenant plus du Survival (ces récits âpres montrant des personnages tenter de survivre en milieu hostile), prenant la forme d’une traque vengeresse, ou dans le but d’appliquer une forme de justice souvent biaisée.
En fin d’article, vous trouverez les liens des articles que j'ai écrit concernant 12 films représentant le mieux les deux premières catégories.
Le traumatisant Punishment Park a marqué toutes les mémoires.
DYSTOPIES
Si le genre a été initié par un film faisant toujours autorité, Les Chasses du Comte Zaroff (Schoedsack & Pichel, 1932), il trouve souvent sa place au coeur des dystopies. Les sociétés futuristes du cinéma d’anticipation sont rarement bienveillantes, et pas mal d’entre elles fonctionnent sur la maxime « du pain et des jeux ». Le tout est de concevoir un jeu qui abrutira les foules ; mélange de hockey et de handball avec possibilité de tuer dans Rollerball (Norman Jewinson, 1975), courses de voitures customisées en armes létales dans La Course à la Mort de l’An 2000 (Paul Bartel, 1975)… Les Gladiateurs de Peter Watkins (1969) raconte comment les grandes puissances mondiales en sont venues à organiser les Jeux de la Paix, via la reproduction de théâtres de guerre censés remplacer les vraies qui éclateraient forcément sans ça. Watkins reviendra quelques années plus tard avec son traumatisant Punishment Park (1971), tourné façon reportage et montrant de jeunes dissidents de la politique américaine jetés en pâture à la police, dans une étendue désertique.
Le monde de l'animé comporte lui aussi son lot de réussites sur le sujet, ici la série B-tooom!
Les Condamnés (Scott Wiper, 2007), et la série animée B-TOOOM! (Kotono Watanabe, 2012) marchent quant à eux sur les traces de Battle Royale (Kinji Fukasaku, 2001): il y est question de s’entre-tuer pour une raison ou une autre, isolés de tout sur une île. L’état américain permet une fois par an de céder à ses pulsions de meurtre pendant une nuit entière, c’est le cadre de la saga The Purge (James de Monaco). Dans les deuxième et troisième volets, nous y suivons des groupes de personnes pourchassés par des graines de malades mentaux équipés pour les circonstances. Dans Running Man (Paul Michael Glaser, 1987) et Le Prix du Danger (Yves Boisset, 1983), des citoyens se font traquer par des professionnels, sous le regard des foules déchaînées et surtout distraites des problèmes du quotidien. Le concept de chasse à l’homme revient donc régulièrement dans ces dystopies où des jeux mortels sont mis en place pour soit-disant canaliser la violence de l’humain. La saga Hunger Games a certainement été le plus gros succès international basé sur ce concept simple mais toujours aussi efficace.
Une des rares incartades françaises dans le sous-genre nous concernant, avec le Prix du Danger.
TERRAIN DE CHASSE
De jeu, il en est aussi question dans le très réussi Les Proies (Gonzalo López-Gallego, 2007), mais impossible d’en dire plus sans dévoiler le message assez inattendu de ce film espagnol, qui nous fait suivre un duo pris pour cible par un mystérieux sniper.
Le cinéma hispanique a pondu un autre film dans ce répertoire : Paintball (Daniel Benmayor, 2009), dont le titre contient tout le concept. Des petits jeunes voulant jouer à la guerre en forêt vont être pris pour cibles et éliminés par un tueur, le Limier, équipé d’armes à feu bien réelles. Les mises à mort sont très glauques, et Paintball préfigure en partie The Hunt (Craig Zobel, 2020), avec son élite sociale planquée dans un bunker afin d’assister avec délectation aux massacres. En parlant de glauque, on passe de l’Espagne à la Norvège avec le craspec Manhunt (Patrik Syversen, 2008), se déroulant en 1974, opposant comme souvent des citadins à des ruraux faisant preuve d’une grande cruauté (langues coupées, pieds mutilés, éventration d’un paralysé…), tellement qu’on a d’ailleurs du mal à y croire. Rob Zombie n’est pas plus partisan d’une horreur lisse dans son 31 sorti en 2016, où des détraqués mentaux écharpent avec sauvagerie des saltimbanques parqués dans un hangar.
Le chassé devient chasseur dans Predator.
La jungle est le terrain de chasse du Predator dans le film éponyme de John McTiernan (1987), un extra-terrestre belliqueux cherchant à s’éprouver face aux proies les plus coriaces : un commando sur-entraîné. Chef d’oeuvre qui sera putassièrement copié-collé dans le mauvais ADN - La Menace (William Mesa, 1997) avec le pourtant bon Mark Dacascos.
Get Duked! (Ninian Doff, 2019) est sans conteste le plus léger et drôle de tous les films de cette liste, avec ses adolescents débiles subissant une randonnée scolaire, avant de se retrouver dans la ligne de mire d’aristocrates bon teint… et de découvrir une aide inattendue dans la consommation de crottes de lapin hallucinogènes !
MORALE
Le cinéma de série B est en général très moralisateur : un personnage responsable d’actes répréhensibles le paye toujours d’une façon ou d’une autre. Le genre qui nous intéresse ici ne déroge pas à la règle, c’est en quoi Face à Face (Mark Steven Johnson, 2013) sort son épingle du jeu. Un vétéran de la guerre de Bosnie (de Niro) est hanté par les horreurs qu’il a vécu là-bas, dont le fait d’avoir abattu dans le dos des membres de l’escadron de la mort serbe. Il se trouve que l’un d’eux (Travolta) a survécu et a passé sa vie à ruminer sa vengeance. Une traque au grand air permettra de drainer un mal-être auto-destructeur, de faire la paix avec l’autre mais surtout avec soi-même.
Essential Killing (Jerzy Skolimowski, 2010), quant à lui, prend le pari osé de nous faire suivre un taliban échappé d’un lieu de détention U.S, les forces armées américaines à ses trousses… Tout sera bon pour survivre, y compris téter le sein d’une jeune mère tétanisée afin de se réhydrater !
White Bear nous met face à nos bas instincts d'une manière imparable.
Dans Black Mirror, la série qui vous concasse le cerveau autant que le moral, il est également question de chasse à l’homme. Enfin, en l’occurrence d’une jeune femme se réveillant dans un endroit qu’elle ne connait pas, amnésique. Elle prend peur quand elle comprend qu’elle est épiée, filmée au téléphone puis poursuivie par des gens cagoulés qui la menacent avec des armes… L’explication finale de White Bear, glaçante comme à l’accoutumée avec ce show, créée une empathie qui serait en temps normal absolument impossible vis-à-vis d’un personnage aussi écoeurant. Et nous met alors mal à l’aise face à nos pulsions extrêmes d’auto-justice.
ET LES FEMMES ?
