lundi 7 septembre 2020

ADRENALIN (Albert Pyun, 1996)



ADRENALIN
Albert Pyun - 1996






Si Albert Pyun est loin d'être un réalisateur porté aux nues, sa carrière atypique mérite pourtant le coup d'oeil, et certains de ses films sont très fréquentables... Pour peu qu'on aime les Séries B à budgets modestes, il va sans dire.

ADRENALIN ouvre une époque, en 1996 : celle de pouvoir filmer une société décadente, détruite, post-apocalyptique, tout simplement en allant poser sa caméra et son matos dans les pays d’Europe de l’Est, et en se servant de décors malheureusement déjà dans un état de destruction totale ou presque.
Economiquement c’est très intéressant, d’autant que la main d’oeuvre sur place coûte moins chère qu’aux U.S. 


ADRENALIN se sert intelligemment de ces « plateaux à ciel ouvert » en Bosnie, pour raconter dans un futur dévasté l’histoire de policiers envoyés à la poursuite d'un tueur en série contaminé par un virus, qui fuit à travers les camps de quarantaine mis en place par le gouvernement, en plus de tuer à tour de bras… Cette unité de policiers ne pouvant s’attendre à avoir des renforts (leurs collègues doivent gérer des émeutes sanglantes), c'est une véritable course contre la montre qui démarre.

Le film est tourné en 2.35, on ne le verra que recadré en 1.33 pendant de longues années, avant qu’un beau DVD en cinemascope ne sorte début 2000. Le chef op attitré de Pyun, George Mooradian, transcende son petit budget en réussissant à faire de la belle image, en proposant du plan-séquence au steadicam comme celui qui ouvre le film, montrant le charnier dans un hôpital, ou des gros plans, voir de très gros plan racés, comme ceux sur les yeux injectés de sang ou la dentition pourrie du tueur — évoquant les gros plans des mandibules de l’Alien dans le film éponyme de Ridley Scott.

Avec son parti-pris de semi-obscurité, Mooradian nous met dans les mêmes conditions de stress que les flics ; la position désavantageuse de devoir attendre une attaque du tueur contaminé pour savoir où celui-ci se cachait.

Un des rares moments du film où le tueur est dévoilé à la lumière du jour.
Un des rares moments du film où le tueur
est dévoilé à la lumière du jour.

L’atmosphère poisseuse est renforcée par le sound-design : le bruit des coups de feu, les ricochets des balles, la réverbération, les gouttes d’eau incessantes, ainsi que tous les mouvements du tueur qui sont bruités de façon brutale pour surprendre le spectateur.

La musique du fidèle Tony Riparetti propose un mélange d’action et de malaise palpable, lorsque les personnages arrivent dans des milieux confinés et peu éclairés.
Pyun entretien un aspect claustro : on est soit dans des rues déglinguées longeant des bâtiments détruits et des carcasses de voitures, soit à l’intérieur de ces ruines ou carrément dans les sous-sols, coincés dans des tunnels, alors que le tueur se cache, sort pour éventrer une victime ou un policier, soit tire quand il récupère une arme. Une belle ambiance anxiogène finalement faite de peu de choses.

A l’instar de CYBORG, ADRENALIN est une traque qui ne s’arrête jamais, une sorte de jeu du chat et de la souris. En temps réel pendant 1h30, on pourrait s'attendre à un effet rébarbatif : miracle, il n'en est rien. L’urgence du tournage (15 jours en tout et pour tout) imprègne les images, et joue clairement en faveur du film.
Pyun parsème le périple d’idées de mise en scène pour constamment relancer l’intérêt, comme cette chute de Lambert dans un puits, qui évoque celle d’Olivier Gruner à travers les planchers de l'hôtel dans NEMESIS, ou celle de Sue Price du haut de la raffinerie dans NEMESIS 2.


Pyun a voulu intituler le film de la sorte
pour ce qu'il attendait qu'il procure aux spectateurs.


On retrouve la même famille de techniciens chère à Pyun, ainsi que les têtes connues de ses films : Norbert Weisser, Nicholas Guest ou encore Andrew Divoff, menés donc par Christophe Lambert et Natasha Henstridge, qui reniera le film peu après. Les femmes sont au même niveau que les hommes, c’est une constante dans la filmographie de Pyun (RAVENHAWK, NEMESIS 2, 3, 4, KNIGHTS...).

