mercredi 27 avril 2022

LA COLLINE OÙ RUGISSENT LES LIONNES (Luàna Bajrami, 2021)

LA COLLINE
OÙ RUGISSENT
LES LIONNES
(Luàna Bajrami, 2021)

Trois jeunes filles d'une vingtaine d'années galèrent dans un petit village au Kosovo; elles vont chercher a se faire de l'argent en commettant des larcins. Voici ce qui pourrait résumer ce premier film de Luàna Bajrami, à la base comédienne. Un film riche et nostalgique, mû par l'oisiveté de ses protagonistes et leur volonté de se battre contre un futur mal engagé.

Ce qui ressort du métrage est sa faculté a rester sur le fil du rasoir concernant de nombreux points, sans basculer dans certains travers. Les personnages sont tous désoeuvrés, tristes, avec des fardeaux plus ou moins lourds à porter : Li (Era Balaj) a la responsabilité de réussir ses futures études pour sortir sa mère et ses trois frères de la misère, Qe (Flaka Latifi) a un père violent et une mère qui ne la comprennent pas, et Jeta (Urate Shabani) se fait abuser par son oncle chez qui elle vit depuis le décès de ses parents. 
A côté de ça, les filles sont donc des galériennes : c'est l'été et il n'y a rien à faire dans ce trou perdu, elles cherchent à tuer l'ennui et volent de l'argent pour ne pas échouer comme leurs familles enfermées dans cette prison à ciel ouvert. 
Sur le papier, on pourrait s'attendre à ce que LA COLLINE OÙ RUGISSENT LES LIONNES sombre dans le patos ou dans l'ennui que vivent ses héroïnes, mais c'est sans compter son côté solaire prépondérant.


Parallèlement à son rythme souvent contemplatif, le film irradie sans relâche d'une énergie communicative qui retranscrit celle qui est la nôtre à nos 20 ans, lorsqu'on se sent différent ou qu'on cherche à l'être, qu'on refuse les chemins tracés pour nous à l'avance, que ce soit par la société, la famille ou le destin. 
Lorsqu'on découvre l'amour et qu'on se cherche sexuellement. Lorsqu'on fait des choses dangereuses pour se sentir toujours en vie, pour goûter à l'adrénaline.
La réalisatrice met la loupe sur des personnages coincés dans cet âge où on n'est plus un enfant mais pas encore un adulte, qui certes doivent faire face à des problèmes graves, mais continuent inconsciemment à s'amuser et agir comme les adolescents innocents qu'ils sont encore en bonne partie.
On sourit régulièrement, que ce soit par le biais de dialogues (la réponse des filles aux deux grandes qui leur font des réflexions sur leurs habits bon marché) ou leurs délires (la fausse course dans la jaguar). Et on s'évade avec elles lors de virées en voiture (volée), en boîte de nuit, ou encore à la plage où ces lionnes tuent le temps en se faisant bronzer et en s'ébrouant dans l'eau.

Je place personnellement LA COLLINE OÙ RUGISSENT LES LIONNES dans le rang des films les plus justes traitant de l'amitié, comme KIDS RETURN (Takeshi Kitano, 1996) ou encore STAND BY ME (Rob Reiner, 1986). Le plus intéressant étant que la réalisatrice ne connait pas ces films, ne copie personne et livre un film véritablement personnel. Formule éculée de nos jours, mais pourtant bel et bien applicable ici.
La réalisatrice est également devant la caméra, dans un rôle permettant un contrepoint sur la solitude et la thématique du bonheur.

Il y a une véritable intensité de tous les instants dans le jeu des trois comédiennes principales, dont les rôles ne sont pas faciles. A côté de ça, des adultes au plus jeune des figurants, en passant par la petite soeur d'une des héroïnes, tout les gens devant la caméra sont irréprochables et c'est l'un des gros points forts du film, qui lui injecte cette crédibilité de tous les instants. C'est d'autant plus bluffant qu'on parle de très jeunes gens sans aucune expérience dans le cinéma ou presque, et que c'est le premier long-métrage de Luàna Bajrami, âgée de 18 ans sur le tournage ! 
C'est ce qui se passe quand des comédiens ont un véritable moteur faisant qu'ils ne trichent pas face à la caméra, et qu'une réalisatrice à quelque chose à faire passer... à bon entendeur.


LE TOURNAGE

J'ai été appelé en Septembre 2019 pour venir au Kosovo aider à la confection de séquences d'action, le film comportait à l'origine deux bagarres de rue à régler et à sécuriser. Bien sûr, ça fera promotionnel de le dire, mais j'ai immédiatement été conquis par l'énergie des techniciens et des acteurs du film. Du haut de mes 38 ans, je faisais partie des rares "plus vieux" de l'équipe, et j'ai énormément apprécié le côté spontané de l'entreprise. Ca fonctionnait quotidiennement à l'énergie et à la débrouille, et c'était très galvanisant.
Voici les dessins de la rixe dans la piscine que j'avais pensée pour Luàna Bajrami, avant qu'on ne la répète et qu'on ne la filme. Là encore, ça passera pour de la démagogie, mais je tiens à souligner l'implication totale des acteurs, particulièrement des trois jeunes comédiennes qui ne se ménageaient pas. La deuxième bagarre se déroulait à la fin du film, conclusion qui a été en bonne partie retravaillée en post-production pour finir sur une note réflexive qui, de mon point de vue, élève encore le niveau de LA COLLINE OÙ RUGISSENT LES LIONNES.

- Arthur Cauras.







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