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mercredi 13 juillet 2022

MEN (Alex Garland, 2022)




MEN
(Alex Garland, 2022)


Impossible de s'imaginer, même avec le trailer, combien le nouveau film d'Alex Garland (scénariste de 28 JOURS PLUS TARD, LA PLAGE, SUNSHINE...) va aller loin, très loin, aussi loin qu'aucun film occidental sorti au cinéma ne l'a peut-être jamais été.

Tout comme de ses précédentes oeuvres (EX_MACHINA et ANNIHILATION), il resort de son nouvel effort un savant mélange entre le psychologique et la froideur clinique évoquant l'étude scientifique. Descendant d'un grand scientifique salué par un prix Nobel, et de psychologues, le constat fait sens.


Dans MEN, Garland nous fait suivre la tentative de reconstruction d'une femme qui a vu son mari se suicider après qu'elle lui ait annoncé sa volonté de divorcer. Elle part donc seule au fin fond de la campagne anglaise, dans un bled de 5 pèlerins où elle loge dans une grande demeure.

Alors qu'elle semble reprendre goût à la vie au contact de la nature, des éléments perturbants font leur apparition, dont l'un des moindres n'est pas cet homme nu totalement disgracieux qui se dresse face à elle en pleine forêt, puis la suit pour se coller aux fenêtres de sa maison, avant d'être interpellé par la police. Commence alors une succession de heurts avec le peu de population locale, de sentiment d'incompréhension et d'injustice, tandis que certains événements tendent vers le surréalisme, le grotesque puis le fantastique pur... L'héroïne rêve t'elle tout ça, est-elle à ce point à la dérive mentalement, combien est-ce ancré dans la réalité ? Pourquoi les figures masculines semblent plus ou moins avoir le même faciès ? Est-ce une métaphore de la soumission des femmes à l'homme dans notre société contemporaine ? Ou une métaphore d'une culpabilité beaucoup trop lourde à porter ?

Peut-être un mélange de tout ceci... Il est tout à fait possible et juste que 2 spectateurs y voient 2 interprétations diamétralement opposées.


Paresse ou incompétence d'écriture de la part d'Alex Garland ? Absolument pas, le scénariste / écrivain / réalisateur anglais est au contraire d'une intelligence et d'une précision rares dans son travail d'auteur, et nous enfonce dans une situation dégénérescente s'écroulant sur elle-même à mesure que le temps s'écoule façon cauchemar, se démantelant pour finir dans une apothéose chaotique et organique, recrachant le traumatisme initial... Honnêtement, on a rarement vu un équivalent sur grand écran. Il faut aller lorgner du côté de la petite lucarne des années 90, pour repenser à certaines images de la série TV THE KINGDOM de Lars Von Trier, ou de certains japanimes type Yoshiaki Kawajiri. Le réalisateur, quant à lui, avoue une référence : celle du japanime L'ATTAQUE DES TITANS, pour l'attitude, la posture et la façon dérangeantes de se mouvoir de certains personnages.

Garland parvient à nous mettre dans la peau de quelqu'un au bout du rouleau (quelqu'en soit la raison), qui n'en peut plus, mais qui est forcé d'encaisser continuellement des charges de plus en plus intenables.
En l'état, on sort de la salle complètement chamboulé. On tente de reconstituer ce qu'on vient de voir, la complexité de l'ensemble et les multiples possibilités d'interprétations, donc, et ça appelle à quelque chose qui n'existe quasiment plus depuis bien longtemps : le débat à la sortie de la salle. Ce n'est pas le moindre des tours de force de Garland, à une époque où les sentiers battus sont le chemin des films de cinéma, où les producteurs ne veulent pas prendre de risques... c'est assez incroyable et porteur d'espoir de voir un coup d'éclat tel que MEN en 2022.


Alex Garland, c'est véritablement un sans-faute. En plus d'être un storyteller de haut niveau, il a des thématiques récurrentes qui lui forgent une véritable filmographie homogène depuis ses débuts, entre la figure de la femme forte, l'attirance par la pulsion de mort, la toxicité des rapports humains, une mélancolie certaine, et ce fameux mélange psychologie / science dure qui façonne chacun de ses scénarios et films.

Il fait partie des rares réalisateurs actuels dont tout nouvel effort est à ne surtout pas rater.


- Arthur Cauras.




dimanche 22 mars 2020

DREDD



DREDD
(Phil Travis / Alex Garland - 2012)



Ce reboot du fameux comics déjà adapté via le médiocre film de 1995 avec Stallone ne fait pas dans la dentelle, tout en sachant judicieusement composer avec un budget serré pour un film de Science-Fiction.

Ainsi, ce scénario implacable dans son efficacité écrit par l'excellent Alex Garland (28 JOURS PLUS TARD, SUNSHINE à son palmarès scénar au rayon SF à l'époque) montre une société futuriste tentaculaire, ayant englobée plusieurs grandes villes US en une seule, dans laquelle les criminels sont traqués et jugés directement par les Juges.

