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dimanche 27 août 2023

ALIEN 3 (David Fincher - 1992)


ALIEN 3
(David Fincher, 1992)

Le 3ème ALIEN a choqué à son époque, et choque encore. Avec à la base des noms comme Terry Gilliam et Danny Boyle à la réalisation, et moult versions de scénarios toutes plus différentes les unes que les autres, ce film a été un enfer a créer, jusqu'au bout. Pour un résultat marquant, qu'on l'aime ou pas.



ALIEN, LE 8eme PASSAGER, pose des bases et une mythologie proprement sidérantes, et surtout inépuisables.
Le 2ème film, ALIENS LE RETOUR, est à part au sein des 3 premiers, plus lumineux, porteur d'espoir avec cette héroïne sauvant une fillette armes aux poings.
Le 3ème opus apporte une nouvelle touche dans cet univers, il est funèbre, mystique et désenchanté. Il reprend le concept du 1er, et le pousse à son paroxysme : "Dans l'espace, personne ne vous entendra crier", soit la solitude extrême, le côté poussière dans l'immensité d'un grand tout infini, dont personne ne se préoccupe ni n'a même conscience.
Le film de David Fincher pousse également un autre élément récurrent de l'univers d'ALIEN: le réalisme, le côté rugueux voire poisseux d'un quotidien dans l'espace. Ici, on échoue dans une planète-prison oubliée de tous.

Unique survivante du dernier massacre perpétré par des monstres à l'insatiable appétit, Ripley échoue dans une colonie pénitentiaire sinistre, sur la planète Fiorina 161. L'une des monstrueuses créatures l'a suivie, cachée dans son vaisseau spatial.

L'un des 1ers plans de la planète donne le la: 
c'est un véritable cimetière.

Ajoutons à cela le fait que les rares êtres vivants du film soient des détenus issus d'un passé forcément malsain, que la planète sur laquelle se déroule l'action soit le trou du cul de la galaxie, une décharge à ciel ouvert même pas entièrement peuplée, seulement d'une poignée de dispensables. Des dispensables, des laissés-pour-compte, des ordures dans tous les sens du terme, qui ne sont tenus que par une seule chose, la religion, et qui vont donc voir l'arrivée du "dragon" comme l'annonciateur de leur armageddon.
L'aspect misérable est renforcé par le fait qu'à un moment donné, ces détritus oubliés de tous et respectés de personne, décident de suivre Ellen Ripley pour former une équipe digne de la Cour des Miracles afin de donner au tout dernier moment de leur misérable vie, un semblant de sens à celle-ci, tandis que les pourritures de la Compagnie arrivent pour essayer de mettre la main sur le xénos.


A chaque film ALIEN son androïde (appelé "synthétique" dans la mythologie); le 1er était un belliqueux traître à la solde de la Compagnie, le 2ème un fidèle allié... ici ce sont les restes, un tronc souffrant le martyr réactivé seulement le temps de pouvoir comprendre ce qui a bien pu se passer. Certaines théories remettent même en question la bienveillance émanante de Bishop dans le 2ème volet : on peut imaginer qu'il a eu le temps de placer les oeufs lui-même dans le module de survie à la fin. Ce qui expliquerait également pourquoi il veut être désactivé à jamais dans le 3ème film; la culpabilité. Quoiqu'il en soit, le fait de voir le créateur de Bishop en chair et en os à la fin, animé de mauvaises intentions, ternie cette image bienveillante et renforce l'ambiance désillusionnée de l'entreprise.

ALIEN 3 est un film autant rude qu'audacieux, avec son héroïne violée dans son sommeil (la fécondation par le face-hugger !), qui voit ses attributs féminins disparaître (les cheveux rasés), qui manque d'être victime d'un viol collectif, avant de se sacrifier... sans parler de la mort brutale sans emphase de 2 des héros du précédent opus, et de l'autopsie d'une jeune enfant...
Un cocktail inattendu, ultra-original et faisant à nouveau avancer la saga, à l'époque. Le jeune David Fincher (27 ans) - qui allait se faire concasser par le studio, dévoilait déjà tout son talent; les clairs-obscurs sont de toute beauté, ses plans sont des tableaux dans lesquels il fait appel à une imagerie médiévale rétro-futuriste durablement marquante : absence d'armes à feu, la fonderie, les habits-guenilles, quasi aucune technologie, Ripley vue comme une Jeanne D'Arc, etc.


