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mardi 5 avril 2022

LE PRIX DU DANGER vs. RUNNING MAN (1982, 1987)



LE PRIX DU DANGER

vs. RUNNING MAN

(Yves Boisset, 1982 / 

Paul Michael Glaser, 1987)

 


Ces deux long-métrages sont inextricablement liés par bien des aspects. A la base, une nouvelle d’une vingtaine de pages de Robert Sheckley : The Prize of Peril (1958), racontant les dernières heures de vie d’un participant à un jeu télévisé futuriste, où la mort est mise en spectacle. Après une adaptation télévisée allemande, LE JEU DES MILLIONS, la nouvelle attire l’attention du réalisateur français Yves Boisset, qui en achète les droits et livre un film d’une noirceur et d’un cynisme particulièrement glaçants : LE PRIX DU DANGER. Notamment via les commanditaires de ce jeu macabre, qui en légitiment l’existence par le fait que selon eux, il libère les spectateurs de leurs pulsions de violence… Les jours de diffusion de l’émission, la délinquance est inférieure à la normale, comme en temps de guerre. A les croire, une véritable entreprise de salubrité publique ! 

Boisset est fidèle au matériau de base et ancre son histoire dans le réel, avec mise en scène sans emphase, caméra épaule, décors urbains déprimants, dans lesquels le héros doit fuir ses poursuivants, comme lui des chômeurs n’ayant plus rien à perdre… Le tout rythmé par un présentateur façon Léon Zitrone décadent, déclenchant la haine de la foule envers le héros entre deux rappels faussement concernés sur la famine au Tiers-monde ! Les vrais présentateurs de l’époque le prendront d’ailleurs pour eux et priveront le film de promotion dans leurs émissions… Tous ces personnages sont au final les marionnettes du même système totalitaire, qui les endort avec leur télé-réalité aussi outrancière que stupide. Un film pour beaucoup visionnaire. 


Gérard Lanvin en monsieur-tout-le-monde plongé
dans un jeu macabre qui ravit et abruti la population.

Dans la nouvelle de Sheckley, il y a un humour qu’on ne retrouve pas dans le film de Boisset… Mais dans le roman Running Man de Stephen King, aussi sombre soit-il. Edité en 1982 après avoir pris la poussière dix ans dans un tiroir, le roman du maître de l’horreur part d’une idée de base proche de la nouvelle. Toutefois, King développe forcément énormément cette dernière avec ses quelques 220 pages supplémentaires, et n’a officiellement jamais parlé de la nouvelle de Sheckley… En 1987 est greenlightée son adaptation, avec l’immense star Schwarzenegger, tout juste sortie de PREDATOR

Boisset voit rouge et entamera un procès pour plagiat qu’il remportera après de longues années. Ce qui explique les très rares diffusions du film américain en France, et l’absence jusqu’à maintenant de DVD / blu-ray légal sur le territoire.

On peut aussi faire rentrer dans la boucle un petit film d'exploitation méconnu, mais dont la trame ressemble également à ce RUNNING MAN : il s'agit de 2072, LES MERCENAIRES DU FUTUR, réalisé 3 ans auparavant par Lucio Fulci.


Le roman de Stephen King est un joyau
d'une noirceur absolue.


Quoiqu'il en soit, RUNNING MAN joue la carte du grand spectacle pyrotechnique, très différent du LE PRIX DU DANGER… Mais également très différent du roman de Stephen King, qui est d’une violence et d’une noirceur abyssales. On rappelle par exemple que la femme du héros y tapine pour gagner de quoi acheter des médicaments à leur bébé souffrant, ce qui pousse le jeune père de famille à s’inscrire à ce jeu dont personne ne sort jamais vainqueur. On peut aussi citer ce passage où les Traqueurs, des professionnels à l’écoute de la chaîne, trouvent un des jeunes participants, qu’ils ne tuent pas le temps de lancer une page de publicité lucrative. Après celle-ci, le malheureux est tellement mitraillé qu’il n’est plus qu’un tas de loques et de morceaux de peau ensanglantés… L’audimat grimpe en flèche. C’est ça, le Running Man de King, et on en ressort avec le moral au plus bas !


L'adaptation, aussi éloignée que faire se peut du roman,
livre son lot d'idées très 80's.

