mercredi 11 décembre 2019

TOP CINE 2010's : UNIVERSAL SOLDIER - DAY OF RECKONING


12 Films m'ayant fortement marqué durant la décennie 2010-2019.

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UNIVERSAL SOLDIER : DAY OF RECKONING
(John Hyams - 2012)

La place de ce film était clairement au cinéma, et chanceux sont ceux qui ont pu, comme moi, le découvrir lors de festivals ici et là. C’est une expérience hors-norme ne ressemblant à rien de ce qui se fait dans le cinéma actuel…
Malheureusement, UNIVERSAL SOLDIER : DAY OF RECKONING a contre lui d’être le 4ème volet d’une saga d’action initiée dans les 90’s. Ce qui ne vend pas du rêve.
Alors forcément, dans l’esprit des cinéphiles / distributeurs, ça fait apparaître les notions de pompe à fric, de séquelles désincarnées et de fait inintéressantes, de concept (déjà pas transcendant de soldats-zombies) pressé jusqu’à la dernière goutte, de DTV pour les beaufs, etc, etc… Ca bloque toute envie, et on peut le comprendre.

Pourtant le précédent, REGENERATION, déjà écrit et réalisé par John Hyams (fils de Peter), donnait un indice de la qualité à venir. Le réalisateur parvenait à transcender son petit budget via des idées marquantes comme l’assaut final en plan séquence, des combats âpres au possible, la magnification d’un décor pourtant vu et revu (une usine désaffectée !), le tout dans une ambiance dépressive dans laquelle se traînait Deveraux (Van Damme) au fond du trou psychologiquement, se forçant à aller au front…
Plus qu'un film de baston basique et jouissif.

Le deuxième indice de bon présage était le Redband trailer du film, qui ne mentait pas une seconde sur DAY OF RECKONING : de l’action totalement atypique, plongée dans de l’expérimental façon Gaspar Noe, dans un univers désenchanté, touchant aussi bien au fantastique, qu'au road-movie et au film d'horreur.

Le budget de 8-9 millions de dollars, banal pour ce type de « produit » a apparemment permis à Hyams d’avoir les coudées franches comme jamais.
Suivant la direction de REGENERATION, DAY OF RECKONING transpire une atmosphère complètement délétère, finie, terminée, mettant en scène ce groupuscule piteux de quelques super-soldats abusés par le gouvernement, qui tentent tristement de monter une armée de clones afin de se venger…


Un final à la hauteur des enjeux et de l'ambiance précédemment campés.


Personne n’aurait pu s’attendre à un résultat aussi barré, cru et crade, sans pitié et également aussi flippant par moments, totalement immersif. On peut souligner la violence assez ahurissante de l’entreprise : mutilations, meurtre d’enfant, trépanation, extraction cérébrale, cassage de membre, décapsulage de crâne à coup de batte, shootage de nanas, scènes de sexe craspec… Tous ces éléments nourrissent l’atmosphère dérangeante de DAY OF RECKONING.
Van Damme y interprète le personnage le plus glauque et désespérant de sa carrière, traînant son mal de vivre à chacune de ses apparitions, même lors des scènes de combats, également habitées de cette espèce d'anéantissement, de désespérance.

Dans le cahier des charges UNIVERSAL SOLDIER, il faut de l’action, et le spectateur est plus que servi : c’est brut de décoffrage, ça cogne et ça laisse des traces comme nulle part ailleurs.
Hyams, monteur en plus d'être réalisateur depuis qu'il fait des documentaires, utilise avec subtilité certains artifices de montage pourtant souvent casse-gueule, comme les variations de vitesses dans un même plan. Ou le stroboscope.
Ainsi par exemple, lorsque les personnages se font injecter une drogue, le temps se dilate, le son mue en quelque chose d'étourdissant et l'image est parasitée par un effet stroboscopique simulant le mal de la victime, voyant apparaître l’objecteur de consciences qui les appelle à lui : Devereaux, joué par Van Damme.

