dimanche 8 janvier 2023

AENIGMA (Lucio Fulci - 1987)

AENIGMA
(Lucio Fulci - 1987)

C’est dur de parler négativement d’un film de Fulci tant ce dernier mérite le respect. Mais difficile de sauver quelque chose de cet AENIGMA tourné alors qu’il était à cette époque affaibli par ses problèmes de santé (voir d'ailleurs son faciès émacié lorsqu'il joue le rôle de l'inspecteur dans une courte séquence). Rien ne se tient vraiment dans ce mélange contre-nature de CARRIE (pour la victimisation), PATRICK (pour les pouvoirs développés dans le coma) et SUSPIRIA (pour le lieu)… qui ressemble bien plus à un téléfilm sans le sou qu'à un film de cinéma, et surtout pas à un film du maestro.

Comme ça a été dit de nombreuses fois, la puissance des réussites de Fulci tenait à sa virtuosité, à son génie de mise en scène, mais aussi au talent de ses collaborateurs. Le chef opérateur Sergio Salvati (THE PSYCHIC, CONTRABAND), les scénaristes Roberto Gianviti (PERVERSION STORY, LE VENIN DE LA PEUR) ou Dardano Sacchetti (ZOMBI 2, FRAYEURS), le compositeur Fabio Frizzi (ZOMBI 2, L'AU-DELA), le monteur Vincenzo Tomassi (du VENIN DE LA PEUR jusqu'à la fin), le maquilleur Giannetto De Rossi (LA MAISON PRES DU CIMETIERE)... Quand tout ou partie de ces soldats étaient réunis pour un de ses métrages, la magie allait opérer à coup sûr, au moins en partie.


Mais comme il l'a dit en interview pour la promo de AENIGMA, le cinéma italien dépérit dans les années 80, et son équipe de cœur explose, plusieurs de ses collaborateurs partant bosser pour Bertolucci, la télévision ou même aux USA. Fulci se retrouve donc avec une équipe secondaire, des techniciens sans vraiment de talent comme en atteste cette photographie d'une pauvreté embarrassante (on a même droit à des ombres de caméra sur les sujets, misère de misère...), ces effets spéciaux de maquillages très limites, et cette musique véritablement indigeste, terminant de plomber le film dont le postulat de départ n'était déjà pas incroyable.

On a donc cette jeune femme brimée dans son école de danse, pour laquelle malheureusement on n'a aucune empathie, puisque Fulci la fait tomber dans le coma dès la scène d'ouverture, contrairement au film de de Palma qui nous faisait nous attacher de plus en plus fortement à Carrie (jouée par une excellente actrice, ce qui aide aussi). On switche alors sur le canevas du film australien PATRICK, puisque depuis son coma, elle se venge de ses bourreaux. La scène la plus connue du film, la mort d'une femme nue assaillie par une masse d'escargots (...) tombe hélas à plat, desservie par tous les secteurs sus-mentionnés, dont la photo et la musique médiocres...

Inutile pour un spectateur ou cinéphile lambda (entendre : pas fan de Fulci) de tenter l'expérience de ce piteux AENIGMA. Pour les aficionados du Terroriste des genres, ne nous reste plus que le fameux "Marabout-bout-de-ficelle" en place dans la filmo de Fulci depuis son TEMPS DU MASSACRE.
Comprendre : le repérage d'idées venant de films antérieurs de sa filmo, ou qui seront reconduites plus tard. Ici le retour de Fulci dans le milieu de la danse après MURDER ROCK, là l'agression d'un homme par son doppleganger, comme dans CONQUEST. Et aussi l’emprunt d'une morgue façon L'AU-DELA, version wish, ainsi que la même idée plutôt bonne d'un trouble spatio-temporel lorsqu'une femme découvre son amant mort sous les draps. Alors qu'elle cherche à fuir le dispensaire, chaque porte ouverte la ramène inlassablement dans la même pièce, toujours plus choquée par le cadavre étêté de son conjoint. Malheureusement, ce passage est à nouveau gâché par la musique complètement aux fraises de Carlo Cordio.


S'il y a une séquence à sauver de AENIGMA, ce serait celle durant laquelle le médecin fantasme de coucher avec l'héroïne. Durant l'ébat amoureux qui monte en intensité, la jeune femme se montre de plus en plus agressive avant de rappeler les zombies de Fulci, se mettant à lui arracher des morceaux de chair avec les dents ! Un passage onirique, récurrent dans la carrière du réalisateur transalpin, faisant enfin un minimum honneur à son talent. Une scène qui, si on va pousser très loin, préfigure presque l'ouverture de BASIC INSTINCT... Fulci qui dira d'ailleurs plus tard (in L'Ecran Fantastique 149), que Paul Verhoeven lui copiait des idées dont celle dans LA MAISON PRES DU CIMETIERE, lorsque le monstre traîne par les cheveux sa victime dans l'escalier, qu'on retrouvait selon lui dans ROBOCOP !

Le film, laborieusement rythmé, se termine sans explication aucune sur le cas de la fille brimée du départ; pourquoi ces pouvoirs télékinésiques, pourquoi ce lien télépathique avec la nouvelle arrivée, on n'en saura rien... et ce qui est le plus triste, c'est qu'on n'en a finalement pas grand chose à faire.

Pour les personnes ne connaissant pas l'œuvre de Lucio Fulci, c'est un film à éviter, il y a tant à voir de plus impactant dans sa filmographie !


- Arthur Cauras.



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