Le film ne va pas du tout dans cette direction macabre, même si certaines idées amènent à leur manière à la réflexion sur l’abrutissement des masses par le spectacle à l’américaine. Comme ce faux trailer de l’émission « la course aux dollars », aussi pervers que crédible. Ou encore le fait que les Traqueurs soient des simili-catcheurs ultra-violents, sur-jouant entre deux tueries, équipés de tronçonneuses et autres lance-flammes. Le public est toujours avide de massacres, pour fuir un quotidien déprimant, et vibre pour les Traqueurs plutôt que pour les innocents qu’ils poursuivent. Le présentateur joué par Richard Dawson qui a longtemps animé de véritables jeux télévisés, est on ne peut plus juste, haranguant les foules contre le musculeux Arnold Schwarzenegger. 

Pas beaucoup de suspens concernant la survie de dernier ; il dézingue les chasseurs les uns après les autres après des punchlines « so-80’s », avant de renverser la dictature en place à l’aide de résistants planqués… dans le relais satellite de l’arène-même du jeu ! Pour apprécier RUNNING MAN, il ne faut pas être très regardant sur un scénario souvent cousu de fil blanc, et se concentrer sur l’action généreusement dispensée du début à la fin. Exit aussi la fin tétanisante du roman.


Dans le cas des deux films, la dénonciation de la télévision du futur bat son plein, présentée comme l’outil premier de manipulation des masses d’un régime totalitaire, doublé de cette obsession de la course à l’audimat. Un constat alarmant et actuellement on ne peut plus proche de la réalité, auquel s’ajoute celui sur la nature profondément vicieuse de l’être humain, toujours attirée et intéressée par la violence la plus crasse.



- Arthur Cauras.


nb : ce sujet est issu de mon article "Proies et chasseurs : les films de chasse à l'homme", présent dans le livret collector de l'édition limitée de la VHS box CHASSE A L'HOMME éditée chez ESC éditions à 1000 exemplaires, aujourd'hui épuisée.



Trailer RUNNING MAN vo


Trailer LE PRIX DU DANGER




dimanche 26 janvier 2020

TOP CINE 2010's : THE DIVIDE



THE DIVIDE
(Xavier Gens - 2011)

Après une frappe nucléaire, une poignée de rescapés part s'abriter dans un sous-sol aménagé par Mickey (Michael Biehn), le gardien de l'immeuble ancien pompier. L'isolation, la faim et le désespoir font lentement sombrer tout ce petit monde dans la déchéance.





Après FRONTIERE(s), le survival dans lequel des jeunes de cité étaient confrontés à des Néo-nazis cannibales (!) et HITMAN, film de commande envoyant la sauce niveau action, il était difficile d'imaginer se prendre un tel OVNI en pleine tête à l’occasion du 3ème film de Xavier Gens.


NAISSANCE DANS LE CHAOS

Au départ lui aussi prévu comme un survival, avec kill-count opéré par une créature lors de scènes d'action horrifiques, THE DIVIDE va être tué dans l’oeuf quand ses financiers initiaux lâcheront le film au moment de la préparation. Il renaîtra dans la foulée et dans la douleur, par le biais d’une nouvelle production arrivée pour sauver tout le travail déjà effectué sur les décors et les costumes.
Le tournage en est repoussé et le casting initial drastiquement modifié : exit Melissa George en Eva et Robert Patrick en Mickey, remplacés par Lauren German (MASSACRE A LA TRONÇONNEUSE) et Michael Biehn (TERMINATOR).
L'équipe change partiellement, le budget se resserre, mais le réalisateur Xavier Gens et ses acolytes sont plus que jamais motivés, surmontant cet obstacle en le transcendant : les mécènes salvateurs ne sont en effet pas regardant sur le ton employé ni sur ce qui sera vraiment narré…

Gens et ses scénaristes se lancent alors dans un véritable nettoyage de printemps ; ils peuvent remanier intégralement le scénario sans risque de censure de la part de la production, le faisant passer du simple slasher se déroulant dans un réseau de caves à... une description aussi juste et sans concession de l'espèce humaine quand elle se retrouve acculée dans une situation sans issue.
Exit la morale bien pensante, le fun ou la préoccupation de ne pas trop secouer le public : le propos de survivance est poussé au bout de son concept, et le portrait sociologique et psychologique qui en resort est d’une noirceur rarement vue sur un écran. 