Les femmes ne sont pas épargnées par le genre, loin de là, comme le démontre le chatoyant Revenge (Coralie Fargeat, 2017) avec ses atours de Rape & revenge (justement). Dagmar (Roar Uthaug, 2012) se déroule en 1363 et narre l’histoire de Signe, une jeune femme de 19 ans qui survit au massacre de sa famille. Elle est enlevée par un clan mené par Dagmar, une guerrière impitoyable qui cherche une mère porteuse pour faire une petite soeur à sa fille adoptive… Signe prend la fuite, la poursuite peut commencer. La cheffe des poursuivants est particulièrement marquante, avec ce flashback inattendu faisant comprendre le monstre qu’elle est devenue. L’autre réussite du film est son traitement du deuil et de la perte d’êtres chers, comme en atteste cette séquence simple mais forte, où Signe est contrainte de revenir s’abriter dans une maison abandonnée… Où se trouve encore le cadavre fumant de l’homme qui avait tenté de l’aider.
Le désespéré La Traque dresse un portrait de société aussi cinglant qu'écoeurant.
Parfois, la victime connait un destin plus tragique encore. La Traque (Serge Leroy, 1975) prend place dans la campagne normande où une jeune anglaise se fait violer lors d’une partie de chasse organisée par sept hommes issus de la petite bourgeoisie des notables. Elle blesse grièvement son violeur avant de s’échapper, poursuivie par le reste des chasseurs cherchant à acheter son silence… Au départ. La Traque a ceci d’intéressant qu’il met en avant l’hypocrisie sociale battant son plein dès lors que les carrières futures de certains risquent d’être négativement impactées… Au fil du récit, on sort du placard quelques anecdotes pas vraiment brillantes, comme ce cycliste renversé jadis et laissé mort sur la route, le tout maquillé en accident. On se trouve des raisons tirées par les cheveux, en se remémorant le temps où on abattait une milicienne à bout de forces pendant la Seconde Guerre Mondiale… Et la clique de ces « bonnes gens respectables » d’être prise dans un engrenage de violence laissant de moins en moins de chances à toute cette sinistre affaire de se conclure sereinement. La Traque est une critique sociale très puissante, une pépite du cinéma français ne faisant aucune concession sur son propos.
TRAQUÉS
Parfois, la chasse à mort est donc lancée sans avoir été prévue, après un événement bouleversant les moeurs locaux. C’est ce qui arrive aux soldats de la Garde nationale de Sans Retour (Walter Hill, 1983), après qu’ils se soient permis de prendre l’embarcation appartenant à des Cajuns, sur lesquels ils tirent à blanc en riant grassement. Un humour qui ne sera pas au goût de tous, et leur coûtera extrêmement cher.
Une maîtresse fuit des criminels avec ses jeunes élèves de l'Ecole de tous les Dangers.
Délivrance montre lors de son dernier acte ses héros poursuivis par un consanguin local, après une atroce séquence de viol ayant marqué les mémoires de cinéphiles. Ridiculisant et humiliant horriblement les citadins se croyant au-dessus de tout (la nature) et de tout le monde (les autochtones), le film de John Boorman est l’une des références absolue du Survival. Egalement pendant son 3ème acte, L’Ecole de tous les Dangers (Arch Nicholson, 1985) s’intéresse à une classe entière d’enfants menés par leur maîtresse, décidant d’arrêter de fuir leurs ravisseurs et de les combattre. Se confectionnant des lances, des pieux ainsi que des pièges artisanaux, ils viendront à bout de leurs assaillants… avec une sauvagerie qui aura raison de leur dernière parcelle d’innocence. Un trophée sera même conservé dans la salle de classe !
Dans l’épisode Le Canyon de la mort de la série culte Les Contes de la Crypte, Kyle McLachlan campe un personnage drastiquement opposé à ceux qu’il incarne habituellement, d’un genre plutôt raffiné. Sortant de prison et abattant gratuitement des innocents, il est pris en chasse à travers le désert par un motard de la police qui ne le lâchera pas d’une semelle… mourant, le flic se menottera au criminel, devenant littéralement un fardeau pour lui, sous un soleil de plomb !
Rambo, une proie extrêmement mal choisie par les habitants de la petite ville de Hope.
Les grands espaces jouent en effet souvent contre les héros qui n’y sont pas préparés. Ce n’est pas le cas de Charles Bronson dans Chasse à Mort (Peter Hunt, 1981), incarnant un trappeur harcelé par un groupe mené par le propriétaire violent d’un chien battu, qu’il aura pris sous son aile. Lorsque sa maison sous état de siège est finalement détruite à la dynamite, l’homme part seul dans les montagnes enneigées, direction l’Alaska, poursuivit par une délégation policière et de quidams armés jusqu’aux dents, sa tête étant mise à prix. Un autre homme se sent comme un poisson dans l’eau alors qu’il est acculé dans une forêt ; il s’agit du soldat solitaire de Rambo (Ted Kotcheff, 1982). Cristallisant le mal-être des USA vis-à-vis de ses vétérans envoyés à la boucherie, Rambo montre aussi la détresse psychologique dans laquelle peut tomber le plus dur des hommes, face à l’injustice de ses semblables n’éprouvant aucune empathie à son égard, et surtout ne cherchant pas à le comprendre. Cette impossibilité de trouver quelqu’un qui l’écoute amènera John Rambo à exploser dans la violence, avant de fondre en larmes lors d’une séquence finale bouleversante. Traqué (William Friedkin, 2003) marchera brillamment sur les traces de son aîné, montrant là-aussi une machine à tuer rendu défectueuse par les multiples traumas de la guerre, que cherche à stopper son ancien instructeur.
CONCLUSION
Dans ces films se déroulant souvent dans un laps de temps très réduit, les pourchassés en arrivent quasiment toujours au moment-clé où ils refusent leur statut de victimes désignées. Dès lors, l’attaque devient la meilleure défense, même s’ils y laisseront des plumes, physiquement et/ou psychologiquement. Genre métaphorique par excellence, le film de chasse à l’homme a de beaux jours devant lui…
- Arthur Cauras.
nb : ce sujet est issu de mon article "Proies et chasseurs : les films de chasse à l'homme", présent dans le livret collector de l'édition limitée de la VHS box CHASSE A L'HOMME éditée chez ESC éditions à 1000 exemplaires, aujourd'hui épuisée.
Ce livret était voulu "interactif" : outre les QR codes flashables pour accéder aux trailers des films cités, il y était mentionné des informations qu'on ne trouvait pas dans le bluray/DVD, et vice-versa.
- Liens menant aux films qui faisaient l'objet des 12 focus suivants mon article :
Vendu fallacieusement en France comme suite d’AMERICAN WARRIOR, l'un des fameux films de ninjas ayant fait la gloire de la Cannon, AVENGING FORCE était à la base prévu pour être une séquelle à INVASION USA avec Chuck Norris. L’autre star de la Cannon, Michael Dudikoff, reprend le flambeau dans cette histoire le mettant aux prises avec le Pentacle, un groupuscule de suprémacistes blancs chassant le chaland dans les marécages de Louisiane, entre deux attentats contre un candidat noir (Steve James !) au poste de sénateur…
Ici, on ne s’embarrasse pas des « détails » (Dudikoff cavalant comme un lapin alors qu’un carreau d’arbalète lui a transpercé la cuisse), et on va droit au but : l’action, généreusement présente tout comme le manque de finesse de cette entreprise, dans la lignée de ce que produisait les fameux cousins Menahem Golan & Yoram Globus.