Tout ça est d'un brillant sans équivoque. Pas de la même façon que le 1er, encore une fois, mais ça l'est quand-même.
Ce projet sera passé par bien des phases, par bien des scénarios : le premier voyait l'histoire se dérouler sur une station orbitale en bois abritant des moines reclus, ayant fait voeux "d'abstinence technologique". La fin montrait l'un d'eux se sacrifier dans les flammes avec l'alien rentré dans sa gorge, pour permettre à Ripley de reprendre sa navette... idée que gardera Sigourney Weaver pour la fin que l'on connaît. 
D'autres idées seront gardées des scripts précédents: les codes barres à l'arrière du crâne des détenus viennent du romancier William Gibson, par exemple (son scénario a été porté en comics sorti il y a peu chez Vestron; on est plutôt heureux qu'il n'ait pas été retenu à l'époque).

Concept-art issu du scénario de Vincent Ward, dont certaines idées
se retrouveront dans la version finale, mais aussi,
bien des décennies plus tard, dans le comics ALIENS : RENOUVEAU.

La façon dont ont été conçu chacun des ALIEN de la fabuleuse trilogie initiale les ont totalement imprégnés. Le 1er, résultat du travail acharné et prodigieux de nombreux génies (Ridley Scott, Ron Cobb, Moebius, HR Giger, Dan O'Bannon...) est un film foisonnant, d'horreur et de SF certes, mais avec une mythologie vertigineuse... ALIENS LE RETOUR a été une guerre à l'écran mais aussi en coulisse, réalisé dans le dur par le canadien James Cameron rejeté par l'équipe anglaise durant le tournage, qui vénérait Ridley Scott; il a du se battre et crier tous les jours pour arriver au résultat que l'on connait: un survival guerrier chaotique où les humains vont au charbon.
ALIEN 3 a été accouché dans la douleur, dans la fatigue, la déperdition. C'est un résultat défiguré et renié par Fincher... C'est un film qu’on sent imparfait, et volontairement ou non, ça nourrit davantage encore son réalisme et son univers composés de personnages dissonants et brisés.

En ce qui concerne la vision première de Fincher, on peut la découvrir en partie dans "l'Assembly cut" d'ALIEN 3 présent sur le bluray, mais aussi par le biais de la lecture de la novélisation qu'avait écrite le spécialiste de l'époque, Alan Dean Foster.
Le livre a été écrit selon le scénario de l'époque, qui diffère donc du film final que l'on connait: l'alien ne sort pas d'un chien mais d'un des boeufs ayant servi à l'extraction de la capsule de Ripley au début, il est donc extrêmement massif (plus que ceux des aventures précédentes, comme le stipule Ripley), et il mue.
On a tout un arc narratif supplémentaire concernant le détenu Golic, un dangereux retardé mental qui parvient à se défaire de sa camisole de force dans l'infirmerie pour aller libérer l'alien initialement capturé avec brio par les prisonniers, dans une sorte de chambre de décompression.


Un personnage ici fort intéressant, car comme le dira moult années plus tard David Fincher dans sa seule interview sur ce film dont il ne veut jamais entendre parler, l'idée était de faire des 2 parias de cette planète-déchet, Ripley et Golic, les nouveaux Adam et Eve attendant le renouveau... du moins du point de vue tordu de Golic. 
Enfin, lorsque Ripley se lance dans le métal en fusion, à la fin, la reine alien n'émerge pas de son torse, mais il est décrit qu'un spasme projette du sang de l'intérieur sur son t-shirt, évoquant un stigmate entérinant l'image christique de Ripley, tombant en arrière les bras en croix. La fin de la version cinéma, avec l’alien, donc, avait été retournée afin de se démarquer de celle de TERMINATOR 2, sorti à cette période. Au grand dam de Fincher…

Je vous laisse vérifier quels sont les films dits "maudits" dans les 2020's... 
ALIEN 3 est certes un film maudit, mais des films maudits de cette trempe, de cette maestria, de cette profondeur, on en voudrait toutes les semaines, tous les jours. 
C'est un chef d'oeuvre qui conclut de façon magistrale une trilogie qui ne l'est pas moins.