Le vernis social ne va pas tarder à s'écailler...

Les nouveaux comédiens sont directement mis dans le bain quand Xavier Gens leur donne à voir comme référence SALO OU LES 120 JOURNEES DE SODOME... Ils apportent eux aussi énormément au projet, et s’approprient totalement le script qui est ré-écrit au jour-le-jour.
Recevant les nouvelles pages du scénario la veille de chaque journée de tournage, ils se regroupent, vivent ensemble comme les personnages en suivant la Méthode, et profitent du fait que l’histoire soit filmée dans l’ordre chronologique - fait rare dans l’industrie du cinéma. Perte de poids et sous-nutrition sont de mise pour retranscrire la lente déchéance de cette collectivité de survivants, pour leur donner une véritable densité.


DU DESESPOIR NAÎT LE MAL

Une fois arrivés dans ce sanctuaire inespéré, les personnages voient leurs profils assez lisses et conventionnels voler rapidement en éclats. Les cartes sont redistribuées, et la désespérance va révéler les véritables personnalités : sociopathes sans foi ni loi pour certains, lâches évitant à tout prix les problèmes pour d’autres… Jusque dans sa fin, durant laquelle THE DIVIDE traite de cette thématique de la médiocrité humaine, sous couvert de la volonté de survivre.
Parmi les personnages traumatisant, difficile de ne pas être affecté par Marilyn (Rosana Arquette), la mère de famille privée de son enfant, qui essaye d’atténuer la souffrance de son deuil en cherchant un semblant d’amour auprès de Bobby, homme plus proche du pleutre (voir l’attaque des militaires) que du super-héros… Effet boule de neige ; ça enclenche chez lui la volonté de devenir mâle alpha, lui qui d’autre part se perd sexuellement (maquillage grossier, port de robe montrant également sa domination totale sur la personne à qui elle appartient). 


La déchéance de Bobby (Michael Eklund) l'amenant
sur le terrain très malsain de la domination de groupe.

THE DIVIDE aligne donc aussi des gentils, des soumis, des suiveurs, des empathiques et des dociles… qui sont les premiers à souffrir et/ou à passer à la casserole : la loi du plus fort - du plus sale et sans pitié surtout, même lorsqu’il n’y a plus de lendemain, prédomine. Le groupe est pourtant, quoi qu’on en pense, constitué de battants et de battantes : personne ne cherche jamais à se suicider, quand bien même le contexte est atroce.
Marilyn connait ce rapport dominé/dominant, et cherche à l’expliquer à Eva lors d’un moment de lucidité alors qu’elle est aux prises avec Bobby : « Tu connais les hommes… tu sais ce qui va se passer… ce qui est en train de se passer. »
Les personnalités trop effacées, ne voulant pas le conflit, sont fatalement écrasées, finissant par en mourir. Voir le compagnon d’Eva, Sam, qui devient rapidement une des têtes de turc, littéralement rabaissé au niveau de chien par le duo des Alphas, et qui subit également le délitement de son couple. Eva sent qu’il n’est pas au niveau pour survivre dans cet univers ? Qu’il est trop gentil, tendre et conciliant, d’où la décision de son abandon final ? Très certainement.

« Les autres sont au fond ce qu'il y a de plus important en nous-mêmes pour notre propre connaissance de nous-mêmes », dira Sartre en préambule à l'enregistrement phonographique de sa fameuse pièce HUIS CLOS en 1965.
Ce qui pourrait également être celui de THE DIVIDE… Et ce qu’on voit est vraiment peu reluisant. Le dernier geste de Bobby envers son « frère » Josh est lourd de signification.





UNIVERS DÉSOLÉ… UN PEU FAMILIER

Devant THE DIVIDE, on se rappelle MALEVIL (1981); même si le film de Christian de Chalonge fait sortir ses rescapés de leur abri… pour retomber dans les clivages bellicistes primaires que l’homme connait depuis ses origines.

