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jeudi 26 août 2021

BLACK SUMMER (série de John Hyams, 2019)




BLACK SUMMER
(série créée par John Hyams & Karl Schaefer, 2019)


BLACK SUMMER est une série hélas noyée dans le sous-genre sur-saturé du film de zombies et d’infectés qui est revenu en force depuis une vingtaine d’années. Sur des centaines de films sortis, les réussites se comptent sur les doigts des 2 mains, et sorti des incontournables DERNIER TRAIN POUR BUSAN (Yeon, 2016), DAWN OF THE DEAD (Snyder, 2004) ou encore [REC] (Balaguero & Plaza, 2007), et des tentatives originales et respectables comme MAGGIE (Hobson, 2015), il y a énormément de déchets.


DÉGRAISSÉ JUSQU’A L’OS

BLACK SUMMER n’est peut-être pas une série parfaite, mais elle fait toutefois paradoxalement un bien fou à ce sous-genre, devenu bien fatigant et rébarbatif au fil des années.

Le concept de base de cette série semble d'avoir cherché a épurer au maximum la narration, afin de laisser (sur)vivre les différents protagonistes dans une situation d’urgence où il n’y a plus aucune règle.

Il n’y a pas vraiment d’arcs narratifs, ni d’enjeux, tout simplement parce que les personnages sont perdus, chamboulés, ne savent pas quoi faire ni ou aller. Si dans les premiers épisodes il est question d’un éventuel salut militaire dans un grand stade en-dehors de la petite bourgade où se déroule l’action, il est finalement vite mis de côté, et la série se focalise sur la survie au jour le jour des personnages, seuls ou en groupes.

L’intérêt n’est pas non plus de savoir d’où vient l’infection, ni d’assister à des scènes gore où les infectés dévorent et démembrent les divers personnages. Il est autre part; sur la tension, la peur de se faire attraper, et la survie au milieu du vide — urbain dans la saison 1, enneigé dans la saison 2. La mise en scène s'efforce de transcender tout ça à chaque instant, d'optimiser chaque parcelle de décor, et y arrive avec brio.

Le sempiternel groupe de survivants
de toute histoire de zombies... Sauf que.


Le premier épisode peut de ce fait dérouter : on doit accepter cette épure ainsi qu'une construction en chapitres dont les titres sont soit le nom des protagonistes qu’on va découvrir, soit des mots-clés de choses ou d’actions qui vont être essentielles pour que ces individus avancent — ou tombent.


PERSONNAGES RÉALISTES

Ainsi donc, il ne faut pas s’attendre particulièrement à ce que tel personnage qu’on découvre le temps d’un chapitre finisse par rejoindre le groupe présenté comme principal auparavant : tout peut s’arrêter d’une traite le concernant, ou bien il peut rester en solitaire. De la même manière, un groupe peut éclater à cause d’une situation violente, et les personnages ne plus jamais se recroiser. Comme dans la réalité, serait-on tenter de dire. Tout est donc articulé autour de personnages et de relations simples, réalistes et crédibles, et amène à des scènes de tension véritablement stressantes.

Ces petites tranches de vie évoquent parfois certains courts passages du roman-fleuve LE FLÉAU de Stephen King, lorsque celui-ci faisait une pause dans sa colossale narration principale, pour s'intéresser à la fin de vie de quelques quidams errant dans une société purgée de 99% de la race humaine, tâchant de trouver un sens à leur vie solitaire et à s'en sortir vainement. Enfant de 5 ans y comprit.

Dans cet ordre d'idée, on a donc par exemple ce pauvre type en mal de confiance et un peu maladroit, qui durant l'intégralité d'un épisode, joue au chat et à la souris avec un seul infecté. Ce gars pas forcément très charismatique vient d’un groupe au sein duquel il n’arrivait pas à se faire respecter, ni à nouer de liens amicaux... ironiquement, il va finir par attirer l'attention de quelqu'un : un ancien « ami », devenu infecté, qui va le ventouser pendant 30 minutes !

Tranches de vies de personnages ordinaires.

Là encore, peu de narration, si ce n’est de l’action et de l’observation de débrouillardise où il n’y a pas droit à l’erreur. Car ces héros n'ont rien de « badass », ils doutent, doivent faire des choix très vite et qui peuvent s’avérer catastrophiques pour eux : dans ce cas tout s’arrête sans pitié, comme dans la réalité. Ils se révèlent par leurs actions, au fur-et-à-mesure ou d’une seule traite.

Il y a aussi cet épisode avec ses influences de plans à la SHINING (Kubrick, 1980) et surtout sa grosse référence au film LES RÉVOLTÉS DE L’AN 2000 (
Serrador, 1976). L’idée des enfants tendant des traquenards létaux aux adultes est aussi bien pensée que malaisante. Les personnages de Spears, le faux militaire, et de Rose fonctionnent très bien, et à nouveau la série transcende son petit budget et son seul endroit (un collège abandonné) en mettant en place des scènes de poursuites haletantes.


JOHN HYAMS

Derrière cette série, il y a deux hommes dont John Hyams, fils de Peter Hyams, bien connu des amateurs de cinéma d’action et d’horreur. Hyams est très clairement l’un des cinéastes contemporains de Série B les plus intéressant qui soit, il est extrêmement doué pour transcender ses petits budgets... Les trois films qu’il a tourné avec Jean-Claude Van Damme ou encore ALONE en attestent largement.

On retrouve son univers régulièrement, comme dans l’épisode d’ailleurs conté façon RASHOMON (plusieurs points de vue d’une même situation avec les retours dans le passé inhérents à ce concept), où les héros arrivent dans un endroit militarisé qui est aussi un lieu de débauche évoquant la scène du bordel d’UNIVERSAL SOLDIER - DAY OF RECKONING, et cette fuite pour la survie des personnages avec lumières stroboscopiques / lumières d’état d’urgence rappelant là-aussi le même film dans son climax « Kurtzien ». On a également souvent l'utilisation inspirée de la profondeur de champ dont il faisait montre dans le 3ème volet d’UNIVERSAL SOLDIER, et tout ce qui est combat est très réussi et brutal, pas étonnant venant de la part d'un grand connaisseur de MMA (voir son excellent documentaire THE SMASHING MACHINE sur le champion déchu Mark Kerr).
Enfin, son emploi si singulier du sound design — qui se meut lentement en musique sourde et angoissante avant de se résorber, fait ici aussi son office.


Niveau esthétique, Hyams travaille continuellement une simili lumière naturelle, très belle, poussant les hautes lumières, la surexposition de certains plans, le placement d’éclairages artificiels directement dans le cadre pour en bénéficier (lampes à gaz, torches, flammes des armes). Tout ceci n’est pas sans rappeler la patte de papa Peter Hyams, qui excellait dans l’usage du clair-obscur dans ses films.

