mardi 1 mars 2022

RINGO LAM : Filmographie on Fire

 

RINGO LAM :

FILMOGRAPHIE ON FIRE


En 2018, le réalisateur Ringo Lam (Lam Ling-tung en cantonais) s'est éteint à l'âge de 63 ans.

N'ayant jamais percé à Hollywood, son nom résonne malheureusement peu aux oreilles du grand public. Pour les cinéphiles en revanche, il est synonyme de grand talent.


De Hong Kong, on a d’abord connu en occident John Woo et son style flamboyant, cette violence magnifiée et ultra-spectaculaire qui est véritablement née avec son premier SYNDICAT DU CRIME. Ce film a largement fait connaître le sous-genre du polar de HK dénommé Heroic Bloodshed, qui signifie littéralement "carnage héroïque". Ce style de violence à la fois poétique et graphique a ouvert à John Woo les portes des USA, où il connaîtra le succès notamment avec VOLTE FACE (1997).


Magnifier la violence, filmer des héros vidant leurs chargeurs dans le corps de leurs ennemis avec panache, et continuer leur vie comme si de rien n’était, très peu pour Ringo Lam. Chez lui, la violence n’est pas fun, ce n’est pas un jeu et elle a des conséquences graves. Chez Ringo Lam, la frontière entre être bon et mauvais, est extrêmement fine voire poreuse.

Il a trouvé son style dès CITY ON FIRE, ce polar qui a révolutionné le genre en 1987 : un certain Quentin Tarantino en a été traumatisé et le décalquera quelques années plus tard avec son RESERVOIR DOGS.


Chez Ringo Lam, la violence traumatise.


Il y a une accointance entre le cinéma de William Friedkin et celui de Ringo Lam. Au-delà du fait que les deux hommes aient un caractère bien trempé, on retrouve chez eux l'obsession pour l’action filmée âprement et cet attrait à mettre en valeur les méchants. On retrouve même certaines idées ou séquences : la fabrique de billets de THE VICTIM qui rappelle bien entendu la séquence culte de confection de fausse monnaie dans POLICE FEDERALE L.A (1985), ou encore celle de la filature finissant dans le métro de CITY ON FIRE qui évoque FRENCH CONNECTION (1971). 

Autre similitude avec Friedkin, l'absence de volonté à ménager le grand public, ou plutôt le désir de troubler le spectateur pour le faire réagir et réfléchir. Il y a également bien entendu cette attirance vis-à-vis de héros très limites, déchirés entre 2 pôles, devant se salir les mains et en subir les conséquences. 

A noter aussi que, comme Friedkin, Lam place souvent de prodigieuses poursuites au sein de ses films : à pieds, en voiture, à cheval, à moto ou encore en hors-bord, elles se finissent souvent par de brutaux accidents. Lam n’a pas énormément de sources d'influence sorti de Scorsese et Coppola, mais il a tout de même déclaré que FRENCH CONNECTION était l’un de ses films préférés.


La seule fois où il s’est pleinement dirigé vers la violence jouissive, c’était pour FULL CONTACT, et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il n’y a pas été avec le dos de la cuillère. Souvent d’ailleurs, les cinéphiles ont presque honte de dire qu’ils l’apprécient, disant que c’est un plaisir coupable. C’est un film qui en dit long sur la personnalité de Ringo Lam et son refus de se conformer aux attentes.


Full Contact : un film qui détonne au sein de la filmo
du hongkongais... dans tous les sens du terme !


Niveau action dans ses films, on peut aussi deviner qu’il n’y avait pas que les cascadeurs qui prenaient cher : ses comédiens étaient clairement violentés à l’image, on peut prendre l’exemple de la longue rixe finale de SCHOOL ON FIRE, qui s’étend sur plusieurs minutes, voyant l’héroïne projetée à travers le décor, tabassée, claquée contre un tableau... tandis que les autres acteurs se cognent la tête sur des rebords de fenêtres après avoir pris des coups de genoux au corps plein pot ! On est dans l’esprit HK, et les consignes de sécurité sont restées au placard. En contre-partie on assiste à quelque chose de viscéralement réaliste, une autre des forces du cinéma de Lam.