Avec ses airs de dégât collatéral - comme si on s’intéressait à un des minuscules groupes de survivants faisant parti d’une vaste catastrophe, THE DIVIDE fait également penser aux chapitres façon « faits divers » du roman-fleuve LE FLÉAU (1978) de Stephen King.
Ces passages aussi inattendus que choquant, lorsque l'écrivain nous dépeint le sort de « figurants » de la vie courante : une vierge effarouchée, un petit garçon de 5 ans, un fervent catholique ayant perdu ses 12 enfants, etc, tous mangeant la gamelle absolument sans aucune pitié, minuscules au sein d’une tragédie d’une ampleur colossale…
Parce que c’est aussi ça, la vie, nous fait comprendre King. Le couperet tombe, sans se soucier sur qui et pourquoi. Ca tombe. Et personne n’en saura d’ailleurs jamais rien ; le cycle continue. De la même manière qu’on ne se soucie pas de la fourmi qui là, dehors, vient de se faire écraser sans raison par une chaussure. Tragédie pour elle, mais grand rien dans l’absolu.




Enfin, difficile de ne pas évoquer la bande-dessinée de Corben / Ennis, PUNISHER - LA FIN (2011), très voisine dans la cruauté, le désespoir et l’absence de concession qui l’habitent, montrant les responsables de la fin du monde, terrés comme des pleutres privilégiés dans leur bunker souterrain, être débusqués par le célèbre justicier extrémiste, en route pour son ultime mission.
Une préquelle / suite de ce goût se prêterait d’ailleurs tellement bien à THE DIVIDE, dans l’optique d’un univers étendu !


LE MIROIR

L’une des séquences les plus marquantes du film est celle où Bobby se fait tondre le crâne en plan séquence. Un moment anodin de prime abord, sur le papier… Sauf que l’excellent acteur Michael Eklund parvient à faire passer l’idée que sa dernière parcelle d'humanité se désagrège en même temps que ses cheveux tombent, appuyé par une musique des plus mélancoliques.
La suite enfonce le clou, bien entendu, lorsque le duo nuisible s’observe dans le miroir : "Look at us... We are the same." (« Regarde-nous… On est pareils »). En nous fixant bien,  nous spectateurs, directement au travers de l’objectif de la caméra.


Une scène aussi déprimante que glaçante.

THE DIVIDE fait réfléchir et met profondément mal à l'aise, implacable, impossible à contredire dans son propos nihiliste. Voir ces individus tomber toujours plus bas moralement ou physiquement (perte de dents, de cheveux) ne peut laisser indifférent. Assister au funeste destin de ceux qui étaient bons et altruistes - qui ont certes au moins la faible compensation d'avoir leur conscience pour eux, est également dévastateur. Le tout dans un endroit qui aurait du leur apporter la sérénité d'une mort retardée et apaisée, à défaut de les sauver ad vitam aeternam...

Revoir le début du film, et ainsi retrouver tous les protagonistes normaux et en bonne santé fuyant instinctivement le feu nucléaire, appuie également le sentiment désespérant de l'entreprise : nul doute que si ces personnages pouvaient voir ce qu'ils sont sur le point de devenir et de subir, ils préféreraient certainement rester périr à la surface... Y compris les abominables Josh et Bobby.




Passant à première vue pour une série B de divertissement, le film de Xavier Gens est aussi captivant que vraiment rude, un huis-clos qui agit insidieusement, infusant le moral du spectateur.

Mais se prendre ponctuellement un coup de barre à mine en plein museau, se faire dresser un miroir disgracieux mais réaliste devant soi, est toujours un mal nécessaire.


- Look at us... Look at us. We're the same.


Arthur Cauras.









mercredi 31 janvier 2018

TOP FILMS & SERIES 2017

TOP FILMS & SERIES 2017

par Arthur Cauras, 31.01.2018


Faire une liste des meilleurs films qu'on a vu sur une année, alors qu'on a précisément pas eu le temps de voir tout ce qui nous intéressait (DETROIT, COCO, A GHOST STORY, FARGO S03...), est un peu étrange, certes. Mais cette année 2017 a été si riche de bonnes surprises, notamment dans le cinéma de genre, que j'ai eu envie de les mettre en valeur ici.

Place à la liste des films et séries m'ayant le plus marqué en 2017... Qui n'engage que moi.


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FILMS



DARKLAND / UNDERVERDEN
(Fenar Ahmad, Janvier 2017)

L'une des claques prise à Sitges a été DARKLAND, un film danois.
Sur le papier, une histoire vue et revue, sertie de tous les poncifs et codes du Vigilante movie : un neuro-chirurgien quarantenaire respecté de ses pairs décide de nettoyer les rues de sa ville après que des dealers aient tué son jeune frère délinquant... Il se met à la boxe thaï, s'achète un pistolet, maquille sa moto et se passe un spray noir sur le visage avant d'aller casser du malotru.