L’intelligence de la mise en scène de John Hyams permet de contourner l'étroitesse du budget tout en répondant à l'urgence du récit ; les scènes sont pensées en majorité comme une succession de faux plans séquences très immersifs, rappelant qu'Hyams aime particulièrement cet exercice qu'il réussit avec brio depuis ses débuts (cf. la scène de flashback dans le garage de DRAGON EYES). Il y a une véritable o
ptimisation des décors qui sont filmés sous toutes les coutures pour les rentabiliser et surtout les rendre anxiogènes. 
La direction d'acteurs est très bonne, et les états d’âme et déviances des personnages captés dans des plans qui durent, caméra épaule, créent de véritables moments de malaise même lors de séquences plus statiques que les nombreuses courses-poursuites entre humains et infectés.


TENSION CONSTANTE

BLACK SUMMER est en effet bardé de passages oppressants. Comme ce jaugeage durant la saison 1 entre véhicules qui roulent au pas dans une banlieue désertée, avant que ça ne parte en course-poursuite létale, ou tout ce qui se passe dans le manoir de la saison 2, avec ces petits groupes se regardant en chien de faïence — l’un des personnages remémorant partiellement le très malsain Bobby de THE DIVIDE (Gens, 2011).

Les auteurs parviennent rapidement à nous faire assimiler le fait que la vie de chacun ne tient qu’à un fil, et l’évolution de certains personnages principaux fait froid dans le dos, dont Rose pour ne pas la citer, cette mère de famille se déshumanisant en allant 
réellement trop loin pour préserver sa fille, qui suit fatalement le même chemin qu'elle. Sa relation agressive avec le "bonimenteur" (que personne ne croit jamais, à tord) est assez angoissante, tout comme celle entre le dénommé Spears (duquel on apprend le passé peu reluisant) et un autre solitaire, alors qu'il est totalement perdu et blessé.

Spears se dévoile un peu plus lors d'un épisode
lui étant consacré... pour le meilleur et pour le pire.

On ne sait jamais à qui se fier, l’idée du chaos général ayant fait perdre les pédales à la majorité des gens est ici très bien retranscrite. Ainsi, quand on voit pour la première fois William, qui deviendra l’un des attachants personnages principaux, on s’attend à ce que ce soit une pourriture car il opère exactement de la même manière qu’un homme ayant faussement montré patte blanche pour pouvoir monter dans la voiture d'une femme, en amont.

Lorsque des personnages en braquent d’autres, surtout quand il nous sont sympathiques, on frémit. Car la série ne nous concède aucun moment de répit, et ne montre aucune merci envers qui que ce soit. De la même manière, certains protagonistes attachants nous deviennent progressivement antipathiques, comme Rose et sa fille, guère fréquentables. Ici, être gentil et empathique ne paye jamais vraiment.

Le scénario joue également régulièrement avec nos nerfs via l’utilisation de points de vues différés dans le temps. On commence une scène choqué par la brutalité d’un personnage vis-à-vis d’un autre. Plus tard, on voit le fondement de cette agressivité. Ca nous met intelligemment en situation d'incertitude en ce qui concerne le bien fondé de certaines actions. On pense par exemple à la radicalité de Rose en fin de saison 2, au début d'un épisode, avant qu'on ne comprenne mieux son geste par un retour en arrière depuis son point de vue.


SAISON 3 ATTENDUE

Alors oui, BLACK SUMMER n'est pas dénué de défauts : on devine parfois la fin de certains personnages qui n'avaient d'intérêt qu'au sein d'un duo venant d'être brisé, certaines ellipses sont un peu violentes, un personnage sympathique et important meurt de façon éludée, de dos et perdu dans un plan séquence en caméra épaule...
Mais ceci n'est rien comparé à l'énergie du projet, à son premier degré bienvenu, ses relations tendues et complexes entre personnages affolés, et aux astuces constantes pour élever avec talent le niveau de l'ensemble.
Sorti de la saison 2, on a clairement envie de voir la suite.


- Arthur Cauras.
















mercredi 11 décembre 2019

TOP CINE 2010's : UNIVERSAL SOLDIER - DAY OF RECKONING


12 Films m'ayant fortement marqué durant la décennie 2010-2019.

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UNIVERSAL SOLDIER : DAY OF RECKONING
(John Hyams - 2012)

La place de ce film était clairement au cinéma, et chanceux sont ceux qui ont pu, comme moi, le découvrir lors de festivals ici et là. C’est une expérience hors-norme ne ressemblant à rien de ce qui se fait dans le cinéma actuel…
Malheureusement, UNIVERSAL SOLDIER : DAY OF RECKONING a contre lui d’être le 4ème volet d’une saga d’action initiée dans les 90’s. Ce qui ne vend pas du rêve.
Alors forcément, dans l’esprit des cinéphiles / distributeurs, ça fait apparaître les notions de pompe à fric, de séquelles désincarnées et de fait inintéressantes, de concept (déjà pas transcendant de soldats-zombies) pressé jusqu’à la dernière goutte, de DTV pour les beaufs, etc, etc… Ca bloque toute envie, et on peut le comprendre.

Pourtant le précédent, REGENERATION, déjà écrit et réalisé par John Hyams (fils de Peter), donnait un indice de la qualité à venir. Le réalisateur parvenait à transcender son petit budget via des idées marquantes comme l’assaut final en plan séquence, des combats âpres au possible, la magnification d’un décor pourtant vu et revu (une usine désaffectée !), le tout dans une ambiance dépressive dans laquelle se traînait Deveraux (Van Damme) au fond du trou psychologiquement, se forçant à aller au front…
Plus qu'un film de baston basique et jouissif.

Le deuxième indice de bon présage était le Redband trailer du film, qui ne mentait pas une seconde sur DAY OF RECKONING : de l’action totalement atypique, plongée dans de l’expérimental façon Gaspar Noe, dans un univers désenchanté, touchant aussi bien au fantastique, qu'au road-movie et au film d'horreur.

Le budget de 8-9 millions de dollars, banal pour ce type de « produit » a apparemment permis à Hyams d’avoir les coudées franches comme jamais.
Suivant la direction de REGENERATION, DAY OF RECKONING transpire une atmosphère complètement délétère, finie, terminée, mettant en scène ce groupuscule piteux de quelques super-soldats abusés par le gouvernement, qui tentent tristement de monter une armée de clones afin de se venger…


Un final à la hauteur des enjeux et de l'ambiance précédemment campés.


Personne n’aurait pu s’attendre à un résultat aussi barré, cru et crade, sans pitié et également aussi flippant par moments, totalement immersif. On peut souligner la violence assez ahurissante de l’entreprise : mutilations, meurtre d’enfant, trépanation, extraction cérébrale, cassage de membre, décapsulage de crâne à coup de batte, shootage de nanas, scènes de sexe craspec… Tous ces éléments nourrissent l’atmosphère dérangeante de DAY OF RECKONING.
Van Damme y interprète le personnage le plus glauque et désespérant de sa carrière, traînant son mal de vivre à chacune de ses apparitions, même lors des scènes de combats, également habitées de cette espèce d'anéantissement, de désespérance.