Hyams fait parler ses plans-séquences régulièrement, notamment dans l'un des ultimes actes de bravoure du héros, lorsqu'il se défait de nombreux adversaires par tous les moyens possibles. Un soin considérable est apporté à ces passages, où plusieurs actions fugaces sont visibles dans un même moment (mitraillages / impacts / cascades).
Difficile de ne pas citer aussi la séquence d'ouverture totalement hallucinée en plan-séquence du point de vue du héros, collant au plus près à la réalité (clignement d’yeux, respiration haletante), nous faisant vibrer avec lui.
On l'avait déjà vu dans ses précédents travaux, Hyams apporte en plus un soin hallucinant au sound design et à la musique de ses films.
Ici, certaines scènes de rixe sont dénuées de musique, laissant les sons de la destruction les rythmer. Et quand musique il y a, elle est tout sauf mélodique... Le film ne cesse de troubler.


La séquence d'ouverture donne le ton.

Aussi étrange cela puisse paraître avant d’avoir pris ce quatrième volet en plein museau, on peut dire que DAY OF RECKONING a le droit de se réclamer de l'école Friedkin (THE HUNTED, FRENCH CONNECTION) mais aussi de celle de Noe (IRREVERSIBLE, ENTER THE VOID) et de l’écrivain Philip K. Dick, via sa thématique du doute des protagonistes vis-à-vis de leur identité, et d’où se situe le fantasme/rêve/souvenir implanté par rapport à la réalité.
DAY OF RECKONING est un film on ne peut plus premier degré, pas drôle du tout dans ses passages de violence, qui en sont d’autant plus spectaculaires.
On est sincèrement essoufflé à la fin du film car malmené depuis la scène d'ouverture... Même si certains clins d'oeil discrets (la porte cassé par la hache de SHINING, le repaire caché à la APOCALYPSE NOW et Van Damme en mode Kurtz) et autres traits d'humour (le personnage de Lundgren, le coup de batte) viennent alléger de temps à autre la tension… un tout petit peu.

Enchaînant les séquences de bravoure assez impressionnantes (à ce titre, la baston du magasin et le massacre dans la maison close sont des références), l'histoire en elle-même est très cortiquée, et il est difficile d'en parler sans déflorer son intérêt.

Il n’est pas du tout nécessaire de connaître les premiers films pour s’y retrouver, et cet UNISOL 4 aurait certainement gagné à ne s’appeler que DAY OF RECKONING, afin d’attirer un plus large public…
Les producteurs de la franchise UNIVERSAL SOLDIER peuvent vraiment se réjouir d'avoir eu John Hyams à la barre : un homme de talent, doté d’un vrai point de vue (et d’un cerveau), dont on surveille la suite de la carrière avec grand intérêt.

Arthur CAURAS.






>>> ATTENTION !!! SPOILERS <<<
Interprétation de UNIVERSAL SOLDIER - DAY OF RECKONING

Le film de John Hyams mérite un coup de projecteur… Notamment pour mettre en exergue son scénario complexe, digne des plus grandes oeuvres de Science-Fiction.

>>>> Spoilers
Le gouvernement US crée officieusement des répliques d'excellents soldats au lieu d'attendre que certaines élites meurent et qu'il ne les récupère, comme il le faisait à l’origine des films de la saga.
Deveraux (Jean-Claude Van Damme), qui faisait parti des tous 1ers super-soldats, devient dissident de cette entreprise (il fuit et reprend sa liberté à la fin du 3, après avoir rempli sa mission).
Connaissant ses qualités, le Gouvernement U.S tient à lui remettre la main dessus, d'autant qu'il attire dans son giron d'autres super-soldats, ainsi qu'un Scientifique à l'origine du projet, à qui il manque un élément pour pouvoir fabriquer à la chaîne des répliques dissidentes de super-soldats, qui formeraient donc le cœur de l'armée de Luc Deveraux.

Sur ce, le Gouvernement se focalise sur une réplique plutôt douée, John (Scott Adkins). On découvre John en début de film, assistant à la tuerie de sa famille par… Luc Deveraux, sinistre au possible.
John, laissé pour mort, se réveille à l'hôpital et n'a qu'une idée en tête; le retrouver pour se venger. Ce qu'il ne sait pas, c'est que le meurtre de sa famille, et sa famille elle-même, sont totalement fictifs : c'est un implant de souvenirs incorporé dans son cerveau par le Gouvernement. Une initiative fort intelligente qui va pousser John a vouloir retrouver Deveraux via une hargne que n'avaient pas ses précédentes répliques, qui ont échoué.