Le style des chasseurs très comics book d’époque n’est pas toujours très heureux, et les combats ainsi que la direction artistique accusent souvent leur âge. Mais si l’on se fade par exemple un chasseur adepte de Kendo qui ne touche pas une bille dans cette discipline, on est par ailleurs gâté par le catcheur semblant tout droit sorti de MAD MAX 2, se saisissant de Dudikoff et jouant avec lui comme si c’était un mannequin de lutte. Les techniques spectaculaires qu’il lui inflige ont d’ailleurs du laisser quelques séquelles au cascadeur lors du tournage, notamment le moment où celui-ci est balancé de toute sa hauteur les reins sur un tronc d’arbre ! Le leader du groupuscule (joué par le génial John P. Ryan) utilise quant à lui un garrot à tourniquet métallique qui n’est pas sans rappeler un passage atroce du futur CARTEL de Ridley Scott.
Le dernier acte renvoie quelque part au séminal LES CHASSES DU COMTE ZAROFF, avec son affrontement final au sein d’une demeure cosy. On y solde les ardoises façon duellistes, attendant le signal pour se rentrer dedans à coups d’armes médiévales ! Le tout se clôturant sur une fin ouverte appelant une suite qui ne verra jamais le jour.
L’ambiance pluvieuse des traques dans le bayou, assez cinégénique, évoque le SANS RETOUR de Walter Hill, et on est régulièrement surpris par le sadisme du film, avec ses massacres n’épargnant pas les enfants… le tout sur une musique rythmée pompant régulièrement celle du chef d’oeuvre POLICE FEDERALE, LOS ANGELES. Tous ces emprunts / pompages terminent d'apposer le sceau de la Cannon à cet AVENGING FORCE, tant les films de la firme étaient souvent conçus tels des créatures de Frankenstein !
Michael Dudikoff expliquera qu'il aura été rudoyé sur le tournage, notamment dans les séquences se déroulant dans les marécages, avec la pression de la faune locale (des alligators, des serpents d'eau), les joutes à mains nues qui lui coûteront un morceau de son lobe d'oreille, et par le fait de rester détrempé du petit matin au soir... Son implication se sent, et participe à faire d'AVENGING FORCE un bis pour les nostalgiques de vidéoclub, qui n’ennuie jamais.
- Arthur Cauras.
nb : ce sujet est issu de mon article "Proies et chasseurs : les films de chasse à l'homme", présent dans le livret collector de l'édition limitée de la VHS box CHASSE A L'HOMME éditée chez ESC éditions à 1000 exemplaires, aujourd'hui épuisée.
Deux semaines avant le tournage, le budget de 3,2 millions de dollars de TURKEY SHOOT (titre original) se voit amputé de 700,000$ après le départ d’un investisseur, réduisant les 44 jours de tournage initiaux à 30. Le réalisateur Brian Trenchard-Smith (dont c’est le bijou) va tout faire pour utiliser cette pression à bon escient.
En résulte un film branque et exalté, l’un des plus beaux fleurons de l’Ozploitation, ces films d’exploitation made in Australie brassant large, dont il compile (quasiment) toutes les caractéristiques extrêmes : gore, fusillade, torture et scènes de nu racoleuses.
LES TRAQUÉS DE L’AN 2000 dépeint un futur dystopique où l’on envoie les dissidents du régime dans un camp de redressement tenu d’une main de fer par le cruel… Charles Thatcher - on rappelle que le réalisateur est anglais !
On est face à un mélange film de prison / Science Fiction et même film de guerre, essaimé d'un humour d’une rare subtilité (on aime particulièrement s’attaquer aux parties génitales dans TURKEY SHOOT). Vous prendrez bien en plus une petite chasse à l’homme ?
A la moitié du métrage, Trenchard-Smith sort donc ses héros du camp (dont même les matons sont castrés afin d’être frustrés et donc plus méchants !) et les lâche dans la nature, pourchassés par des vilains sortis d’une bande-dessinée bon marché, dont un homme-loup pratiquant de lutte évadé d’un cirque, et grignoteur d’orteil !
Générosité à tous les niveaux, même pyrotechnique.
Immolation de détenu, agression sexuelle, corps coupé en deux au tractopelle, amputation de deux mains braquant un pistolet, corps pulvérisé à la mitrailleuse lourde, combat entre dizaines de figurants armés, aviation de guerre déployée : on en a pour notre fric, comme dirait l’autre. LES TRAQUÉS DE L’AN 2000 est une joie de tous les instants, pour ceux qui savent apprécier les péloches déviantes de ce type.
Quand on a reproché à Brian Trenchard-Smith : « Comment avez-vous pu faire ça ? », il a répondu tout simplement : « Pour que mes investisseurs retrouvent leur argent. » CQFD.
Quentin Tarantino a témoigné tout son amour pour ce film lors de la première de KILL BILL, et il s’en est clairement souvenu pour camper son personnage de militaire libidineux finissant les testicules en compote (décidément !) dans PLANET TERROR… film rendant par ailleurs hommage au cinéma d’exploitation !
« La révolution commence avec les marginaux », conclue le film… En tout cas, elle se fait dans une violence putassière des plus jubilatoires.
"Chéri, ça va couper !"
Le film a été remaké en 2014, hélas de bien piètre manière. Sous le titre ELIMINATION GAME, ce DTV est en réalité plus une malheureuse relecture de RUNNING MAN, avec un Dominic Purcell en militaire piégé par ses supérieurs et plongé dans un jeu de télé-réalité, où il est poursuivit par de piteux spécialistes martiaux. Avec son montage syncopé et son action improbable, ELIMINATION GAME ne rend justice ni à l’une ni à l’autre de ses deux sources.
LES TRAQUÉS DE L’AN 2000 sort le 26 Mai 2022 chez Rimini, en édition Blu-ray / DVD limitée, avec un nouveau master Haute définition et moult suppléments. A acquérir toutes affaires cessantes !
- Arthur Cauras.
nb : ce sujet est issu de mon article "Proies et chasseurs : les films de chasse à l'homme", présent dans le livret collector de l'édition limitée de la VHS box CHASSE A L'HOMME éditée chez ESC éditions à 1000 exemplaires, aujourd'hui épuisée.