A côté de ça, Ringo Lam avait la réputation d’être très dur et exigeant avec ses comédiens. Il savait précisément ce qu’il voulait et il ne passait pas à autre chose avant d’avoir obtenu exactement ce qu’il avait en tête. Si ça ne se passait pas comme il l'avait souhaité, il laissait éclater sa part colérique et l’ambiance devenait extrêmement tendue.


Ce qui va de pair, c’est qu'il privilégiait toujours les personnages de ses scénarios, plus que l’histoire elle-même. Les fameux "character driven scripts" à opposer avec les scripts qui ont une histoire qui doit se dérouler du point A au point B, dans lesquels les personnages sont imbriqués plus ou moins de force.

Chez lui, même les personnages secondaires ou antipathiques qui seraient balayés / tués dans n'importe quel autre film, sont traités avec intérêt et enracinés dans la réalité (cf. l'ex-mari dans WILD SEARCH). En résulte une impression de cinéma mâture et adulte, à juste titre puisque Lam, en pulvérisant ce type de poncif, ne facilite jamais la compréhension ni le bien-être du grand public devant ses films.


Van Damme n'a jamais été aussi bon que plongé
dans l'enfer psychologique de Lam.

Une liste des "meilleurs films" de Ringo Lam, au-delà du fait qu'elle soit forcément subjective, est extrêmement difficile à produire, car on aurait envie de dire que l'intégralité de sa filmographie mérite d'être vue : il a par exemple aussi co-réalisé l'un des meilleurs Jackie Chan, TWIN DRAGONS, le trépidant THE SUSPECT avec ses ébouriffantes fusillades urbaines, l'un des meilleurs Wu-Xia-Pian, LE TEMPLE DU LOTUS ROUGE... Dans la majorité des cas, même un "petit" Ringo Lam reste très bon... Voici toutefois les films qui me semblent incontournables de sa filmographie, en dressant un Top 9 chronologique. 

























CITY ON FIRE (1987)


Après quelques commandes passées sans grande motivation, Ringo Lam est placé par Tsui Hark sur le 4ème opus de la saga MAD MISSION; le succès qui s'en suivra lui permettra de choisir son film suivant.

Il a l'idée d'un flic infiltré dans un gang de braqueurs qui accessoirement, n'hésitent pas à tuer s'il le faut. Le flic (Chow Yun Fat) se lie rapidement d'amitié avec l'un d'eux (Danny Lee), tandis que son couple est en péril. Le flic est rapidement concassé entre sa vie personnelle, son amitié, son devoir de policier et la dangerosité de la situation (les criminels le soupçonnent, tandis que ses collègues ignorent son statut et cherchent donc à le descendre).

Lam filme avec brio et pour la première fois son meilleur ami CYF, avec lequel il retravaillera à plusieurs reprises : fait notable puisque selon les propres aveux de Lam, rares sont les comédiens le supportant. Il nous immerge dans la vie de cet homme loin d'être parfait, écrasé sous la pression, et donc profondément humain, à l'aide de ses caméras embarquées, de ses caméras épaule, de toutes ces séquences semblant arrachées sur le vif. Le fameux nihilisme du cinéaste de Hong Kong est déjà bien présent; on sent que toute cette situation ne peut que mal finir. 

La séquence de la filature, du casse qui foire, l’amitié flic / criminel, le fameux « Mexican Stand-off », où plusieurs personnages se braquent mutuellement les uns les autres... CITY ON FIREtrès fortement inspiré de nombreux polars internationaux, dont le plus célèbre est sans conteste le RESERVOIR DOGS de Quentin Tarantino.


> inédit en DVD/blu-ray en France, épuisé à l'étranger, épuisé en VHS en France.





