Dans le cahier des charges UNIVERSAL SOLDIER, il faut de l’action, et le spectateur est plus que servi : c’est brut de décoffrage, ça cogne et ça laisse des traces comme nulle part ailleurs.
Hyams, monteur en plus d'être réalisateur depuis qu'il fait des documentaires, utilise avec subtilité certains artifices de montage pourtant souvent casse-gueule, comme les variations de vitesses dans un même plan. Ou le stroboscope.
Ainsi par exemple, lorsque les personnages se font injecter une drogue, le temps se dilate, le son mue en quelque chose d'étourdissant et l'image est parasitée par un effet stroboscopique simulant le mal de la victime, voyant apparaître l’objecteur de consciences qui les appelle à lui : Devereaux, joué par Van Damme.

Hyams fait parler ses plans-séquences régulièrement, notamment dans l'un des ultimes actes de bravoure du héros, lorsqu'il se défait de nombreux adversaires par tous les moyens possibles. Un soin considérable est apporté à ces passages, où plusieurs actions fugaces sont visibles dans un même moment (mitraillages / impacts / cascades).
Difficile de ne pas citer aussi la séquence d'ouverture totalement hallucinée en plan-séquence du point de vue du héros, collant au plus près à la réalité (clignement d’yeux, respiration haletante), nous faisant vibrer avec lui.
On l'avait déjà vu dans ses précédents travaux, Hyams apporte en plus un soin hallucinant au sound design et à la musique de ses films.
Ici, certaines scènes de rixe sont dénuées de musique, laissant les sons de la destruction les rythmer. Et quand musique il y a, elle est tout sauf mélodique... Le film ne cesse de troubler.


La séquence d'ouverture donne le ton.

Aussi étrange cela puisse paraître avant d’avoir pris ce quatrième volet en plein museau, on peut dire que DAY OF RECKONING a le droit de se réclamer de l'école Friedkin (THE HUNTED, FRENCH CONNECTION) mais aussi de celle de Noe (IRREVERSIBLE, ENTER THE VOID) et de l’écrivain Philip K. Dick, via sa thématique du doute des protagonistes vis-à-vis de leur identité, et d’où se situe le fantasme/rêve/souvenir implanté par rapport à la réalité.
DAY OF RECKONING est un film on ne peut plus premier degré, pas drôle du tout dans ses passages de violence, qui en sont d’autant plus spectaculaires.
On est sincèrement essoufflé à la fin du film car malmené depuis la scène d'ouverture... Même si certains clins d'oeil discrets (la porte cassé par la hache de SHINING, le repaire caché à la APOCALYPSE NOW et Van Damme en mode Kurtz) et autres traits d'humour (le personnage de Lundgren, le coup de batte) viennent alléger de temps à autre la tension… un tout petit peu.

Enchaînant les séquences de bravoure assez impressionnantes (à ce titre, la baston du magasin et le massacre dans la maison close sont des références), l'histoire en elle-même est très cortiquée, et il est difficile d'en parler sans déflorer son intérêt.

Il n’est pas du tout nécessaire de connaître les premiers films pour s’y retrouver, et cet UNISOL 4 aurait certainement gagné à ne s’appeler que DAY OF RECKONING, afin d’attirer un plus large public…
Les producteurs de la franchise UNIVERSAL SOLDIER peuvent vraiment se réjouir d'avoir eu John Hyams à la barre : un homme de talent, doté d’un vrai point de vue (et d’un cerveau), dont on surveille la suite de la carrière avec grand intérêt.

Arthur CAURAS.






>>> ATTENTION !!! SPOILERS <<<
Interprétation de UNIVERSAL SOLDIER - DAY OF RECKONING

Le film de John Hyams mérite un coup de projecteur… Notamment pour mettre en exergue son scénario complexe, digne des plus grandes oeuvres de Science-Fiction.

>>>> Spoilers
Le gouvernement US crée officieusement des répliques d'excellents soldats au lieu d'attendre que certaines élites meurent et qu'il ne les récupère, comme il le faisait à l’origine des films de la saga.
Deveraux (Jean-Claude Van Damme), qui faisait parti des tous 1ers super-soldats, devient dissident de cette entreprise (il fuit et reprend sa liberté à la fin du 3, après avoir rempli sa mission).
Connaissant ses qualités, le Gouvernement U.S tient à lui remettre la main dessus, d'autant qu'il attire dans son giron d'autres super-soldats, ainsi qu'un Scientifique à l'origine du projet, à qui il manque un élément pour pouvoir fabriquer à la chaîne des répliques dissidentes de super-soldats, qui formeraient donc le cœur de l'armée de Luc Deveraux.

Sur ce, le Gouvernement se focalise sur une réplique plutôt douée, John (Scott Adkins). On découvre John en début de film, assistant à la tuerie de sa famille par… Luc Deveraux, sinistre au possible.
John, laissé pour mort, se réveille à l'hôpital et n'a qu'une idée en tête; le retrouver pour se venger. Ce qu'il ne sait pas, c'est que le meurtre de sa famille, et sa famille elle-même, sont totalement fictifs : c'est un implant de souvenirs incorporé dans son cerveau par le Gouvernement. Une initiative fort intelligente qui va pousser John a vouloir retrouver Deveraux via une hargne que n'avaient pas ses précédentes répliques, qui ont échoué.

Mais en parallèle, Deveraux et le scientifique ont travaillé sur un sérum qui modifie l'implant que tous les super-soldats ont reçu du Gouvernement. En effet, au lieu de subir le signal faisant d'eux une simple marionnette, il reçoivent des images stroboscopiques de Deveraux, les guidant vers l'espace secret où se trouve son Q.G. C'est ce qui arrive par exemple à Magnus (Andrei Arlovski), à la fin de la scène du massacre dans le bordel.

Habitué à recevoir les visites des répliques de John, qui finissent toujours par le trouver, Deveraux lui envoi justement à plusieurs reprises le super-soldat nouvellement converti Magnus, en vain. John lui éclate la tête, mais se fait injecter le fameux sérum, ce qui ne l'empêche pas de nourrir toujours cette envie de vengeance vis à vis de Luc Deveraux.




John finira par tomber sur sa précédente réplique en proie à un trouble existentiel, esseulée dans un trou perdu, au bout du rouleau. Elle finira par se suicider, car elle a prit conscience de la vacuité de sa (non) vie, de la manipulation de l'état, et donc a refusé d’aller tuer Deveraux, mais aussi de faire parti de sa pathétique minuscule armée (dont même le bras droit de Deveraux, Andrew Scott, semble énormément douter juste après en avoir harangué les maigres troupes).
Deveraux lui-même fait le ménage dans les rangs de ces super-soldats sans passé ni avenir, n'hésitant pas à abattre les plus faibles, montrant son autorité supérieure en faisant baisser les regards face à lui.