Un homme qui ne sera jamais nommé est à la tête d’un safari payé par un odieux chasseur blanc, qui projette de se lancer dans l’esclavage et le commerce d’ivoire. Celui-ci refuse de respecter une coutume locale, alors que leur groupe passe sur les terres d’une tribu. Ils sont rapidement attaqués en représailles, et chacun des assistants du héros connait un sinistre sort : grimé en poulet et massacré par les femmes du village à coups de couteau, rôti comme un vulgaire gibier ou tué à petit feu par un cobra…
Reste le héros, dont le comportement digne lors de l’altercation initiale lui vaut un traitement de faveur. Si l’on peut dire ! Délesté de tout équipement et habit, il va être traqué à mort par les meilleurs guerriers de la tribu…
Le héros payant les pots cassés d'un comportement irrespectueux.
LA PROIE NUE met l’homme blanc colonisateur face aux conséquences de sa présence sur des terres qui ne sont pas les siennes. C’est le fait de s’être intéressé à la culture et à la nature environnantes qui va permettre au héros de se transcender.
Au fur et à mesure, il fait montre d’ingéniosité pour gérer le surnombre de ses assaillants, en récupérant l’arsenal des morts, en déclenchant un feu de brousse, en utilisant la technique du leurre et du pistage…
Le film est très épuré : peu de dialogues (il n'y en avait que 9 pages dans le script !) et pour bon nombre d’entre eux, pas de traduction. Forcé de retourner au primitivisme dans le sens le plus noble du terme, le héros est constamment entouré par des êtres vivants forcément mieux préparés que lui pour subsister. D’où les nombreux plans documentaires montrant des babouins se battre avec un léopard, une lionne mangeant un gnou et les guerriers tribaux chassant une antilope pour se nourrir… là où notre héros peine à tuer une poule sauvage ! Aucune épreuve de la survie en milieu hostile ne lui est épargné (traversée d’étendues rocailleuses, soleil de plomb, déshydratation…) car seuls les plus forts ont une place, comme le rappelle la séquence impitoyable de la mise en esclavage d’un village entier, sous son regard impuissant. Lors de sa fuite, le héros mutile quelques criminels et sauve la vie d’une fillette, qui le lui rendra après qu’il eut chuté dans une cascade.
Forcé à tuer pour continuer à survivre.
Cette parenthèse de bienveillance souligne les liens forts pouvant naître entre civilisations, dès lors que chacun se traite avec déférence. D’ailleurs, lorsque la chasse touche à sa fin par la force des choses, le héros et le chef des guerriers se saluent, de loin. Seul le respect appelle au respect.
Excellent film faisant encore autorité de nos jours, LA PROIE NUE a cependant deux ombres au tableau ; un racisme ordinaire lié à l’époque (les arabes sont des acteurs blancs grossièrement maquillés) et de véritables meurtres d’animaux, Cornel Wilde étant malheureusement coutumier du fait (cf. SHARK TREASURE en 1975).
On attend avec impatience chez nous une édition blu-ray à la hauteur de ce bijou épuré et tribal, tourné dans un splendide cinémascope, qui a initié la trilogie officieuse de Wilde concernant la survie, qui sera suivi par LE SABLE ETAIT ROUGE (1967) et TERRE BRULEE (1970).
- Arthur Cauras.
nb : ce sujet est issu de mon article "Proies et chasseurs : les films de chasse à l'homme", présent dans le livret collector de l'édition limitée de la VHS box CHASSE A L'HOMME éditée chez ESC éditions à 1000 exemplaires, aujourd'hui épuisée.
par Arthur Cauras, 22.08.2016 Résumer Jean-Claude Van Damme en quelques mots, d’un point de vue français? Karatéka. Sympathique. Farfelu. Belge. Rêve américain. Drogue. Télévision française. Philosophie barrée mais pas non-sensique. Renaissance. Acteur. Drôle. Imparfait. Nature. Honnête.
Image issue de la série "Jean-Claude Van Johnson", produite par Ridley Scott (2016).
La carrière de Jean-Claude a connu des (très) hauts et des (très) bas, tout comme sa vie personnelle, ce qui n'empêche pas le belge le plus célèbre d'Hollywood de jouir d'un public de fans toujours aussi nombreux.
A l'heure où les réseaux sociaux permettent aisément de mesurer la cote de célébrité de quelqu'un, la page Facebook de Van Damme compte actuellement près de 18 millions de fans, un peu plus par exemple que Mark Wahlberg, pourtant l'un des 5 acteurs les plus rentables de 2014 (1 milliard de dollars de recette pour TRANSFORMERS 4).
Les films de Van Damme ne sortent pourtant directement plus qu'en vidéo, pour la majorité d'entre eux.
Mais la force de Van Damme, c'est d'être "L'action-star" de laquelle émane une image d'homme simple et sympathique, imparfait mais ne cachant pas ses défauts. Un acteur et personnage public qui parle alors bien plus aux spectateurs fans d’action que les autres stars dont l’attitude promotionnelle est évidente à chacune de leurs sorties.
Dès ses débuts, il applique la même recette dans BLOODSPORT que Bruce Willis le fera dans DIE HARD (sorti un peu plus tard en 1989) : un héros plus humain pour développer plus d'empathie et donc de sympathie de la part du public.
Le duel final légendaire de KICKBOXER (David Worth, 1989)
Après un court-métrage siphonné qui le met dans la peau d'un karatéka gay (MONACO FOREVER), il décrochera son premier rôle digne de ce nom dans la co-production americano-hongkongaise KARATE TIGER, incarnant le grand méchant russe se dressant face au jeune héros. Van Damme bouffe l'écran et vole la vedette à tout le monde, ce qui est encore le cas avec BLACK EAGLE (encore un rôle de bad guy russe !) dans lequel il écrase de son charisme le vétéran Sho Kosugi (les posters seront refaits plus tard, avec un Van Damme mis bien plus en avant que son partenaire japonais, pourtant 1er rôle du film)...
BLOODSPORT :
LE RENOUVEAU DES ARTS MARTIAUX
La carrière de Van Damme commence véritablement avec le film-culte BLOODSPORT (1988). Ce script qui raconte la soit-disante histoire vraie d'un combattant américain prenant part à un tournoi clandestin à Hong Kong, le producteur Menahem Golan ne mise pas grand chose dessus. Aucune star n'est prévue pour jouer le rôle principal de ce projet, et c'est le sympathique cascadeur Jeff Pruit qui est initialement prévu (dixit l'intéressé). Mais celui-ci, blessé à la cheville, est forcé de décliner l'offre. Entre temps un jeune étranger nommé Van Damme (clandestin dormant à l'époque dans sa voiture, selon ses propres dires) passe son temps à camper devant le bureau du-dit producteur, et de clamer qu'il sera une star. Comme le veut la légende, à force d'abnégation, le jeune Van Damme fini par décrocher un entretien avec le nabab (déjà producteur d'une vingtaine de films) qu'il impressionne avec son fameux grand-écart et quelques coups de pieds sautés le décoiffant. Se disant qu'il faut bien finir par tourner ce scénario au budget dérisoire, et peut-être ayant encore en tête la frustration d'avoir laissé filé quelques temps plus tôt un inconnu au nom imprononçable qui lui tenait le même discours (un certain Arnold Schwarzenegger), Golan valide Van Damme dans le rôle. L'énergie et la détermination de Van Damme ont payé, le tournage à Hong Kong débute, durant lequel il s'inspire beaucoup de son maître à penser Bruce Lee dans sa façon de se figer après un coup spectaculaire, mettant en avant ses qualités techniques, éclipsant un manque d'expérience en matière de comédie. Séquences d'entraînement hardcores, présentation de combattants internationaux aux styles de combats variés, bad-guy bien méchant... Au final du tournage, BLOODSPORT s'annonce vraiment bien. Malheureusement le film, dans sa première mouture, est mou, peu intéressant et déçoit Golan qui décide de le sortir uniquement en vidéo (ce qui à l'époque est vu comme un échec complet). Van Damme, stressé, le convainc de le laisser remonter lui-même le film avec l'aide de son ami Sheldon Lettish (co-scénariste). Et c'est sur cette volonté d'optimiser les choses, cette mentalité de ne rien lâcher, que sans le savoir, Jean-Claude va lancer sa carrière et se faire un nom.