Dar Salim campe un justicier des plus crédibles.

Tout semble réuni pour aboutir à un nanar pur-jus, et pourtant... Le talent du metteur en scène, Fenar Ahmad, rend ce film nocturne à la fois envoûtant et cinglant, les performances assez époustouflantes des comédiens crédibilisant chaque minute, appuyés par une musique tantôt martiale, tantôt intimiste et contemplative. Au final, ce DARKLAND magnétique écrase de tout son poids la masse assez pauvre des Vigilantes bas-de-plafond qu'on peut voir à longueur d'année. Comment ce film a t'il pu ne pas connaître de sortie salles ? C'est un vrai mystère.
Une équipe d'inconnus, devant comme derrière la caméra, qu'on suivra avec grand intérêt dans les années qui viennent.

Trailer VO :
https://www.youtube.com/watch?v=333cCxNembY

PS : je vous enjoins vraiment à écouter l'excellent score de Jens Ole Wowk et McCoy sur Spotify.




GRAVE
(Julia Ducournau, Mars 2017)

Habité par de jeunes acteurs irréprochables et une musique entêtante, le film de Julia Ducournau se déroulant dans une FAC vétérinaire propose une sorte de rite de passage dans un univers décalé, qu'il est difficile de ranger dans une case précise. Et c'est clairement une de ses forces.
Film original à bien des niveaux, ayant sa personnalité propre, il est filmé à la fois de façon clinique (le doigt, les accidents, les animaux massifs...) et poétique (la peinture, les douches...); un mélange qui n'évoque même pas de références antérieures particulières.
GRAVE est un film qui divise drastiquement, on aime beaucoup ou on le déteste, à chaque fois pour les mêmes arguments.
Ceux connaissant l'analyse du pulsionnel par Laplanche et Pontalis, (qu'on peut s'amuser à retrouver dans le scénario de ALIEN), le décèleront dans GRAVE, autre attestation du travail minutieux opéré pour ce premier long-métrage.
Et si le film répond à quelques codes du genre, notamment le twist narratif, ceux présents n'ont rien de gadgets et servent, enrichissent le propos. Pour rester sur l'exemple du twist, il termine en fait de présenter et consolider un personnage qui donnait l'impression d'être complètement à l'ouest voir bâclé à l'écriture en amont, avec un certain humour qui résonne aussi dramatiquement. 
GRAVE touche au but avec talent dans bien des domaines, donnant envie de voir ce que nous prépare prochainement Ducournau.

Trailer:
https://www.youtube.com/watch?v=gFlXVX2af_Y




LOGAN
(James Mangold, Mars 2017)

Oubliez le côté clinquant des X-MEN première période, voici venir la fin et la déchéance. Un futur dépressif dans lequel tout se meurt ; les personnages principaux (le Professeur X a Alzeimher, Logan ne régénère plus, tous les mutants sont morts), les paysages dans lesquels ils évoluent (camions futuristes sans chauffeur, cultures transgéniques automatisées, déserts), et mêmes les actes héroïques en eux-mêmes, maintenant seulement possibles via customisation robotique, manipulation génétique ou carrément dopage !
C'est dans cet univers désenchanté que se traîne le Wolverine, lancé au sein d'une fuite en avant incessante qui l'éprouve toujours plus tandis que son corps le lâche. Le métrage donne l'impression de ne jamais avoir été bridé par le studio, tant au niveau de la violence psychologique (la famille recueillant le petit groupe de Logan) et physique (les nombreux massacres), le tout débouchant sur des situations bien vicieuses (la scène de l'hôtel et du blocage télépathique).
On ne sait pas par quel miracle Mangold a pu bâtir un film aussi sombre sur l'un des héros les plus populaires de la Marvel, mais on ne peut que lui tirer notre chapeau : nul besoin d'être fan de super-héros pour être touché et secoué par LOGAN.