Lorsqu'il apprend et comprend au Q.G que ses souvenirs sont totalement factices, John suit les conseils du scientifique dissident qui lui propose de lui enlever cet implant mensonger.

Mais John devient fou au moment de la trépanation, refusant de perdre ces souvenirs, aussi faux soient-ils... Il se met à dessouder tous les soldats lui barrant la route l'amenant à Deveraux (dont la nouvelle réplique à nouveau imparfaite d'Andrew Scott).
Lors de ce combat final, le très "Colonel Kurtz-ien" Deveraux ne cesse de vouloir faire comprendre à John qu'il se trompe de cible : "Tu ne fais que tuer ton propre père", tout en se défendant... Car ce n'est pas la première fois qu'il vit cette situation.

Acculé contre un mur, Luc finit par laisser John le tuer après avoir soupiré un "Il n'y aura jamais de fin...".
En effet, Deveraux comprend qu'il aura beau tuer ou amener à la raison chaque nouvelle réplique de John, ça n'empêchera pas le Gouvernement d'en refaire encore et encore. La seule solution à ses yeux est de mourir, afin que John reprenne la tête de la modeste armée (quitte à être recloné par la suite quand ils auront récupéré l'élément manquant au scientifique).




La réplique de John, totalement schizophrène (il sait que ses souvenirs sont faux, mais tue quand-même Devraux qui n'a rien à voir là-dedans, car l'idée d'être une coquille vide lui est insupportable), devient le nouveau chef des super-soldats (le peu de survivants baisse le regard devant lui), et abat l'agent Gouvernemental à qui il a donné rendez-vous.
Il est intéressant de noter qu'avant de mourir, l'agent confirme que ses souvenirs sont faux, ce à quoi John répond qu'ils ont créé ces souvenirs (qui sont sa seule famille), et qu'ils les ont tués. L'agent rétorque que ce n'est pas eux mais Deveraux qui les a tué (dans le souvenir falsifié), ce à quoi John dit que c'est eux qui ont forcé la main au faux Deveraux (dans le souvenir falsifié, toujours)...
On est donc bel et bien en pleine schyzo d'un clone humain qui se raccroche au peu de choses qu'il a : du virtuel, une mémoire factice et des émotions s’appuyant sur un vide abyssal.

Un clone au service de John prend immédiatement la place de l'agent (John et ses nouveaux soldats ont donc bien récupéré l'élément permettant le clonage), et celui-ci reprend le volant de son van, avec à son poignet le bracelet offert par sa fillette (qui n'a jamais existé, bracelet-accessoire que le gouvernement a du lui trouver et lui mettre pour aider à faire prendre la supercherie)...
<<< Spoilers

Preuve, s’il en est besoin, du travail incroyable de John Hyams sur son script, aussi complexe et ludique que généreux en action en tout genre ! Une date dans le cinéma Action/SF/Horreur, on vous dit.

Arthur CAURAS.




dimanche 21 août 2016

VAN DAMME : LE POING SUR SA CARRIÈRE



VAN DAMME : 
LE POING SUR SA CARRIERE

par Arthur Cauras, 22.08.2016

Résumer Jean-Claude Van Damme en quelques mots, d’un point de vue français?
Karatéka. Sympathique. Farfelu. Belge. Rêve américain. Drogue. Télévision française. Philosophie barrée mais pas non-sensique. Renaissance. Acteur. Drôle. Imparfait. Nature. Honnête.

Image issue de la série "Jean-Claude Van Johnson",
produite par Ridley Scott (2016).


La carrière de Jean-Claude a connu des (très) hauts et des (très) bas, tout comme sa vie personnelle, ce qui n'empêche pas le belge le plus célèbre d'Hollywood de jouir d'un public de fans toujours aussi nombreux.

A l'heure où les réseaux sociaux permettent aisément de mesurer la cote de célébrité de quelqu'un, la page Facebook de Van Damme compte actuellement près de 18 millions de fans, un peu plus par exemple que Mark Wahlberg, pourtant l'un des 5 acteurs les plus rentables de 2014 (1 milliard de dollars de recette pour TRANSFORMERS 4).

Les films de Van Damme ne sortent pourtant directement plus qu'en vidéo, pour la majorité d'entre eux. 



Mais la force de Van Damme, c'est d'être "L'action-star" de laquelle émane une image d'homme simple et sympathique, imparfait mais ne cachant pas ses défauts. Un acteur et personnage public qui parle alors bien plus aux spectateurs fans d’action que les autres stars dont l’attitude promotionnelle est évidente à chacune de leurs sorties.

Dès ses débuts, il applique la même recette dans BLOODSPORT que Bruce Willis le fera dans DIE HARD (sorti un peu plus tard en 1989) : un héros plus humain pour développer plus d'empathie et donc de sympathie de la part du public.

Le duel final légendaire de KICKBOXER (David Worth, 1989)

Après un court-métrage siphonné qui le met dans la peau d'un karatéka gay (MONACO FOREVER), il décrochera son premier rôle digne de ce nom dans la co-production americano-hongkongaise KARATE TIGER, incarnant le grand méchant russe se dressant face au jeune héros.
Van Damme bouffe l'écran et vole la vedette à tout le monde, ce qui est encore le cas avec BLACK EAGLE (encore un rôle de bad guy russe !) dans lequel il écrase de son charisme le vétéran Sho Kosugi (les posters seront refaits plus tard, avec un Van Damme mis bien plus en avant que son partenaire japonais, pourtant 1er rôle du film)...





BLOODSPORT :
LE RENOUVEAU DES ARTS MARTIAUX

La carrière de Van Damme commence véritablement avec le film-culte BLOODSPORT (1988).
Ce script qui raconte la soit-disante histoire vraie d'un combattant américain prenant part à un tournoi clandestin à Hong Kong, le producteur Menahem Golan ne mise pas grand chose dessus. Aucune star n'est prévue pour jouer le rôle principal de ce projet, et c'est le sympathique cascadeur Jeff Pruit qui est initialement prévu (dixit l'intéressé). Mais celui-ci, blessé à la cheville, est forcé de décliner l'offre.

Entre temps un jeune étranger nommé Van Damme (clandestin dormant à l'époque dans sa voiture, selon ses propres dires) passe son temps à camper devant le bureau du-dit producteur, et de clamer qu'il sera une star. Comme le veut la légende, à force d'abnégation, le jeune Van Damme fini par décrocher un entretien avec le nabab (déjà producteur d'une vingtaine de films) qu'il impressionne avec son fameux grand-écart et quelques coups de pieds sautés le décoiffant.
Se disant qu'il faut bien finir par tourner ce scénario au budget dérisoire, et peut-être ayant encore en tête la frustration d'avoir laissé filé quelques temps plus tôt un inconnu au nom imprononçable qui lui tenait le même discours (un certain Arnold Schwarzenegger), Golan valide Van Damme dans le rôle.
L'énergie et la détermination de Van Damme ont payé, le tournage à Hong Kong débute, durant lequel il s'inspire beaucoup de son maître à penser Bruce Lee dans sa façon de se figer après un coup spectaculaire, mettant en avant ses qualités techniques, éclipsant un manque d'expérience en matière de comédie.
Séquences d'entraînement hardcores, présentation de combattants internationaux aux styles de combats variés, bad-guy bien méchant... Au final du tournage, BLOODSPORT s'annonce vraiment bien.
Malheureusement le film, dans sa première mouture, est mou, peu intéressant et déçoit Golan qui décide de le sortir uniquement en vidéo (ce qui à l'époque est vu comme un échec complet).
Van Damme, stressé, le convainc de le laisser remonter lui-même le film avec l'aide de son ami Sheldon Lettish (co-scénariste). Et c'est sur cette volonté d'optimiser les choses, cette mentalité de ne rien lâcher, que sans le savoir, Jean-Claude va lancer sa carrière et se faire un nom.