Le déclencheur de la carrière de Van Damme a failli rester dans l'anonymat (BLOODSPORT, Newt Arnold, 1988)
En effet lors de ce remaniement, Van Damme créé un rythme et un style de montage qui seront sa marque pour la décennie à venir. Il fait en sorte que lors des joutes, les coups soient lisibles et spectaculaires, et pour ça il ne se sert non pas du meilleur des axes de caméra, mais les enchaîne tous les uns après les autres à des vitesses différentes. L'action décuplée ainsi s'en voit magnifiée et surtout, contrairement à la majorité des autres films d'arts martiaux de l'époque, elle est également intelligible pour les néophytes. Le montage de BLOODSPORT deviendra sa pierre angulaire et lui servira de référence pour la dizaine de films qui suivra dans sa carrière (et donnera naissance à une flopée d'acteurs de seconde zone singeant ce style). Le long-métrage a maintenant son identité et c'est un Golan charmé qui le sort alors en salles. Le triomphe est inattendu et planétaire, notamment en France, ce qui fait dire au belge encore aujourd'hui que ce sont « les français qui l'ont fait ». Encore de nos jours, BLOODSPORT reste un film-culte, l’avénement du MMA et ses confrontations d’athlètes venus de différents horizons martiaux contribuant à faire perdurer le charme de l’entreprise. Echange de bons procédés : beaucoup de combattants citent ce film et OPERATION DRAGON comme étant les principaux déclencheurs de leurs vocation pugilistique !
LA MACHINE EST LANCEE
Les gens accrochent au style flamboyant de Van Damme, mais aussi à la candeur qu'il dégage, ce côté « enfant dans un corps d'adulte », à cette image de type droit dans ses bottes et de bonne volonté, lié d'une manière ou d'une autre aux arts martiaux grâce auxquels il éprouve ses personnages.
Durant cette première période, Van Damme va régulièrement jouer la carte du héros mutique à la Alain Delon (autre icône cinématographique qu'il admire), tout en y ajoutant quelques faiblesses ; ses personnages ne sont pas invincibles, pas parfaits mais travaillent sans relâche pour le devenir.
A ce titre, ses films le montrent presque toujours se faire martyriser par ses opposants, avant de revenir plus fort après avoir repris confiance en soi, avec ou sans l'aide de ses proches.
La formule est très efficace et conquiert le public, un parterre de fans qui ne se tarira jamais vraiment.
Van Damme marche sur les traces de Mad Max
dans CYBORG (Albert Pyun, 1989)
Les succès internationaux s'enchaînent. CYBORG surfe sur la renommée de MAD MAX, proposant une chasse à l'homme trépidante aussi avare en dialogue que généreuse en fight en tout genre. Là encore, Van Damme retravaille le montage des combats du film, les rendant tantôt plus vifs et stressant (coups de couteau et lame sortant d'une chaussure frôlant les corps), tantôt plus épiques (la confrontation finale sous la pluie dans un Atlanta en ruines). La récente projection du film à la Cinémathèque française a prouvé que le film jouissait encore de nos jours d'un petit statut de film culte, avec son public totalement entraîné dans l'action de cet univers en déliquescence. "Pour faire un bon film il faut un excellent méchant", disait Hitchcock : la recette est appliquée dans CYBORG avec son cannibale anarchiste au regard d'acier, mais aussi dans le film suivant, KICKBOXER, avec le fameux Tong Po via sa scène de présentation où il égraine un pilier avec son seul tibia. Cette espèce de reboot de BLOODSPORT connaît un grand succès public, exalté devant les prouesses du jeune héros naïf qui se transcende dans la douleur à l'entraînement afin de venger son frère paralysé. FULL CONTACT est une relecture du BAGARREUR avec Charles Bronson, dans lequel Van Damme déboite un par un les opposants de combats clandestins (une idée récurrente de son début de filmographie, qui reviendra plus tard dans IN HELL), afin de gagner l'argent nécessaire à la survie de la famille de son frère fraîchement décédé. Il change de registre en s'essayant au thriller carcéral avec COUPS POUR COUPS, le temps de traquer le serial-killer, dévoiler un trafic d'organes et de rosser un malandrin à coups d'haltère, avant de s'attaquer à DOUBLE IMPACT où il joue des frères jumeaux à la personnalité différente défiant de vilains mafieux, parsemant le film de touches d'humour. Tous ces films mettent bien évidemment en valeur les caractéristiques martiales de Van Damme, sa générosité en terme d'action, et marquent les esprits. Sa réputation croit à travers le monde, il est clairement la nouvelle star du cinéma d'action, au même niveau qu'un Stallone et qu'un Schwarzegger devenus ses amis, ce qui ne sera pas le cas avec le monolithique Steven Seagal qui lui tirera la bourre au box-office.
Une constante dans ses films : Van Damme se fait toujours molester avant de reprendre la main. Ici dans FULL CONTACT (Sheldon Lettich, 1990)
Son premier film en tant que « simple » acteur, Van Damme le livre à son public via CAVALE SANS ISSUE, choix de carrière assez osé (quasiment pas d'action) qu'il peut se permettre après le carton de son premier film de studio, UNIVERSAL SOLDIER, dont il partage l'affiche avec Dolph Lundgren.
Il va débaucher le réalisateur talentueux du polar culte THE HITCHER, Robert Harmon, pour se faire diriger dans ce drame épuré également mené par Rosanna Arquette. Succès à la clé, confirmant à Jean-Claude qu'il peut varier ses projets et se mettre en danger artistiquement, sans perdre ses fans. Le firmament de sa carrière est atteint en 1993 et 1994 avec l'actionner CHASSE A L'HOMME, qui permet au père de A TOUTE EPREUVE et de THE KILLER, John Woo, de faire son premier film américain. Rixes, fusillades, poursuites menées tambour battant assurent à cette relecture des CHASSES DU COMTE ZAROFF un énorme succès à sa sortie, qui sera suivi par celui encore plus grand de TIMECOP, inégalé à ce jour dans la carrière de Van Damme. Qui dit succès dit argent, qui dit argent dit contrat, et Jean-Claude va alors faire l'une des plus grandes erreurs de son parcours, comme il l'avoue lui-même de nos jours.