Le film est produit par Dimension Film, la branche « cinéma de genre » de Miramax et de ses producteurs, les frères Weinstein… Les frères Weinstein ont la sinistre réputation de faire remonter la quasi-totalité des films rachetés ou produits sous leur giron, pour des résultats pas très heureux et en tout cas, rendant très amer les réalisateurs (HELLRAISER 4, CURSED de Wes Craven, DUST DEVIL de Richard Stanley, MIMIC de Guillermo del Toro, SCARY MOVIE 2, etc)…
ADRENALIN n’y coupe pas : à la base, le film est censé se dérouler en Europe de l’Est, en Roumanie plus précisément.
Mais Harvey Weinstein, à la tête de DIMENSION, exige après le tournage que l’histoire soit relocalisée aux Etats-Unis, à Boston… Malgré les gilets pare-balles et les voitures de police estampillés d’un « POLICIA » !

Cynthia Curnan, la femme d’Albert Pyun, se souvient :
"ADRENALIN a eu des problèmes, en partie à cause d’Harvey Weinstein qui a retouché à des éléments de l’histoire, en post-production. A la base, le film se passe dans une Roumanie post-apocalyptique, avec donc ces policiers qui traquent un tueur en série atteint d’un virus extrêmement contagieux. Mais Weinstein a finalement décidé que ce serait mieux que ça se passe à Boston, aux USA. Il a fait dégager autant d’éléments possibles du métrage, mais bien entendu, reste les voitures de police roumaines et l’accent des pays de l’Est… Il a demandé à filmer plus de détails gore filmés dans les souterrains. Il n’a pas autorisé Albert a avoir le master original d’ADRENALIN."

Le personnage de Lemieux prend cher
tout au long du film.

Pyun est donc forcé de partir faire des reshots en Slovaquie… Il se venge en en profitant pour écrire dans l’urgence une nouvelle suite à sa saga NEMESIS, le dénommé DEATH ANGEL ! Comme pour DECEIT, à l’époque de CYBORG, Pyun utilise sur place les mêmes techniciens, certains des mêmes acteurs, et tourne un (très) petit B à tendance Z totalement barré (oui, téton-seringue, on pense à toi).

ADRENALIN connait un destin malheureusement assez piteux, doté de plusieurs montages dans le monde, le pire étant l’américain, réduit à 77 minutes et occultant toute référence à la Roumanie et à la situation de l’histoire, ajoutant de la voix-off et coupant de nombreuses scènes dont le fameux plan-séquence dans l’hôpital ouvrant le film. La version qu’on a en France de 1h33 est la plus aboutie.

Pyun sortira un director’s cut en 2014, malheureusement remonté à partir d’une copie de travail. ADRENALIN a été disponible sur Netflix US pendant quelques années... Espérons qu'il y revienne prochainement, en HD, et accompagnés d'autres films énervés de l'Hawaïen.


Arthur Cauras.





Citations, montrant si besoin était que les films de Pyun ne faisaient pas l'unanimité à leur sortie :

"Visiblement réalisé dans des décombres voisins de ceux d'OMEGA DOOM, ADRENALINE distille également de la nullité à haute dose. Sur un préambule voisin selon lequel les tracas socio-écologiques de l'Europe de l'Est aurait entraîné le monde à sa perte, ADRENALIN se déroule dans le Boston de 2007, plus précisément dans un camp de mise en quarantaine pour récents immigrés. (...) Au terme d'une interminable promenade dans la pénombre, ADRENALIN se termine dans un charnier labellisé MASSACRE A LA TRONCONNEUSE, un ultime emprunt pour un Albert Pyun déjà très endetté à ce niveau. Faute d'avoir de l'ambition, il cultive les références avec une constance qui finit par forcer le respect."
in IMPACT.

PIECE A CONVICTION: ADRENALIN 

MOT D'EXCUSE DE CHRISTOPHE LAMBERT: "Ca ne restera pas dans les annales mais je persiste à dire que ce n'est pas se fourvoyer que de jouer là-dedans. Pareil que ROADFLOWER; c'est ciblé, les 15-20 ans sont ravis, et surtout, je me marre en le faisant. Je ne suis pas un acteur qui se demande comment il va décrocher une nomination aux César. Ca viendra ou pas, on verra bien. Mais si je dois faire ce métier comme certains vont au bureau, torturé et la mine grise, ce n'est pas la peine ! Je serais un gros con ! (...) "
in PREMIERE.



Teaser:

http://www.youtube.com/watch?v=8gwujZ2TDaY







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