Le déclencheur de la carrière de Van Damme a failli rester
dans l'anonymat (BLOODSPORT, Newt Arnold, 1988)


En effet lors de ce remaniement, Van Damme créé un rythme et un style de montage qui seront sa marque pour la décennie à venir. Il fait en sorte que lors des joutes, les coups soient lisibles et spectaculaires, et pour ça il ne se sert non pas du meilleur des axes de caméra, mais les enchaîne tous les uns après les autres à des vitesses différentes. L'action décuplée ainsi s'en voit magnifiée et surtout, contrairement à la majorité des autres films d'arts martiaux de l'époque, elle est également intelligible pour les néophytes. 
Le montage de BLOODSPORT deviendra sa pierre angulaire et lui servira de référence pour la dizaine de films qui suivra dans sa carrière (et donnera naissance à une flopée d'acteurs de seconde zone singeant ce style). Le long-métrage a maintenant son identité et c'est un Golan charmé qui le sort alors en salles. Le triomphe est inattendu et planétaire, notamment en France, ce qui fait dire au belge encore aujourd'hui que ce sont « les français qui l'ont fait ». 

Encore de nos jours, BLOODSPORT reste un film-culte, l’avénement du MMA et ses confrontations d’athlètes venus de différents horizons martiaux contribuant à faire perdurer le charme de l’entreprise. Echange de bons procédés : beaucoup de combattants citent ce film et OPERATION DRAGON comme étant les principaux déclencheurs de leurs vocation pugilistique !


LA MACHINE EST LANCEE

Les gens accrochent au style flamboyant de Van Damme, mais aussi à la candeur qu'il dégage, ce côté « enfant dans un corps d'adulte », à cette image de type droit dans ses bottes et de bonne volonté, lié d'une manière ou d'une autre aux arts martiaux grâce auxquels il éprouve ses personnages.

Durant cette première période, Van Damme va régulièrement jouer la carte du héros mutique à la Alain Delon (autre icône cinématographique qu'il admire), tout en y ajoutant quelques faiblesses ; ses personnages ne sont pas invincibles, pas parfaits mais travaillent sans relâche pour le devenir.

A ce titre, ses films le montrent presque toujours se faire martyriser par ses opposants, avant de revenir plus fort après avoir repris confiance en soi, avec ou sans l'aide de ses proches.

La formule est très efficace et conquiert le public, un parterre de fans qui ne se tarira jamais vraiment.

Van Damme marche sur les traces de Mad Max
dans CYBORG (Albert Pyun, 1989)

Les succès internationaux s'enchaînent.
CYBORG surfe sur la renommée de MAD MAX, proposant une chasse à l'homme trépidante aussi avare en dialogue que généreuse en fight en tout genre. Là encore, Van Damme retravaille le montage des combats du film, les rendant tantôt plus vifs et stressant (coups de couteau et lame sortant d'une chaussure frôlant les corps), tantôt plus épiques (la confrontation finale sous la pluie dans un Atlanta en ruines).
La récente projection du film à la Cinémathèque française a prouvé que le film jouissait encore de nos jours d'un petit statut de film culte, avec son public totalement entraîné dans l'action de cet univers en déliquescence.
"Pour faire un bon film il faut un excellent méchant", disait Hitchcock : la recette est appliquée dans CYBORG avec son cannibale anarchiste au regard d'acier, mais aussi dans le film suivant, KICKBOXER, avec le fameux Tong Po via sa scène de présentation où il égraine un pilier avec son seul tibia. Cette espèce de reboot de BLOODSPORT connaît un grand succès public, exalté devant les prouesses du jeune héros naïf qui se transcende dans la douleur à l'entraînement afin de venger son frère paralysé.

FULL CONTACT est une relecture du BAGARREUR avec Charles Bronson, dans lequel Van Damme déboite un par un les opposants de combats clandestins (une idée récurrente de son début de filmographie, qui reviendra plus tard dans IN HELL), afin de gagner l'argent nécessaire à la survie de la famille de son frère fraîchement décédé.

Il change de registre en s'essayant au thriller carcéral avec COUPS POUR COUPS, le temps de traquer le serial-killer, dévoiler un trafic d'organes et de rosser un malandrin à coups d'haltère, avant de s'attaquer à DOUBLE IMPACT où il joue des frères jumeaux à la personnalité différente défiant de vilains mafieux, parsemant le film de touches d'humour.
Tous ces films mettent bien évidemment en valeur les caractéristiques martiales de Van Damme, sa générosité en terme d'action, et marquent les esprits. Sa réputation croit à travers le monde, il est clairement la nouvelle star du cinéma d'action, au même niveau qu'un Stallone et qu'un Schwarzegger devenus ses amis, ce qui ne sera pas le cas avec le monolithique Steven Seagal qui lui tirera la bourre au box-office.



Une constante dans ses films : Van Damme se fait toujours molester
avant de reprendre la main. Ici dans FULL CONTACT (Sheldon Lettich, 1990)

Son premier film en tant que « simple » acteur, Van Damme le livre à son public via CAVALE SANS ISSUE, choix de carrière assez osé (quasiment pas d'action) qu'il peut se permettre après le carton de son premier film de studio, UNIVERSAL SOLDIER, dont il partage l'affiche avec Dolph Lundgren.
Il va débaucher le réalisateur talentueux du polar culte THE HITCHER, Robert Harmon, pour se faire diriger dans ce drame épuré également mené par Rosanna Arquette. Succès à la clé, confirmant à Jean-Claude qu'il peut varier ses projets et se mettre en danger artistiquement, sans perdre ses fans.

Le firmament de sa carrière est atteint en 1993 et 1994 avec l'actionner CHASSE A L'HOMME, qui permet au père de A TOUTE EPREUVE et de THE KILLER, John Woo, de faire son premier film américain. Rixes, fusillades, poursuites menées tambour battant assurent à cette relecture des CHASSES DU COMTE ZAROFF un énorme succès à sa sortie, qui sera suivi par celui encore plus grand de TIMECOP, inégalé à ce jour dans la carrière de Van Damme.