PRISON ON FIRE  (1987)


Après que son frère Nam Yin l'ait stimulé en lui dressant le portrait type de plusieurs criminels (il avait beaucoup de connaissances dans le milieu des Triades !), Ringo Lam écrit avec lui PRISON ON FIRE en 8 jours et le filmera en 20. C'est une nouvelle pierre à l'édifice de sa "véritable carrière" -- ses premiers films ayant été de pures commandes. Ce deuxième volet de la saga "On Fire" continue son travail de comportementalisme de personnages mis sous pression dans un environnement hostile. Le titre s'inscrit au début non pas sur fond d'établissement pénitencier, mais sur la ville de Hong Kong ; Lam dit clairement que ce qui est valable ici l'est partout ailleurs dans cette société.

L'axe de Ringo est celui de ses films majeurs : étudier un individu pur et/ou avec une éthique, plongé d'un coup d'un seul dans un environnement où il va être chamboulé et brimé, afin de voir ce qui va en ressortir avec le temps. 

Opprimé à la fois par les gardiens et les prisonniers, victime de harcèlement et calomnié, le héros va se durcir, perdre ses repères, et trouver pour seul soutien un détenu azimuté qui va lui apprendre à survivre dans ce milieu impitoyable, prêt à péter. Le personnage du gardien chef, joué par l'excellent Roy Cheung, peut être vu comme l'un des concentrés absolus du concept "On Fire" de Ringo Lam : une véritable cocotte-minute dont on apprend qu'il a auparavant été grièvement blessé par des malfrats dans la rue, bouillonnant de rage et de ressenti depuis ce traumatisme, recrachant ce mal-être sur les prisonniers en les malmenant physiquement et psychologiquement.

La fameuse zone grise propre au cinéma de Lam est bien présente, ainsi que son appétence pour la caméra épaule et la violence sèche (voire ces coups de matraque plein tube sur le crâne) qui participent à faire de PRISON ON FIRE l'une de ses plus grandes réussites. Ce sera aussi son plus gros succès commercial.

"Quand on parle trop franchement, on le paye", dit le personnage de Chow Yun-Fat... ce dialogue peut paraître anodin, mais avec le recul on se rend compte combien il peut résumer le parcours difficile que Ringo connaîtra dans les années à venir, lui qui n'allait jamais garder sa langue dans sa poche, jamais chercher à plaire au plus grand nombre ni à rentrer dans quelque moule ou mode que ce soit. Aller en résulter une impossibilité de travailler avec les grands studios américains (contrairement à John Woo pour ne pas le citer), et des succès au mieux mitigés.


> disponible en DVD en France, avec le 2ème opus, dans un très beau coffret (épuisé) chez Metropolitan, avec bonus et livret informatif.





















SCHOOL ON FIRE (1988)


De sa saga "On Fire", ce volet est très certainement le plus hardcore. Une lycéenne est mêlée à une histoire de Triade, dont l'un des membres, une véritable pourriture jouée par Roy Cheung (qui devient un habitué !), lui réclame une grosse somme en dédommagement. Issue d'une famille très modeste, la jeune fille est contrainte de se prostituer... en continuant à se faire harceler, tandis que son école se délite. 

Ringo Lam met cette fois-ci l'environnement scolaire sur le feu, et observe comment et combien ses personnages vont finir par exploser. Ce qui ne manque pas d'arriver, tout au long du film et lors d'un climax mettant en scène une rixe de groupe opposant les héros aux membres de la Triade et à la police. Lam montre à nouveau la violence sous un jour choquant, et n'hésite pas une seconde à malmener pour de vrai ses comédiens, il cherche ainsi un réalisme extrême et semblait avoir la même philosophie que ce bon vieux John Milius : « La douleur est temporaire. Le film est éternel » ! On est également sonné par ce traitement de la violence psychologique, difficilement supportable, notamment lors de la séquence du déshabillage face à Roy Cheung.

Lam va très loin dans ce film qui sera étiqueté "Catégorie III" (soit interdit aux moins de 17 ans) et énormément censuré (seulement 60 minutes au compteur dans certains pays d'Asie), ce qui ternira son aura de réalisateur bankable. Plus tard, il dira regretter le côté trop extrême de cette oeuvre ; mais SCHOOL ON FIRE demeure un joyau noir, témoin de ce qui se passait à cette période dans l'archipel... et de l'absence de concession inhérente à la personnalité de Ringo Lam.