- Arthur Cauras.


ps: article parlant de la version du scénario de Vincent Ward. Le blu-ray du film contient énormément d'infos sur cette tumultueuse production, sans aucune langue de bois !


vendredi 14 août 2020

Top Ciné 2010's : ALIEN COVENANT



ALIEN COVENANT

(Ridley Scott, 2017)




ATTENTION AUX SPOILERS.

Il y a beaucoup d'attente sur les suites d'ALIEN, ou plutôt la nouvelle saga engendrée par PROMETHEUS... Les détracteurs se scandalisent sur le fait que ce soit trop différent de la saga initiale, quand bien même (et à juste titre) ce sont les premiers à pester quand les studios pondent des suites ne prenant aucun risque car étant des copié-collé des originaux !

COVENANT, au passage certainement le film le plus sombre de la mythologie avec ALIEN 3, poursuit donc la thématique lancée par PROMETHEUS; à savoir la création et le rapport créature / créateur.
Le personnage de l'androïde David, ré-introduit dès une séquence d'ouverture pour le moins inattendue (un long dialogue dans une grande pièce immaculée), est le véritable personnage principal de ce COVENANT métaphysique.


David est l'un des antagonistes les plus profondément malsains
et barrés de la SF moderne.

Le la est posé : David a eu soif d'apprendre et soif de considération dès ses débuts, mais son Créateur (son père) l'a relégué au rang de simple robot dès qu'il faisait montre de trop d'intelligence. David lance : "Vous m'avez créé immortel, mais vous, vous allez mourir...", ce à quoi Wayland, déjà déprimé par l'idée que sa fortune ne lui permette pas d'acheter l'immortalité, lui répond en substance de la fermer et de lui apporter son thé, pourtant plus près de ce dernier que de David, rabaissé au rang de simple serviteur. 

Ce personnage très complexe (il se cherche aussi "sexuellement" via le baiser à son "jumeau", son rapport avec Shaw) a donc la fascination/répulsion de ses créateurs, ce qui le met dans une situation de grande frustration, lui qui ne peut procréer et n'est pas respecté en tant qu'être conscient. Il va dès lors s'épanouir seul, jouir de la découverte des arts qui rendent libre et confiant (il essaye de passer ce savoir lors de la scène de la flûte avec son successeur Walter) et de la science, durant les 10 ans restés seul sur la planète des Ingénieurs.

                                                   Toujours aussi fascinant, l'Alien oeuvre ici
                                                  également en plein jour.

Lorsque David parvient à produire l'Alien caparaçonné noir tel qu'on le connait depuis 1979, grâce au piège qu'il a tendu à l'équipage du vaisseau colonisateur, il voit dans le xénomorphe sa création la plus poussée après cette décennie de recherches.
Le personnage de l'Alien finalise donc son arc narratif : il représente sa progéniture parfaite en tant que Créateur ET sa vengeance vis-à-vis de son complexe vis-à-vis de l'Homme Créateur, qu'il a déjà fortement ébranlé dès son arrivée sur la planète des Ingénieurs... les exterminant tous avec leur propre armement bactériologique, empêchant par la même occasion les humains d'apprendre un jour la raison de leur création !


Le talentueux français Stéphane Levallois a 
participé à la recherche du design des créatures de COVENANT.


Qu'on aime ou pas, COVENANT a l'énorme qualité pour lui d'enrichir thématiquement l'une des plus grosses franchises du cinéma. Et oui, en effet, Scott est misanthrope dans ce film : les humains sont à la ramasse, se ridiculisent régulièrement (dérapage dans une flaque de sang par 2 fois), subissent toute l'action générée par le robot David, vis-à-vis duquel ils sont nettement infériorisés...
Mais en quoi serait-ce un défaut majeur comme le scande ses détracteurs? Bien au contraire... C'est un régal.

A noter que le bluray, riche de bonus comme d'habitude avec les films de Scott, offre de petites vidéos inédites montrant la déviance scientifique de David durant le temps passé seul sur sa planète.


Arthur Cauras.