Qui dit succès dit argent, qui dit argent dit contrat, et Jean-Claude va alors faire l'une des plus grandes erreurs de son parcours, comme il l'avoue lui-même de nos jours.

CHASSE A L'HOMME : l'un des plus grands succès internationaux du belge,
sous la houlette du virtuose John Woo (1993)




STREET FIGHTER :
LE FILM DU DECLIN

Quand le studio Universal propose par téléphone un véritable pont en or à Van Damme (12 millions pour 3 films), celui-ci répond froidement qu'il en veut 20, comme Jim Carrey (une des plus grosses stars Hollywoodiennes de l'époque). Ce à quoi son interlocuteur lui aurait répondu «Amusez-vous bien Monsieur Van Damme…», avant de raccrocher… Tout le monde dans son entourage fait des bonds de 10 mètres en apprenant la nouvelle.
Mais de l'argent, on lui en propose un bon paquet pour tenir le rôle de Guile, personnage emblématique du jeu vidéo mondialement connu « Street Fighter II », et Jean-Claude saute sur cette occasion financièrement très intéressante.
Au contraire du grand public, ses fans ne vont pas accrocher à cette adaptation certes divertissante mais avec trop peu de rapports avec ce qu'il faisait jusqu'à présent et ils vont lui faire payer : c'est le pivot de sa carrière, qui ne sera plus jamais comme avant.

De l'action sans trop de violence, vantait Van Damme à l'époque: STREET FIGHTER
glanera les foules mais brisera un lien entre le belge et ses fans,
ce qui enclenchera le déclin progressif de sa carrière.



DEUXIEME PARTIE DE CARRIERE :
LA QUALITE ET LES DTV

Van Damme redouble pourtant d'efforts, ne cessant de débaucher des réalisateurs de renom pour le pousser dans ses retranchements de comédien et d’athlète.
Il livre ainsi une très belle prestation de héros tourmenté découvrant le passé de son jumeau décédé dans le polar âpre et violent RISQUE MAXIMUM, après avoir monté son ambitieux projet en tant que réalisateur/acteur : faire un « BEN-HUR version arts-martiaux » avec LE GRAND TOURNOI.
Mais les succès très relatifs et les échecs commerciaux commencent forcément à laisser des traces, le moral est bas, et Van Damme sombre dans une période de cocaïne. Ses passages à la TV française faisant le beurre des émissions de divertissement.

Paradoxalement c'est à cette époque qu'il livre certains des films les plus intéressants de sa carrière.

DOUBLE TEAM peut être considéré comme un des meilleurs films d'action des 90's, chatoyant et déjanté, préfigurant même quelque part les films-comics à venir : dirigé par le génie du cinéma asiatique Tsui Hark (IL ETAIT UNE FOIS EN CHINE), Van Damme y incarne une sorte d'agent secret sauce arts martiaux, évoluant dans un monde dégénéré dominé par un père vengeur (Mickey Rourke) détruit par la mort accidentelle de son fils.
L'action y est à son paroxysme, on voyage d'un pays à l'autre façon James Bond, il y a 1000 idées à la minute, jouant sur la thématique du caché et du faux-semblant (une lame dissimulée sous un pied nu, un étui à guitare-mitrailleuse, un couffin-bombe, etc), multipliant les hommages aux références du genre (LE PRISONNIER), dont l'apothéose se déroule dans le Colisée de Rome avec Van Damme, Rourke, Denis Rodman... Et un tigre. 
Résultat : un gros four au box-office, qui n'empêchera pas la même équipe d'aller encore plus loin dans le concept avec la peloche joyeusement fêlée PIEGE A HONG-KONG, dotée d'un scénario aussi jouissif qu'imbitable écrit par Steven de Sousa (DIE HARD mais aussi… STREET FIGHTER), dans lequel Van Damme combat des cuistots karatékas, participe à une course de pousse-pousse durant laquelle il se fait fouetter le fondement avec une anguille, tente de maîtriser un hors-bord projeté dans les airs par des explosions vertes (!), affronte un méchant russe contrebandier dont les verres de lunettes sont des lames... Un fourre-tout bordélique pas possible, qui ne débande jamais et propose un spectacle hautement réjouissant et drôle... Qui laissera à nouveau le public de marbre.

Image tirée de DOUBLE TEAM : un des films les plus déjantés
de sa génération (Tsui Hark, 1997)

LEGIONNAIRE, relecture de IL ETAIT UNE FOIS LA LEGION, permet là encore à Jean-Claude de montrer son évolution en tant que comédien, dans une histoire dramatique, portée par une musique mélancolique animant des scènes de guerre spectaculaires se déroulant dans des décors splendides. Le film connaîtra une sortie salles et un succès mineurs, le poussant à honorer le contrat le liant à la saga UNIVERSAL SOLDIER dont le premier opus reste l'un de ses plus gros cartons en salles.

Avec UNIVERSAL SOLDIER : LE COMBAT ABSOLU (1999), il signe donc ce qui doit être le dernier représentant des films d'action typés pré-années 2000: un scénario totalement occulté par une action omniprésente, montrant son personnage de super-soldat Luc Devreaux combattre d'autres militaires améliorés scientifiquement, afin de retrouver sa fillette.
Cette séquelle honnête dans son concept simpliste (vous voulez de l'action, on vous en donne) ne fonctionne là encore pas en salles, ce qui amène Jean-Claude a céder au chant des sirènes du monde du DTV (Direct-to-video, soit les films ne connaissant pas de sorties cinéma).


C'est ainsi qu'il joue dans le western-métaphysique complètement barré INFERNO, mis en scène par le réalisateur de ROCKY, racontant l'histoire d'un type suicidaire en pleine expiation arrivant dans une bourgade paumée, montant deux gangs l'un contre l'autre, façon YOJIMBO / POUR UNE POIGNEE DE DOLLARS, à cause d'une histoire de bécane volée (!).
Doté d'un humour assez spécial et de séquences "What the fuck" (Jean-Claude cul nu devant une demoiselle "voulant le remercier", Jean-Claude en marcel faisant de la moto à côté d'un coyote en plein désert, etc), le film est un OVNI parfaitement fascinant, provoquant toutefois les sarcasmes des téléspectateurs (ne parlons même pas de la critique), qui arguent alors que sa carrière est bel et bien terminée.



VAN DAMME
OU LE CHEMIN DE LA REDEMPTION

Mais Van Damme est difficilement calculable et va au contraire continuer à pousser sa carrière vers la qualité, la marquant des thématiques du rachat et de la rédemption.
Il est facilement imaginable que l’écroulement de son confort de super-star et la déchéance connue via la drogue y sont certainement pour beaucoup. Il multiplie alors les projets bien plus personnels dans lesquels ses personnages sont meurtris, déboussolés, tourmentés, brisés ou au bout du rouleau, cherchant à renaître de leurs cendres.