> indisponible en DVD ou blu-ray en France, épuisé à l'étranger.































GUERRES DE L’OMBRE (1990)


Après s'être refait une santé financière avec WILD SEARCH, un polar solide montrant Chow Yun Fat protéger une fillette et sa tante contre des gangsters (avec force poursuite en voiture, passage à tabac et final enflammé), Ringo déclenche cette UNDECLARED WAR. Craignant à nouveau la censure, il décide cette fois d'internationaliser le film en ouvrant la danse aux américains, pour que ça parle majoritairement anglais. Un policier de Hong Kong et un agent de la CIA allient leurs forces pour tâcher de faire tomber Hannibal, un terroriste des plus sinistres, voué à une cause anarchiste.

L'ombre de Ringo Lam plane tout du long de ce film qu'il considérait comme une extension à sa saga "On Fire" : son nihilisme s'exprimant via le terroriste et ses sbires, habités d'une pulsion de mort faisant froid dans le dos. La violence frappe très fort et de façon très crue via les différents attentats, les héros sont dépassés par les événements et sous une pression suffocante. Il est très étonnant de voir régulièrement tout le mépris que peut évoquer ce film de Lam chez certains, perçu comme très mineur voire embarrassant dans sa filmographie. 

GUERRES DE L'OMBRE est son film le plus violent : c’est peut-être l'oeuvre des années 90 qui retranscrit au mieux la brutalité et l’horreur d’une attaque terroriste. Ici, on serre les fesses continuellement, car la scène d’ouverture donne de suite le la, avec ces fausses religieuses massacrant des innocents dans une église, avant qu'une voiture n'explose dehors, dans laquelle se trouvait un nourrisson ! C’est un film très dur qui s’inscrit vraiment bien dans la filmographie de Lam, même si les héros y sont moins tourmentés par la violence et ses conséquences que dans les oeuvres majeures de Ringo Lam.

Au passage, on peut imaginer qu'un certain John Woo s'est remémoré la poursuite en hors-bords au moment de préparer son VOLTE FACE sept ans après...


> disponible en DVD en France, dans une édition (épuisée) chez Asian Star, avec bonus.























FULL CONTACT (1993)


Si la carrière de Ringo Lam s'éloigne drastiquement de l'extravagance stylistique, FULL CONTACT est très clairement l'exception qui confirme la règle. Appelé "l'accélérateur de particules de Ringo Lam" ou encore "le majeur tendu de Ringo Lam", le bien nommé FULL CONTACT ne peut laisser personne indifférent.

Ici, il livre son propre Heroic Bloodshed, sous-genre du polar HK très à la mode depuis l’avénement de John Woo avec son SYNDICAT DU CRIME (1986). Les fusillades y sont sanglantes et magnifiées, sur fond de "bromance" entre des personnages portés en héros, s’entretuant durant de longues minutes. Mais on peut imaginer que Lam, pour qui la violence ne peut être que prise au sérieuse, doit considérer les Heroic Bloodshed comme immatures voire puérils, et va alors pousser les potards du genre à l'extrême, à la limite de la parodie, comme pour s'en moquer.

Avec un casting 4 étoiles, il met en scène l'histoire de Gou Fei (Chow Yun Fat) qui en voulant aider son ami (Anthony Wong), va être laissé pour mort, avant de se venger. Sur le papier, un pitch comme on en a déjà vu des dizaines dans le cinéma de Hong Kong, sauf que le réalisateur le dynamite avec des éléments "What the fuck" : le bad guy est un gay surexcité (Simon Yam), accompagné d'un bodybuilder stupide et d'une nymphomane sidaïque, la lumière abusive verse dans le disco, les balles tirées sont suivies en vue subjective... Et là où les films de John Woo montrent toujours un Chow Yun Fat immaculé et chevaleresque (avec une coiffure de beau gosse), Ringo Lam lui, ne peut s’empêcher de souiller ce même acteur en lui faisant incarner une sorte de pseudo dur sans envergure (avec une coupe de ringard), qui se remonte les parties génitales après avoir philosophé sur où et quand faire correctement l’amour à une femme ! 