Mais en parallèle, Deveraux et le scientifique ont travaillé sur un sérum qui modifie l'implant que tous les super-soldats ont reçu du Gouvernement. En effet, au lieu de subir le signal faisant d'eux une simple marionnette, il reçoivent des images stroboscopiques de Deveraux, les guidant vers l'espace secret où se trouve son Q.G. C'est ce qui arrive par exemple à Magnus (Andrei Arlovski), à la fin de la scène du massacre dans le bordel.

Habitué à recevoir les visites des répliques de John, qui finissent toujours par le trouver, Deveraux lui envoi justement à plusieurs reprises le super-soldat nouvellement converti Magnus, en vain. John lui éclate la tête, mais se fait injecter le fameux sérum, ce qui ne l'empêche pas de nourrir toujours cette envie de vengeance vis à vis de Luc Deveraux.




John finira par tomber sur sa précédente réplique en proie à un trouble existentiel, esseulée dans un trou perdu, au bout du rouleau. Elle finira par se suicider, car elle a prit conscience de la vacuité de sa (non) vie, de la manipulation de l'état, et donc a refusé d’aller tuer Deveraux, mais aussi de faire parti de sa pathétique minuscule armée (dont même le bras droit de Deveraux, Andrew Scott, semble énormément douter juste après en avoir harangué les maigres troupes).
Deveraux lui-même fait le ménage dans les rangs de ces super-soldats sans passé ni avenir, n'hésitant pas à abattre les plus faibles, montrant son autorité supérieure en faisant baisser les regards face à lui.

Lorsqu'il apprend et comprend au Q.G que ses souvenirs sont totalement factices, John suit les conseils du scientifique dissident qui lui propose de lui enlever cet implant mensonger.

Mais John devient fou au moment de la trépanation, refusant de perdre ces souvenirs, aussi faux soient-ils... Il se met à dessouder tous les soldats lui barrant la route l'amenant à Deveraux (dont la nouvelle réplique à nouveau imparfaite d'Andrew Scott).
Lors de ce combat final, le très "Colonel Kurtz-ien" Deveraux ne cesse de vouloir faire comprendre à John qu'il se trompe de cible : "Tu ne fais que tuer ton propre père", tout en se défendant... Car ce n'est pas la première fois qu'il vit cette situation.

Acculé contre un mur, Luc finit par laisser John le tuer après avoir soupiré un "Il n'y aura jamais de fin...".
En effet, Deveraux comprend qu'il aura beau tuer ou amener à la raison chaque nouvelle réplique de John, ça n'empêchera pas le Gouvernement d'en refaire encore et encore. La seule solution à ses yeux est de mourir, afin que John reprenne la tête de la modeste armée (quitte à être recloné par la suite quand ils auront récupéré l'élément manquant au scientifique).




La réplique de John, totalement schizophrène (il sait que ses souvenirs sont faux, mais tue quand-même Devraux qui n'a rien à voir là-dedans, car l'idée d'être une coquille vide lui est insupportable), devient le nouveau chef des super-soldats (le peu de survivants baisse le regard devant lui), et abat l'agent Gouvernemental à qui il a donné rendez-vous.
Il est intéressant de noter qu'avant de mourir, l'agent confirme que ses souvenirs sont faux, ce à quoi John répond qu'ils ont créé ces souvenirs (qui sont sa seule famille), et qu'ils les ont tués. L'agent rétorque que ce n'est pas eux mais Deveraux qui les a tué (dans le souvenir falsifié), ce à quoi John dit que c'est eux qui ont forcé la main au faux Deveraux (dans le souvenir falsifié, toujours)...
On est donc bel et bien en pleine schyzo d'un clone humain qui se raccroche au peu de choses qu'il a : du virtuel, une mémoire factice et des émotions s’appuyant sur un vide abyssal.

Un clone au service de John prend immédiatement la place de l'agent (John et ses nouveaux soldats ont donc bien récupéré l'élément permettant le clonage), et celui-ci reprend le volant de son van, avec à son poignet le bracelet offert par sa fillette (qui n'a jamais existé, bracelet-accessoire que le gouvernement a du lui trouver et lui mettre pour aider à faire prendre la supercherie)...
<<< Spoilers

Preuve, s’il en est besoin, du travail incroyable de John Hyams sur son script, aussi complexe et ludique que généreux en action en tout genre ! Une date dans le cinéma Action/SF/Horreur, on vous dit.

Arthur CAURAS.




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