Van Damme dans l'un de ses meilleurs rôles : celui du clone
ingénu dans REPLICANT (Ringo Lam, 2001)

REPLICANT, sorti au cinéma et réalisé par Ringo Lam, est de cette trempe. Affectionnant les rôles de doubles/jumeaux, il interprète un tueur en série sadique qui se voit cloné par le gouvernement pour mieux lui mettre la main dessus.
Le clone est certainement l'une des meilleures performances du belge, totalement investi dans ce rôle. Rien d’étonnant pour quelqu’un désormais obsédé par cette thématique de la rédemption; quoi de plus galvanisant que d’incarner un être « ré-accouché », totalement pur, un véritable nouveau-né dans un corps d’adulte?
Le clone, candide et inoffensif dans un premier temps, apprend en vitesse accélérée à marcher, manger, comprendre le monde, et se heurte à la violence des hommes, lors de séquences aussi simples que poignantes, notamment quand il se fait injustement battre comme un chien par le policier ayant sa garde, qu'il découvre son environnement (la pluie, le verre) ou encore lors de son premier rapport sexuel.
REPLICANT est à n'en pas douter l'une des preuves les plus parlantes du talent de sa vedette, qui se détache définitivement des acteurs mono-expressifs des autres films d'action et d'arts martiaux.




Il continuera dans cette démarche avec l'excellent IN HELL, après un quelconque THE ORDER et un POINT D'IMPACT de sinistre mémoire.
Dans ce film de prison hardcore, signé là-encore Ringo Lam, Van Damme livre l'une de ses meilleures prestations, jouant un honnête citoyen jeté dans une prison russe où les combats clandestins permettent à des geôliers sadiques de se divertir.
Littéralement traîné dans la boue, se laissant mourir de faim, dans un état physique lamentable, mis au mitard où s'écoulent les déjections des détenus (!), l'homme parvient à se rebâtir dans la douleur, mutant bientôt en bête fauve livrant des combats ultra-violents, avant de connaître diverses phases mentales lui permettant d'accepter la disparition de sa femme. IN HELL, injustement sorti directement en vidéo, est clairement l'une des plus grandes réussites de Jean-Claude, à tous points de vue, et peut être vu comme un film très personnel - autant voir plus que le JCVD à venir. En effet, on peut y voir la prison comme une représentation d'Hollywood, avec un Van Damme candide y entrant et s'y faisant concasser, avant de revenir du fond du trou (littéralement) pour s'en échapper. 


Van Damme retrouve le réalisateur Ringo Lam pour une nouvelle
collaboration de qualité, avec l'excellent et masochiste IN HELL (2003)

Il poursuit ses efforts avec une nouvelle composition de héros dépressif dans L'EMPREINTE DE LA MORT (sorti en salles française, réalisé en petite partie par Ringo Lam, encore lui), qui noie son chagrin dans l'alcool avant d'aller dérouiller les mafieux à l'origine du meurtre de sa famille, et se met en danger dans JUSQU'A LA MORT (DTV), dans lequel il campe un personnage de flic pourri qui se dégoûte lui-même, trompant sans conviction sa femme entre deux affaires miteuses, avant de tout faire pour mourir avec les honneurs.
Ces choix de héros particulièrement tristes, donnent l'impression que Jean-Claude cherche à ouvrir une voie "film d'action auteurisant" à sa filmographie.

Et justement, la consécration de ses talents de comédien, Van Damme la connaîtra avec le très bon JCVD, un faux-vrai film sur sa vie, mêlant véritables et fausses anecdotes sur son quotidien (procès, cachetonage dans des DTV, relation avec les fans…), alors qu'il est pris dans le braquage de la Poste de Bruxelles, opéré par une équipe de bras cassés. 
Rien que le faux-trailer sorti à l'époque, montrant un simili-casting pour le rôle de Van Damme durant lequel celui-ci débarque à l'improviste, annonce quelque chose de fort, drôle et original.
Ce film sorti au cinéma, fortement inspiré d’UNE APRES-MIDI DE CHIEN, brille par son équilibre entre humour et drame et séduit à la fois le public et la critique, qui découvrent le belge sous un jour inattendu. 
La scène dite du confessionnal où face-caméra, Jean-Claude revient sur tous ses travers passés en plan-séquence, fera à juste titre parler d'elle et servira en plus de remise des compteurs à zéro concernant les sarcasmes des médias français à son sujet.
Dans JCVD, Van Damme démontre s'il en était encore besoin qu'il est un véritable comédien.


Un Jean-Claude à nu et 100% comédien dans JCVD
(Mabrouk el Mechri, 2008)

Même lorsqu'il poursuit son contrat de séquelles DTV à UNIVERSAL SOLDIER, il reste dans cette optique de livrer des prestations premier degré. Sa rencontre avec le fils de Peter Hyams (OUTLAND), John, est certainement l'une des meilleures choses qui lui arrive.

John Hyams vient des Beaux-Arts et du documentaire, est passionné par le MMA (son docu THE SMASHING MACHINE est l'un des meilleurs du genre), par les films de John Carpenter et David Cronenberg, il a une vision du genre très âpre, qu'il applique à UNIVERSAL SOLDIER 3 : REGENERATION.
Doté d'un petit budget, tourné dans les pays de l'est, le film se voit optimisé par une équipe se démenant (c'est papa Peter à la lumière, et Dolph Lundgren revient très motivé au casting), montrant un Luc Devreaux (Van Damme) en dépression, saturé de drogues, pantin du gouvernement forcé d’aller au carton. La froideur de l'ensemble, la musique sourde et la rudesse des rixes donnent un côté déprimant inattendu pour une production de ce type.
Les 25 dernières minutes sont totalement hypnotisantes, avec force plans séquences de massacres, dans lesquels évolue un Van Damme totalement habité par son rôle de mort-vivant, face auquel un opposant préfère la défenestration plutôt que l’affrontement ! 


John Hyams est l'un des meilleurs réalisateurs avec lequel
Van Damme ait collaboré (ici sur le tournage de DRAGON EYES)

Van Damme continue ses DTV plus impersonnels (SIX BULLETS, ASSASSINATION GAMES) , et après un retour au cinéma via KUNG FU PANDA 2 et surtout THE EXPENDABLES 2 (dans lequel il est l'un des rares à composer un personnage et non à faire des clins d'oeil au public nostalgique des 80’s), il retrouve John Hyams le temps de DRAGON EYES, où il n'a qu'un rôle secondaire de taulard repenti (la rédemption, encore et toujours). Là-encore le duo accouche d'un DTV original, racé et rafraîchissant, rappelant les jeux vidéos comme DEF JAM avec ses batailles entre gangs. 


Le quatrième volet de la saga UNIVERSAL SOLDIER est un des plus brillants
films de Science-Fiction et d'action de ces quinze dernières années.