FULL CONTACT semble moquer John Woo en détournant certaines de ses idées, comme ce moment suspendu où Chow Yun Fat crache sa cigarette avant de tirer une balle dans la tête de son ennemi, qui évoque A TOUTE EPREUVE, ou encore cette fillette brûlée par sa faute dont il prend soin, à la manière de la chanteuse de THE KILLER qu’il aveuglait involontairement avec la flamme de son arme à feu.

FULL CONTACT -- à nouveau estampillé du sceau de la "Catégorie III" après SCHOOL ON FIRE, est donc un film totalement atypique dans la filmographie de Ringo Lam, vraiment outrancier et excessif. Et vous savez quoi ? Ce qui est magique, c’est qu'il est malgré tout une référence incontournable du cinéma HK, un plaisir de tous les instants... car Lam savait tout simplement emballer parfaitement tous ses films avec talent, quels qu’ils soient.


> disponible en DVD en France, dans une bonne édition (épuisée) chez Metropolitan, avec livret assez fourni.






























FULL ALERT (1997)


Tandis que ses collègues cinéastes fuient HK avant la rétrocession à la Chine, tels John Woo ou Ronny Yu, Ringo lui, après son expérience frustrante américaine, retourne dans l’oeil du cyclone en 1997 -- soit l'année fatidique. Ce qui lui correspond plutôt bien puisque tout comme ses personnages, Ringo ne cherche jamais la zone de confort.

L’acteur Lau Ching-wan avait dit de lui : "il a la particularité de pousser à bout ses protagonistes, de les entraîner dans un virage dangereux et de les transformer en monstres." FULL ALERT peut être considéré à juste titre comme l'un de ses films majeurs ; les obsessions qui lui sont chères sont ici poussées très loin. 

Flics comme truands y sont bouleversés par le fait de tuer et de perdre les leurs, avec une justesse rarement montrée au cinéma (Lam illustrera à nouveau un tel désarroi le temps d'une courte fusillade dans THE VICTIM). Le héros et son antagoniste sont donc tourmentés par leurs actes violents et les conséquences que ça peut avoir, et n'en dorment littéralement pas la nuit. A côté de ça, le flic aveuglé par sa quête de justice en vient à méchamment déraper à plusieurs reprises, notamment lors de cet échange de coups de feu en pleine rue où il tire malgré les consignes de sécurité, abattant un motard innocent... Moins de scènes d'action qu'à l'accoutumée dans FULL ALERT, et davantage de déclin psychologique. On se salit en utilisant la violence, et le cinéaste l'image on ne peut plus clairement lors de ce passage où le flic doit plonger les mains dans un baril rempli de merde, pour y récupérer son arme.

Ringo Lam ne fait aucune concession : plaire au plus grand nombre ne l'intéresse pas, et il soigne particulièrement la fin de son film, très dure, très... nihiliste. "Mon arme pèse plus lourd avec le temps."


> disponible en DVD et blu-ray en France, dans une bonne édition chez Spectrum Films, avec bonus.






























THE VICTIM (1999)


En 1998, c'est le renouveau de l'horreur avec THE RING, le fameux film japonais de Hideo Nakata, qui fait le tour du monde. THE VICTIM est produit dans la foulée pour surfer sur la vague... en apparence, tout du moins. Car Ringo Lam ne fait décidément jamais rien comme les autres -- et c'est tant mieux pour nous.

Après une séquence d'ouverture fracassante où Ringo nous secoue avec un accident de voiture dont il a le secret, on part dans une direction de film fantastique via un hôtel hanté dans lequel la police retrouve un homme assommé, semblant par la suite possédé... Plus tard, le cinéaste hongkongais fait un virage à 90°, repartant dans son univers désenchanté et nihiliste, désespérément ancré dans la réalité. 

Mais comme toujours dans sa filmographie, lorsqu’il y a deux voies différentes, Ringo Lam ne veut pas trancher. Afin de respecter l'intelligence du public à se faire son propre avis. 