Red Band Trailer :
https://www.youtube.com/watch?v=wWcXXxVZF2A




LE SERPENT AUX 1000 COUPURES
(Eric Valette, Avril 2017)

Eric Valette est clairement l'un des meilleurs artisans que recèle la France. Films et scénarios efficaces, personnages bien brossés et une mise en scène ciselée étant claire même dans ses scènes d'action, sont ses marques de fabrique.
LE SERPENT... est certainement sa plus grande réussite, à tous points de vue.
Lorsqu'un dealer colombien se fait abattre par un terroriste en fuite dans la rase campagne française, le père de la victime dépêche sur place un tueur à gages, accessoirement l'un des badguys les plus malsains et marquant qu'on aura pu voir ces dernières années au cinéma. 
Un thriller rural brassant les codes du genre, faisant se croiser et s'affronter des personnages internationaux, allant d'abrutis racistes finis à de vicieux spécialistes du nettoyage de preuves, en passant par de petites gens du quotidien.
Valette filme avec intérêt ces fourmis qui, comme disait Melville, finissent toutes par se retrouver dans le cercle rouge.


Le tueur à gages en quête de proies.

D'origine chinoise, yeux bleus vifs "légués par son porc de père allemand", le tueur est un pur psychopathe qui redonne ses lettres de noblesse à ce terme trop souvent galvaudé dans le cinéma contemporain.
Cet être aussi malfaisant que charismatique imprègne toutes les séquences dans lesquelles il apparaît, se mouvant étrangement, parlant calmement de son macabre passé à ses futures victimes comme s'il opérait depuis des années une thérapie des plus sinistres, entre deux interrogatoires au couteau, "seul élément qu'il a gardé de la culture de sa mère".
Un vrai travail scénaristique titanesque et remarquable ressort de ce film choral, où chaque personnage est impacté par ce que font les autres, façon "effet papillon", et où les têtes de l'intrigue sont loin d'être infaillibles, y compris le capitaine (Pascal Gregory) et le fameux tueur chinois (Terrence Yin), peinant à comprendre de suite le pourquoi du comment.
Un choc des cultures qui n'est pas sans rappeler le CANICULE d'Yves Boisset, une traque haletante comme on en voit trop rarement dans l'Hexagone.

Trailer :
https://www.youtube.com/watch?v=kNdVI44CFQ8




ALIEN COVENANT
(Ridley Scott, Mai 2017)

ATTENTION AUX SPOILERS.
Il y a beaucoup d'attente sur les suites d'ALIEN, ou plutôt la nouvelle saga engendrée par PROMETHEUS... Les détracteurs se scandalisent sur le fait que ce soit trop différent de la saga initiale, quand bien même (et à juste titre) ce sont les premiers à pester quand les studios pondent des suites ne prenant aucun risque car étant des copié-collé des originaux !
COVENANT, au passage certainement le film le plus sombre de la mythologie avec ALIEN 3, poursuit donc la thématique lancée par PROMETHEUS; à savoir la création et le rapport créature / créateur.
Le personnage de l'androïde David, ré-introduit dès une séquence d'ouverture pour le moins inattendue (un long dialogue dans une grande pièce immaculée), est le véritable personnage principal de ce COVENANT métaphysique.
Le la est posé : David a eu soif d'apprendre et soif de considération dès ses débuts, mais son Créateur (son père) l'a relégué au rang de simple robot dès qu'il faisait montre de trop d'intelligence. David lance : "Vous m'avez créé immortel, mais vous, vous allez mourir...", ce à quoi Wayland, déjà déprimé par l'idée que sa fortune ne lui permette pas d'acheter l'immortalité, lui répond en substance de la fermer et de lui apporter son thé, pourtant plus près de ce dernier que de David, rabaissé au rang de simple serviteur. 
Ce personnage très complexe (il se cherche aussi "sexuellement" via le baiser à son "jumeau", son rapport avec Shaw) a donc la fascination/répulsion de ses créateurs, ce qui le met dans une situation de grande frustration, lui qui ne peut procréer et n'est pas respecté en tant qu'être conscient. Il va dès lors s'épanouir seul, jouir de la découverte des arts qui rendent libre et confiant (il essaye de passer ce savoir lors de la scène de la flûte avec son successeur Walter) et de la science, durant les 10 ans restés seul sur la planète des Ingénieurs.
Lorsque David parvient à produire l'Alien caparaçonné noir tel qu'on le connait depuis 1979, grâce au piège qu'il a tendu à l'équipage du vaisseau colonisateur, il voit dans le xénomorphe sa création la plus poussée après cette décennie de recherches.
Le personnage de l'Alien finalise donc son arc narratif : il représente sa progéniture parfaite en tant que Créateur ET sa vengeance vis-à-vis de son complexe vis-à-vis de l'Homme Créateur, qu'il a déjà fortement ébranlé dès son arrivée sur la planète des Ingénieurs... les exterminant tous avec leur propre armement bactériologique, empêchant par la même occasion les humains d'apprendre un jour la raison de leur création !