Mais c'est avec UNIVERSAL SOLDIER : LE JOUR DU JUGEMENT que les deux hommes livrent un des meilleurs films d'action / fantastique des quinze dernières années.
Qui aurait misé un kopeck sur le 4ème volet d'une saga intitulée UNIVERSAL SOLDIER ?
Et pourtant… Mêlant l'univers de Philip K. Dick (et sa thématique de la paranoïa, du doute concernant l'assurance d'être bien ce qu'on croit être) avec celui de Cronenberg (avec ces personnages malsains défigurés, ces troubles liés aux expérimentations sur le cerveau), en bardant son film d'une tonne de moments de bravoure, de plans-séquences spectaculaires, de combats âpres inspirés du MMA, de poursuites en voiture bien méchantes et de fusillades où chaque balle fait très mal, Hyams optimise au maximum et transcende même son budget.
Il permet à nouveau à Van Damme de briller au-delà des frontières du film d'action, malgré le rôle secondaire (sur le papier) qu'a celui-ci. 
Jouant une sorte de Colonel Kurtz désespéré version Science-Fiction, Van Damme, chauve et peinturluré façon tête de mort tribale, traîne son spleen dans les rangs de sa minuscule armée d'insurgés, jouant les objecteurs de conscience via une drogue destinée à rallier les autres super-soldats manipulés par un gouvernement pourri.
La présence de Jean-Claude est prégnante et le film se taille à juste titre une excellente réputation de perle de série B, qui aurait méritée une sortie cinéma (sous le seul titre "Le jour du jugement"?).
Sincèrement, on donnerait cher pour avoir une nouvelle suite de ce calibre-là !




RETOUR DERRIERE LA CAMERA


Si Van Damme répète sans relâche qu'il est heureux de sa carrière d'acteur et d'avoir la famille qu'il a, il se morfond d'un autre côté de "n'avoir rien apporté d'important ni de révolutionnaire sur Terre".
L'apport dont il rêve : un film universel.

Germe alors depuis des années l'envie de revenir à la réalisation, plus de 10 ans après LE GRAND TOURNOI. Il sera question d'un film métaphysique, d'un parcours durant lequel le héros se rachètera de mauvaises actions, le tout entrecoupé de plans de nature et d'animaux (un peu comme ce que fera plus tard Luc Besson avec LUCY). Un film d'action, mais sur l'homme, sur la vie, quelque chose de transcendant.
Ce TREE OF LIFE version coup de savate dans la bouche, Jean-Claude l'écrit et le produit seul, et le film de changer de titre de THE TOWER (référence apparemment à LE JEU DE LA MORT où Bruce Lee gravissait des étages tenus par des adversaires à battre) en FULL LOVE, avant d'être renommé THE EAGLE PATH pour le festival de Cannes en 2010, où il est projeté non terminé. 

Suite aux mauvais retours (aucun acheteur à l'horizon), Van Damme repasse au montage en Chine, simplifie l'histoire, et renomme à nouveau le projet FULL LOVE, qui reste actuellement toujours invisible.
Connaissant le personnage et sa générosité philosophique autant pertinente que régulièrement barrée, ce deuxième film en tant que réalisateur, semblant donc très personnel, donne vraiment l'envie d'être découvert.




PLUS PROCHE DE TOI PUBLIC

Alors qu'il vient de finir quelques pubs ("Coors light" vaut le détour), WELCOME TO THE JUNGLE (un DTV barje lui permettant enfin de jouer dans une comédie comme il le souhaitait depuis longtemps) et ENEMIES CLOSER (où il campe un badguy taré, écolo et végétalien !), Jean-Claude décide de monter sur pied un concours ouvert à tous ses fans.
Pour cela il se fait filmer avec des armes en plastoc sur fond vert, lançant volontairement des répliques éculées et on ne peut plus clichées du cinéma d'action des années 80, ouvrant le feu dans le vide, faisant des têtes d’hurluberlu, envoyant deux-trois coups de pieds…
Les règles du jeu sont simples ; n’importe qui peut se servir de ces images gratuites pour composer un court-métrage, à partir du moment où c'est à but non-lucratif. L'idée est maligne : en plus de donner lieu à des films courts très drôles (cherchez "Jean-Claude Van Damage" sur Youtube), Van Damme montre par le biais de ce concours couronné de succès, à quel point il veut rester proche de ses fans. 




L'honnêteté de l'acteur, s'exprimant souvent par le biais de ses tirades philosophiques dans les médias, est une de ses grandes forces qui l'a toujours lié de près à ses fans.
"Dans ma vie, j'ai perdu de l'énergie car j'étais entouré par les mauvaises personnes. Pas 'mauvaises' dans le sens 'méchantes', mais pas bonnes pour moi." Van Damme a changé de manager, d'agent, a divorcé, s'est remarié, a divorcé à nouveau, et c'est dans un environnement relationnel sain qu'il peut se transcender, il en a conscience et veut montrer tout ça au public.
Dans ce soucis de transparence finalement assez rare chez les stars, il mettra donc en chantier une real-TV de sa personne avec BEHIND CLOSED DOORS, qui montre tout son quotidien le temps de 8 épisodes de 40 minutes, lui permettant de déballer ce qu'il a sur le coeur, sans cacher son côté excentrique, en plus d'ouvrir les portes de ses propriétés au Canada et en Belgique (où il a un refuge pour animaux abandonnés). Si la forme journalistique de l’entreprise est assez putassière, le fond est bien là et représente comme il se doit le comédien; imparfait mais vrai et très attachant.

Image tirée de BEHIND CLOSED DOORS (Jared Wright, 2011)

Alors, pourquoi Van Damme a t'il donc plus de fans qu’un « Marky » Mark Wahlberg pourtant beaucoup plus exposé au cinéma?
Tout simplement parce que Van Damme fait partie de ces derniers titans du cinéma d’action, de ces stars qui faisaient se déplacer les gens. Contrairement à aujourd’hui où le public regarde les films plus pour le spectacle et les effets spéciaux que pour ses vedettes.
Comparez par exemple les résultats au box-office des films de super-héros de Robert Downey Jr avec ses autres films. Les gens vont voir Iron Man et les CGI avant tout.
Tandis qu’à l’époque et encore maintenant, les gens veulent voir Van Damme avant tout, la différence est là!

Dans l'interview donnée à l'occasion de la sortie du film JUSQU'A LA MORT, Van Damme parle du fait que tout le monde mériterait non pas une deuxième chance, mais plutôt plusieurs, afin de voir les échecs de façon plus positive.
Van Damme continue a saisir ces chances, pour proposer régulièrement des projets originaux comme s'annonce l'être son petit dernier, JEAN-CLAUDE VAN JOHNSON, une série bien barrée dans laquelle se mélange à nouveau réalité et fiction façon JCVD !

Chacun de ses nouveaux films sonne comme un nouveau début de sa carrière, après tout comme l'a prouvé récemment le succès de sa pub "Epic split" pour Volvo Trucks (près de 80 millions de vues), sa cote de popularité n’est pas prête de s’essouffler et ses fans sont toujours aux aguets.


Arthur Cauras.

(remerciements à Bertrand Coupey)