La mise en scène de THE VICTIM est donc hantée de fondus enchaînés rappelant au spectateur la possible présence de fantômes, tandis que le personnage de Lau Ching-wan nous est tour à tour présenté comme traumatisé, possédé, fou ou... autre chose. Lam joue brillamment sur tous ces registres, pour nous maintenir dans le malaise et l'incertitude : a t'on bien affaire à une histoire de spectre, ou pas ? 

Tout en brouillant les pistes et en jouant sur l'ambivalence, il parvient à faire aboutir THE VICTIM à une fin extrêmement sombre et désespérée, peut-être la plus triste de toute sa filmographie.

A nouveau un véritable joyau du cinéma de HK et du cinéma fantastique/policier mondial... d'une noirceur absolue.


> disponible en DVD en France, dans une bonne édition (épuisée) chez Asian Star, avec bonus.






























REPLICANT (2001)


Malgré le remontage de RISQUE MAXIMUM par la Columbia, la rencontre entre Ringo Lam et Jean-Claude Van Damme en 1996 est probante : les 2 hommes s'entendent bien, le belge a beaucoup progressé sous la direction du hongkongais, et le héros reste finalement très Lam-ien

Ils remettent le couvert pour ce thriller mâtiné d'un peu de fantastique et de beaucoup d'action. Van Damme y joue 2 rôles : celui d'un tueur en série particulièrement odieux pourchassé par un flic (Michael Rooker) qui va devoir gérer le clone du tueur fraîchement conçu (Van Damme bis). Le clone a l'esprit d'un nouveau-né dans le corps d'un homme de 40 ans, et le flic doit stimuler sa "mémoire"... celle du tueur, vous l'aurez compris, afin de lui mettre la main dessus. 

Outre des scènes d'action assez époustouflantes emballées de main de maître par Lam, comme à l'accoutumée, le film choque par sa méchanceté, aussi Série B puisse t'il être. Van Damme le serial killer y brûle des mères célibataires, renverse des handicapés sur chaise roulante, tire sur le macchabée de sa mère... tandis que Van Damme le clone innocent apprend à marcher à quatre pattes, découvre la vie, la nourriture et la pluie, entre 2 humiliations et passages à tabac révoltants exécutés par le flic, frustré qu'il est de ne jamais avoir réussi à mettre la main sur l'original. 

Tandis que Van Damme opère une véritable thérapie (le tueur représente ses années de dérives auto-destructrices, le clone le garçon candide qu'il était avant son arrivée aux USA), Lam lui, continue de cracher ses névroses à l'écran.

Via le personnage du flic donc (du bon côté de la barrière mais ultra-violent), ou lorsque par exemple le tueur amorce des liens avec le clone, "sa seule famille", distillant le doute dans son esprit immaculé, ce qui le rend douteux aux yeux du flic et du spectateur. Du pur Ringo Lam : diluer le poison du vice chez un être pur à la base, et observer combien ça peut le perturber. 

Un dialogue retient aussi l'attention lorsque le clone braque le tueur, et que celui-ci lui dit : "Si tu me tues, tu te tues toi-même". C'est une belle métaphore de la dualité omniprésente dans le cinéma de Ringo Lam : on ne peut pas enlever une seule face à une pièce, c’est tout ou rien, elles sont bien évidemment vouées à co-exister. Pour lui, il n’y a pas de positif ou de négatif, il y a juste l’humanité. Avec tout ce qu’elle comprend de lumineux ET de sale. 

Les 2 hommes ont donc réussi à livrer un film qui leur ressemble à l’un comme à l’autre. Cette rencontre avec Lam va faire s’engouffrer Van Damme plus intensément encore dans les thèmes du martyr, de la rédemption désespérée, du double et de la dépression, qui étaient déjà présents en filigranes depuis les débuts de sa carrière.


> disponible en DVD et en blu-ray en France, dans une bonne édition chez Metropolitan, avec bonus.




