CHASSE A L'HOMME : l'un des plus grands succès internationaux du belge,
sous la houlette du virtuose John Woo (1993)
STREET FIGHTER :
LE FILM DU DECLIN
Quand le studio Universal propose par téléphone un véritable pont en or à Van Damme (12 millions pour 3 films), celui-ci répond froidement qu'il en veut 20, comme Jim Carrey (une des plus grosses stars Hollywoodiennes de l'époque). Ce à quoi son interlocuteur lui aurait répondu «Amusez-vous bien Monsieur Van Damme…», avant de raccrocher… Tout le monde dans son entourage fait des bonds de 10 mètres en apprenant la nouvelle. Mais de l'argent, on lui en propose un bon paquet pour tenir le rôle de Guile, personnage emblématique du jeu vidéo mondialement connu « Street Fighter II », et Jean-Claude saute sur cette occasion financièrement très intéressante. Au contraire du grand public, ses fans ne vont pas accrocher à cette adaptation certes divertissante mais avec trop peu de rapports avec ce qu'il faisait jusqu'à présent et ils vont lui faire payer : c'est le pivot de sa carrière, qui ne sera plus jamais comme avant.
De l'action sans trop de violence, vantait Van Damme à l'époque: STREET FIGHTER glanera les foules mais brisera un lien entre le belge et ses fans, ce qui enclenchera le déclin progressif de sa carrière.
DEUXIEME PARTIE DE CARRIERE :
LA QUALITE ET LES DTV
Van Damme redouble pourtant d'efforts, ne cessant de débaucher des réalisateurs de renom pour le pousser dans ses retranchements de comédien et d’athlète. Il livre ainsi une très belle prestation de héros tourmenté découvrant le passé de son jumeau décédé dans le polar âpre et violent RISQUE MAXIMUM, après avoir monté son ambitieux projet en tant que réalisateur/acteur : faire un « BEN-HUR version arts-martiaux » avec LE GRAND TOURNOI. Mais les succès très relatifs et les échecs commerciaux commencent forcément à laisser des traces, le moral est bas, et Van Damme sombre dans une période de cocaïne. Ses passages à la TV française faisant le beurre des émissions de divertissement. Paradoxalement c'est à cette époque qu'il livre certains des films les plus intéressants de sa carrière. DOUBLE TEAM peut être considéré comme un des meilleurs films d'action des 90's, chatoyant et déjanté, préfigurant même quelque part les films-comics à venir : dirigé par le génie du cinéma asiatique Tsui Hark (IL ETAIT UNE FOIS EN CHINE), Van Damme y incarne une sorte d'agent secret sauce arts martiaux, évoluant dans un monde dégénéré dominé par un père vengeur (Mickey Rourke) détruit par la mort accidentelle de son fils. L'action y est à son paroxysme, on voyage d'un pays à l'autre façon James Bond, il y a 1000 idées à la minute, jouant sur la thématique du caché et du faux-semblant (une lame dissimulée sous un pied nu, un étui à guitare-mitrailleuse, un couffin-bombe, etc), multipliant les hommages aux références du genre (LE PRISONNIER), dont l'apothéose se déroule dans le Colisée de Rome avec Van Damme, Rourke, Denis Rodman... Et un tigre. Résultat : un gros four au box-office, qui n'empêchera pas la même équipe d'aller encore plus loin dans le concept avec la peloche joyeusement fêlée PIEGE A HONG-KONG, dotée d'un scénario aussi jouissif qu'imbitable écrit par Steven de Sousa (DIE HARD mais aussi… STREET FIGHTER), dans lequel Van Damme combat des cuistots karatékas, participe à une course de pousse-pousse durant laquelle il se fait fouetter le fondement avec une anguille, tente de maîtriser un hors-bord projeté dans les airs par des explosions vertes (!), affronte un méchant russe contrebandier dont les verres de lunettes sont des lames... Un fourre-tout bordélique pas possible, qui ne débande jamais et propose un spectacle hautement réjouissant et drôle... Qui laissera à nouveau le public de marbre.
Image tirée de DOUBLE TEAM : un des films les plus déjantés
de sa génération (Tsui Hark, 1997)
LEGIONNAIRE, relecture de IL ETAIT UNE FOIS LA LEGION, permet là encore à Jean-Claude de montrer son évolution en tant que comédien, dans une histoire dramatique, portée par une musique mélancolique animant des scènes de guerre spectaculaires se déroulant dans des décors splendides. Le film connaîtra une sortie salles et un succès mineurs, le poussant à honorer le contrat le liant à la saga UNIVERSAL SOLDIER dont le premier opus reste l'un de ses plus gros cartons en salles. Avec UNIVERSAL SOLDIER : LE COMBAT ABSOLU (1999), il signe donc ce qui doit être le dernier représentant des films d'action typés pré-années 2000: un scénario totalement occulté par une action omniprésente, montrant son personnage de super-soldat Luc Devreaux combattre d'autres militaires améliorés scientifiquement, afin de retrouver sa fillette. Cette séquelle honnête dans son concept simpliste (vous voulez de l'action, on vous en donne) ne fonctionne là encore pas en salles, ce qui amène Jean-Claude a céder au chant des sirènes du monde du DTV (Direct-to-video, soit les films ne connaissant pas de sorties cinéma).
C'est ainsi qu'il joue dans le western-métaphysique complètement barré INFERNO, mis en scène par le réalisateur de ROCKY, racontant l'histoire d'un type suicidaire en pleine expiation arrivant dans une bourgade paumée, montant deux gangs l'un contre l'autre, façon YOJIMBO / POUR UNE POIGNEE DE DOLLARS, à cause d'une histoire de bécane volée (!). Doté d'un humour assez spécial et de séquences "What the fuck" (Jean-Claude cul nu devant une demoiselle "voulant le remercier", Jean-Claude en marcel faisant de la moto à côté d'un coyote en plein désert, etc), le film est un OVNI parfaitement fascinant, provoquant toutefois les sarcasmes des téléspectateurs (ne parlons même pas de la critique), qui arguent alors que sa carrière est bel et bien terminée.
VAN DAMME
OU LE CHEMIN DE LA REDEMPTION
Mais Van Damme est difficilement calculable et va au contraire continuer à pousser sa carrière vers la qualité, la marquant des thématiques du rachat et de la rédemption.
Il est facilement imaginable que l’écroulement de son confort de super-star et la déchéance connue via la drogue y sont certainement pour beaucoup. Il multiplie alors les projets bien plus personnels dans lesquels ses personnages sont meurtris, déboussolés, tourmentés, brisés ou au bout du rouleau, cherchant à renaître de leurs cendres.