L'un des plus fameux Juges, Dredd, est envoyé en mission dans un gigantesque building de 200 étages et plusieurs km de haut, QG des revendeurs d'une nouvelle drogue. La boss du gang, Ma-Ma, montre très vite qu'elle ne blague pas des masses, et enclenche le processus martial qui fait se verrouiller le bâtiment.
Affublé d'Anderson, une nouvelle recrue à former qui a des dons de télépathe, Dredd se retrouve pris au piège face à des centaines de malfrats armés jusqu'aux dents. La boucherie peut commencer...

Contrairement à ce que disent les crédits de DREDD, ce n'est pas Phil Travis mais bien Alex Garland, également producteur, qui a réalisé cette nouvelle adaptation. Karl Urban a confirmé il y a 1 an que Travis n'avait été crédité que pour raisons juridiques.


L'équipe de DREDD a généreusement dépensé chacun des dollars à l'écran. 

A l'occasion de son 1er film officieux en tant que réalisateur, cet artiste multi-casquettes (romancier, scénariste cinéma, TV et jeux vidéos, et donc réalisateur) nous confectionne une véritable pépite d'actionner, comme rarement on peut voir, où un concept simple ne sombre pourtant jamais dans le simplisme, étayant son univers et l'arc narratif de ses personnages tout au long du déroulement de l'histoire.

Façonner des protagonistes juste ce qu'il faut au gré d'un récit dans l'urgence : on côtoie un mode de fonctionnement proche des scénarios béton d'ALIEN ou encore TERMINATOR.

Finalement, on ne saura rien de Dredd (Karl Urban réussissant, quelque part, à jouer seulement avec sa bouche!). Finalement, on ne saura que 2 petites choses d'Anderson. Finalement, on ne saura qu'un élément du passé de Ma-Ma. Et pourtant, tous ces personnages vivent, fonctionnent, et sont attachants.
Dredd est véritablement une incarnation de la justice, absolument inébranlable, la machine avec un grand M, qui avance en bélier, ne connait pas la peur... Tous les personnages secondaires sont traités de la sorte, sans fioriture (les 4 autres Juges, les petites frappes, la mère dans son appart, etc).
Et tout ça, sans tomber dans la beauferie. Assez intéressant comme cas d'école, d'ailleurs.

Garland, malin, sachant autant ce que veut un amateur de SF qu'un amateur d'actionner, élève l'action via des idées originales dans un milieu de bourrinage avéré comme celui d'une adaptation DREDD, dont les plus intéressantes sont la drogue Slo-mo et les visions télépathiques de sa partenaire.

Anderson peut donc lire dans les pensées, ce qui fait régulièrement avancer l'histoire sans user de Deus Ex Machina (travers scénaristique du "comme par hasard ça se débloque maintenant"), mais aussi créer des moments amusants (l'ascenseur) et donner vie aux fantasmes d'un sale type, pour mieux les retourner contre lui.

La Slo-mo est donc la drogue du moment, faisant défiler le temps 100 fois moins vite pour le consommateur... Vicieux, Garland nous place donc régulièrement du point de vue des drogués, le temps de séquences gores et spectaculaires en extrême ralenti, que ce soit des chutes sans fin, des perforations de balles ou des concassages de faciès qu'on aurait du mal à voir dans des films de studio. Des passages non dénués d'une dose de poésie : les couleurs se saturent, l'image chatoyante se sur-expose et scintille comme dans un rêve, avant que le montage ne retourne à une vitesse normale, soulignant la violence des gunfights.
Macabrement fascinant !

Le concept de la drogue Slo-Mo permet de beaux moments "onirico-glauques".

Dans DREDD, la sensation d'urgence ne faiblit pas, sans non plus nous bassiner, on parcourt captivés ce monde à huis-clos, témoins de la violence des Juges pour parvenir à leurs fins (déboitage de gorge, incinération, coups de feu dans le pied, les multiples types de munitions) et aussi, on s'abstient de l'avalanche de punchlines (Dieu merci) !
Tout ça au sein d'une Direction Artistique aux petits oignons réussissant là-encore la synthèse et l'efficacité, très loin d'être cheap.

DREDD fera peut-être penser à THE RAID qui part du même concept. Normal, puisqu'il paraît que son réalisateur aura lu le scénario du 1er quelques années en amont...

Dégraissé jusqu'à l'os, bien rodé et efficace, le film de Garland est passé inaperçu en salles US et nous est donc arrivé directement en vidéo...

Très injuste pour l'un des meilleurs films d'action / anticipation de cette dernière décennie !


Arthur Cauras.


https://www.youtube.com/watch?v=bCkEA-IeT8k