IN HELL (2003)


Pour cette histoire d'américain jeté dans la pire des prisons russes et forcé de participer à des combats clandestins, Ringo retrouve Van Damme. Avant d'enclencher le DVD dans le lecteur (hélas aucune sortie cinéma à l'époque), on pense forcément à PRISON ON FIRE mais aussi à COUPS POUR COUPS, également un film carcéral avec le belge, et on se dit que ça peut faire sens. Mais ça n'aide pas vraiment à se préparer au jusqu'au-boutisme de IN HELL.

Il est souvent dit à juste titre que les films de Ringo Lam sont nihilistes, dans le sens de la « Négation des valeurs intellectuelles et morales communes à un groupe social » et du « refus de l'idéal collectif de ce groupe ». Ce nihilisme se traduit aussi régulièrement chez ses personnages par une forme de spleen, de dépression qui ne dit pas son nom, qui elle-même aboutit à un côté kamikaze, si ce n’est à des penchants autodestructreurs. La pulsion de mort, donc. 

De son côté, Van Damme est obnubilé depuis des années par la thématique du double et du jumeau, qui lui permet de drainer les problèmes liés à ses troubles bipolaires en jouant souvent 2 rôles dans un même film. Si dans IN HELL, à première vue, cette thématique est absente, elle y est en réalité plus que jamais présente : Van Damme joue plusieurs facettes de sa personnalité et de son histoire, mais cette fois-ci en un seul et unique personnage. Son attitude et sa coiffure sont de puissants indicateurs : coiffé normalement à son arrivée en prison, cheveux et barbe poussant négligemment alors qu'il sombre dans la dépression, gominé avec petit bouc de diable lorsqu'il perd son humanité, etc... Le film est également une sacrée métaphore de sa chute à Hollywood, et de sa reconstruction dans la douleur physique et psychique.

Dans IN HELL, le protagoniste est donc aussi bien typiquement Lam-ien que Vandamme-ien. 

Le co-détenu de Van Damme, un tueur en série appelé simplement "451", dit en voix off à un moment donné : « Le masque derrière lequel on se cache, c’est de la connerie. Tôt ou tard, il tombe. On découvre alors quel homme on est vraiment. » Ce masque, Ringo Lam le fait tomber en mettant à nouveau son héros sous pression, en l’extirpant de sa zone de confort et en posant sa fameuse question ; « Combien de temps tiendras-tu avant d’exploser? ». Tout est question d'assumer ou pas qui on est au fond de soi, déchiré entre sa conscience et son instinct. 

Le reste du film est également du pur Lam à 100% : les passages à tabac et viols à répétition du jeune détenu chétif sont par exemple très choquants, traités en plus de manière réaliste puisque personne n’ose intervenir, même pas le héros. Car personne ne veut être le prochain sur la liste. Lam permet cependant à Van Damme de régler son compte au violeur lors d'un combat fait à contre-coeur… Qui prend la forme d'une sauvagerie aux antipodes d'un BLOODSPORT, dans lequel il finit par arracher la gorge de son opposant avec ses dents. Comme Chow Yun Fat dans PRISON ON FIRE... La boucle est bouclée.

On a aussi ce détenu handicapé physique s’avérant être la balance ayant conduit à la mort d’un innocent, en échange de quelques médicaments le soulageant de ses terribles douleurs… Handicapé qui sera horriblement châtié par... un autre détenu, tueur en série et pyromane a ses heures perdues, quant à lui victime de pédophilie lorsqu’il était jeune. 

Univers piteux, s’il en est, éclairé seulement par les souvenirs des défunts qui forcent à aller de l’avant, à continuer à se nourrir, même si on en a plus du tout envie. Définitivement, chez Ringo Lam, rien n’est binaire, et tout est dépressif et dramatique.

Pour toutes ces raisons et contrairement à ce qu'en pensent certains en dévalorisant le film, IN HELL est clairement l'un des meilleurs Van Damme, mais aussi l'un des films les plus aboutis de Ringo Lam.


> disponible en DVD et en blu-ray en France, dans une bonne édition chez Metropolitan, avec bonus.



- Arthur Cauras.





In Hell

Replicant

The Victim

Full Alert

Full Contact

Undeclared War

School on Fire

Prison on Fire

City on Fire


Ringo Lam


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