Van Damme dans l'un de ses meilleurs rôles : celui du clone
ingénu dans REPLICANT (Ringo Lam, 2001)
REPLICANT, sorti au cinéma et réalisé par Ringo Lam, est de cette trempe. Affectionnant les rôles de doubles/jumeaux, il interprète un tueur en série sadique qui se voit cloné par le gouvernement pour mieux lui mettre la main dessus. Le clone est certainement l'une des meilleures performances du belge, totalement investi dans ce rôle. Rien d’étonnant pour quelqu’un désormais obsédé par cette thématique de la rédemption; quoi de plus galvanisant que d’incarner un être « ré-accouché », totalement pur, un véritable nouveau-né dans un corps d’adulte? Le clone, candide et inoffensif dans un premier temps, apprend en vitesse accélérée à marcher, manger, comprendre le monde, et se heurte à la violence des hommes, lors de séquences aussi simples que poignantes, notamment quand il se fait injustement battre comme un chien par le policier ayant sa garde, qu'il découvre son environnement (la pluie, le verre) ou encore lors de son premier rapport sexuel. REPLICANT est à n'en pas douter l'une des preuves les plus parlantes du talent de sa vedette, qui se détache définitivement des acteurs mono-expressifs des autres films d'action et d'arts martiaux.
Il continuera dans cette démarche avec l'excellent IN HELL, après un quelconque THE ORDER et un POINT D'IMPACT de sinistre mémoire. Dans ce film de prison hardcore, signé là-encore Ringo Lam, Van Damme livre l'une de ses meilleures prestations, jouant un honnête citoyen jeté dans une prison russe où les combats clandestins permettent à des geôliers sadiques de se divertir. Littéralement traîné dans la boue, se laissant mourir de faim, dans un état physique lamentable, mis au mitard où s'écoulent les déjections des détenus (!), l'homme parvient à se rebâtir dans la douleur, mutant bientôt en bête fauve livrant des combats ultra-violents, avant de connaître diverses phases mentales lui permettant d'accepter la disparition de sa femme. IN HELL, injustement sorti directement en vidéo, est clairement l'une des plus grandes réussites de Jean-Claude, à tous points de vue, et peut être vu comme un film très personnel - autant voir plus que le JCVD à venir. En effet, on peut y voir la prison comme une représentation d'Hollywood, avec un Van Damme candide y entrant et s'y faisant concasser, avant de revenir du fond du trou (littéralement) pour s'en échapper.
Van Damme retrouve le réalisateur Ringo Lam pour une nouvelle
collaboration de qualité, avec l'excellent et masochiste IN HELL (2003)
Il poursuit ses efforts avec une nouvelle composition de héros dépressif dans L'EMPREINTE DE LA MORT (sorti en salles française, réalisé en petite partie par Ringo Lam, encore lui), qui noie son chagrin dans l'alcool avant d'aller dérouiller les mafieux à l'origine du meurtre de sa famille, et se met en danger dans JUSQU'A LA MORT (DTV), dans lequel il campe un personnage de flic pourri qui se dégoûte lui-même, trompant sans conviction sa femme entre deux affaires miteuses, avant de tout faire pour mourir avec les honneurs. Ces choix de héros particulièrement tristes, donnent l'impression que Jean-Claude cherche à ouvrir une voie "film d'action auteurisant" à sa filmographie. Et justement, la consécration de ses talents de comédien, Van Damme la connaîtra avec le très bon JCVD, un faux-vrai film sur sa vie, mêlant véritables et fausses anecdotes sur son quotidien (procès, cachetonage dans des DTV, relation avec les fans…), alors qu'il est pris dans le braquage de la Poste de Bruxelles, opéré par une équipe de bras cassés. Rien que le faux-trailer sorti à l'époque, montrant un simili-casting pour le rôle de Van Damme durant lequel celui-ci débarque à l'improviste, annonce quelque chose de fort, drôle et original. Ce film sorti au cinéma, fortement inspiré d’UNE APRES-MIDI DE CHIEN, brille par son équilibre entre humour et drame et séduit à la fois le public et la critique, qui découvrent le belge sous un jour inattendu. La scène dite du confessionnal où face-caméra, Jean-Claude revient sur tous ses travers passés en plan-séquence, fera à juste titre parler d'elle et servira en plus de remise des compteurs à zéro concernant les sarcasmes des médias français à son sujet. Dans JCVD, Van Damme démontre s'il en était encore besoin qu'il est un véritable comédien.
Un Jean-Claude à nu et 100% comédien dans JCVD (Mabrouk el Mechri, 2008)
Même lorsqu'il poursuit son contrat de séquelles DTV à UNIVERSAL SOLDIER, il reste dans cette optique de livrer des prestations premier degré. Sa rencontre avec le fils de Peter Hyams (OUTLAND), John, est certainement l'une des meilleures choses qui lui arrive. John Hyams vient des Beaux-Arts et du documentaire, est passionné par le MMA (son docu THE SMASHING MACHINE est l'un des meilleurs du genre), par les films de John Carpenter et David Cronenberg, il a une vision du genre très âpre, qu'il applique à UNIVERSAL SOLDIER 3 : REGENERATION. Doté d'un petit budget, tourné dans les pays de l'est, le film se voit optimisé par une équipe se démenant (c'est papa Peter à la lumière, et Dolph Lundgren revient très motivé au casting), montrant un Luc Devreaux (Van Damme) en dépression, saturé de drogues, pantin du gouvernement forcé d’aller au carton. La froideur de l'ensemble, la musique sourde et la rudesse des rixes donnent un côté déprimant inattendu pour une production de ce type. Les 25 dernières minutes sont totalement hypnotisantes, avec force plans séquences de massacres, dans lesquels évolue un Van Damme totalement habité par son rôle de mort-vivant, face auquel un opposant préfère la défenestration plutôt que l’affrontement !
John Hyams est l'un des meilleurs réalisateurs avec lequel
Van Damme ait collaboré (ici sur le tournage de DRAGON EYES)
Van Damme continue ses DTV plus impersonnels (SIX BULLETS, ASSASSINATION GAMES) , et après un retour au cinéma via KUNG FU PANDA 2 et surtout THE EXPENDABLES 2 (dans lequel il est l'un des rares à composer un personnage et non à faire des clins d'oeil au public nostalgique des 80’s), il retrouve John Hyams le temps de DRAGON EYES, où il n'a qu'un rôle secondaire de taulard repenti (la rédemption, encore et toujours). Là-encore le duo accouche d'un DTV original, racé et rafraîchissant, rappelant les jeux vidéos comme DEF JAM avec ses batailles entre gangs.
Le quatrième volet de la saga UNIVERSAL SOLDIER est un des plus brillants
films de Science-Fiction et d'action de ces quinze dernières années.
Mais c'est avec UNIVERSAL SOLDIER : LE JOUR DU JUGEMENT que les deux hommes livrent un des meilleurs films d'action / fantastique des quinze dernières années. Qui aurait misé un kopeck sur le 4ème volet d'une saga intitulée UNIVERSAL SOLDIER ? Et pourtant… Mêlant l'univers de Philip K. Dick (et sa thématique de la paranoïa, du doute concernant l'assurance d'être bien ce qu'on croit être) avec celui de Cronenberg (avec ces personnages malsains défigurés, ces troubles liés aux expérimentations sur le cerveau), en bardant son film d'une tonne de moments de bravoure, de plans-séquences spectaculaires, de combats âpres inspirés du MMA, de poursuites en voiture bien méchantes et de fusillades où chaque balle fait très mal, Hyams optimise au maximum et transcende même son budget. Il permet à nouveau à Van Damme de briller au-delà des frontières du film d'action, malgré le rôle secondaire (sur le papier) qu'a celui-ci. Jouant une sorte de Colonel Kurtz désespéré version Science-Fiction, Van Damme, chauve et peinturluré façon tête de mort tribale, traîne son spleen dans les rangs de sa minuscule armée d'insurgés, jouant les objecteurs de conscience via une drogue destinée à rallier les autres super-soldats manipulés par un gouvernement pourri. La présence de Jean-Claude est prégnante et le film se taille à juste titre une excellente réputation de perle de série B, qui aurait méritée une sortie cinéma (sous le seul titre "Le jour du jugement"?). Sincèrement, on donnerait cher pour avoir une nouvelle suite de ce calibre-là !
RETOUR DERRIERE LA CAMERA
Si Van Damme répète sans relâche qu'il est heureux de sa carrière d'acteur et d'avoir la famille qu'il a, il se morfond d'un autre côté de "n'avoir rien apporté d'important ni de révolutionnaire sur Terre". L'apport dont il rêve : un film universel.
Germe alors depuis des années l'envie de revenir à la réalisation, plus de 10 ans après LE GRAND TOURNOI. Il sera question d'un film métaphysique, d'un parcours durant lequel le héros se rachètera de mauvaises actions, le tout entrecoupé de plans de nature et d'animaux (un peu comme ce que fera plus tard Luc Besson avec LUCY). Un film d'action, mais sur l'homme, sur la vie, quelque chose de transcendant. Ce TREE OF LIFE version coup de savate dans la bouche, Jean-Claude l'écrit et le produit seul, et le film de changer de titre de THE TOWER (référence apparemment à LE JEU DE LA MORT où Bruce Lee gravissait des étages tenus par des adversaires à battre) en FULL LOVE, avant d'être renommé THE EAGLE PATH pour le festival de Cannes en 2010, où il est projeté non terminé. Suite aux mauvais retours (aucun acheteur à l'horizon), Van Damme repasse au montage en Chine, simplifie l'histoire, et renomme à nouveau le projet FULL LOVE, qui reste actuellement toujours invisible. Connaissant le personnage et sa générosité philosophique autant pertinente que régulièrement barrée, ce deuxième film en tant que réalisateur, semblant donc très personnel, donne vraiment l'envie d'être découvert.
PLUS PROCHE DE TOI PUBLIC
Alors qu'il vient de finir quelques pubs ("Coors light" vaut le détour), WELCOME TO THE JUNGLE (un DTV barje lui permettant enfin de jouer dans une comédie comme il le souhaitait depuis longtemps) et ENEMIES CLOSER (où il campe un badguy taré, écolo et végétalien !), Jean-Claude décide de monter sur pied un concours ouvert à tous ses fans. Pour cela il se fait filmer avec des armes en plastoc sur fond vert, lançant volontairement des répliques éculées et on ne peut plus clichées du cinéma d'action des années 80, ouvrant le feu dans le vide, faisant des têtes d’hurluberlu, envoyant deux-trois coups de pieds… Les règles du jeu sont simples ; n’importe qui peut se servir de ces images gratuites pour composer un court-métrage, à partir du moment où c'est à but non-lucratif. L'idée est maligne : en plus de donner lieu à des films courts très drôles (cherchez "Jean-Claude Van Damage" sur Youtube), Van Damme montre par le biais de ce concours couronné de succès, à quel point il veut rester proche de ses fans.
L'honnêteté de l'acteur, s'exprimant souvent par le biais de ses tirades philosophiques dans les médias, est une de ses grandes forces qui l'a toujours lié de près à ses fans. "Dans ma vie, j'ai perdu de l'énergie car j'étais entouré par les mauvaises personnes. Pas 'mauvaises' dans le sens 'méchantes', mais pas bonnes pour moi." Van Damme a changé de manager, d'agent, a divorcé, s'est remarié, a divorcé à nouveau, et c'est dans un environnement relationnel sain qu'il peut se transcender, il en a conscience et veut montrer tout ça au public. Dans ce soucis de transparence finalement assez rare chez les stars, il mettra donc en chantier une real-TV de sa personne avec BEHIND CLOSED DOORS, qui montre tout son quotidien le temps de 8 épisodes de 40 minutes, lui permettant de déballer ce qu'il a sur le coeur, sans cacher son côté excentrique, en plus d'ouvrir les portes de ses propriétés au Canada et en Belgique (où il a un refuge pour animaux abandonnés). Si la forme journalistique de l’entreprise est assez putassière, le fond est bien là et représente comme il se doit le comédien; imparfait mais vrai et très attachant.
Image tirée de BEHIND CLOSED DOORS (Jared Wright, 2011)
Alors, pourquoi Van Damme a t'il donc plus de fans qu’un « Marky » Mark Wahlberg pourtant beaucoup plus exposé au cinéma? Tout simplement parce que Van Damme fait partie de ces derniers titans du cinéma d’action, de ces stars qui faisaient se déplacer les gens. Contrairement à aujourd’hui où le public regarde les films plus pour le spectacle et les effets spéciaux que pour ses vedettes. Comparez par exemple les résultats au box-office des films de super-héros de Robert Downey Jr avec ses autres films. Les gens vont voir Iron Man et les CGI avant tout. Tandis qu’à l’époque et encore maintenant, les gens veulent voir Van Damme avant tout, la différence est là! Dans l'interview donnée à l'occasion de la sortie du film JUSQU'A LA MORT, Van Damme parle du fait que tout le monde mériterait non pas une deuxième chance, mais plutôt plusieurs, afin de voir les échecs de façon plus positive. Van Damme continue a saisir ces chances, pour proposer régulièrement des projets originaux comme s'annonce l'être son petit dernier, JEAN-CLAUDE VAN JOHNSON, une série bien barrée dans laquelle se mélange à nouveau réalité et fiction façon JCVD ! Chacun de ses nouveaux films sonne comme un nouveau début de sa carrière, après tout comme l'a prouvé récemment le succès de sa pub "Epic split" pour Volvo Trucks (près de 80 millions de vues), sa cote de popularité n’est pas prête de s’essouffler et ses fans sont toujours aux aguets. Arthur Cauras. (remerciements à Bertrand Coupey)