Toujours aussi fascinant, l'Alien oeuvre ici également en plein jour.

Qu'on aime ou pas, COVENANT a l'énorme qualité pour lui d'enrichir thématiquement l'une des plus grosses franchises du cinéma. Et oui, en effet, Scott est misanthrope dans ce film : les humains sont à la ramasse, se ridiculisent régulièrement (dérapage dans une flaque de sang par 2 fois), subissent toute l'action générée par le robot David, vis-à-vis duquel ils sont nettement infériorisés...
Mais en quoi serait-ce un défaut majeur comme le scande ses détracteurs? Bien au contraire... C'est un régal.

A noter que le bluray, riche de bonus comme d'habitude avec les films de Scott, offre de petites vidéos inédites montrant la déviance scientifique de David durant le temps passé seul sur sa planète.

Trailer :
https://www.youtube.com/watch?v=svnAD0TApb8




GERALD'S GAME (JESSIE)
(Mike Flanagan, Septembre 2017, Netflix)

JESSIE est un des ouvrages les plus forts de Stephen King, un huis-clos dans lequel une femme ayant été une victime soumise toute sa vie, se retrouve menottée à un lit pour satisfaire les pulsions déviantes de son mari. Hélas, ce dernier meurt d'une crise cardiaque en plein acte, laissant livrée à elle-même Jessie, dans une grande maison de vacances perdue près d'un lac.
Lentement mais sûrement, la folie fait son apparition... tandis que la faim et la soif se font gravement ressentir et que personne ne peut lui venir en aide. Surtout pas ce chien errant qui commence à grignoter le cadavre de son époux.
Comme toujours chez King, l'histoire va loin dans la psychologie de son héroïne, qui se rappelle de plus en plus précisément son passé, ne pouvant se voiler la face, comme entravée sur ce lit pour y faire face une bonne fois pour toute. 
Une projection de son mari mais aussi d'elle-même en plus dure (c'était d'anciennes camarades de classe dans le livre) lui apparaissent, pour la faire se questionner sur comment elle a bien pu en arriver là, combien elle a été soumise aux autres depuis... Depuis quand, déjà?


L'une des scènes-clé de JESSIE est aussi l'une de ses plus malaisantes.

Netflix permet au réalisateur d'outrepasser à plusieurs reprises ce qui serait montrable à la télé ou au cinéma, notamment des séquences de pédophilie ou encore une scène de mutilation vraiment insupportable.
Le cœur du roman est conservé, tout l'intérêt et l'amour de King pour le personnage faible de Jessie qui doit se transcender (comme auparavant entre autres dans Carrie ou Dolorès Claiborne) se retrouvent dans le film. On a de la peine pour cette malheureuse, et on prie pour qu'elle s'en sorte - ce qui n'est pas gagné car on sait que King peut être très dur avec ses personnages.
Une vraie réussite prouvant que Netflix et surtout Mike Flanagan ont de beaux jours devant eux.

Trailer :
https://www.youtube.com/watch?v=twbGU2CqqQU




MOTHER!
(Darren Aronofsky, Septembre 2017)

Aronovsky est l'un des réalisateurs contemporains les plus intéressants. Un véritable auteur qui prend des risques dans chacun de ses films, ne se reniant jamais, qui même sous la pression des studios pour NOAH, parvient tout de même à livrer une partie puissante, personnelle et atypique. Mais honnêtement, malgré son style et son univers hors-normes depuis ses débuts avec PI, rien ne pouvait nous préparer à son petit dernier.
Film tout en symboles et métaphores, MOTHER! nous perd rapidement dès lors qu'on essaye de comprendre factuellement ce qui se déroule à l'écran - ce qui est tout bonnement impossible lors du premier visionnage. Il faut accepter de se laisser porter par le rythme de plus en plus frénétique du film, de se faire malmener comme l'est le personnage pur incarné par Jennifer Lawrence.
Forcément dérouté, la majorité du public rejette cet ovni en bloc, tandis que ceux ayant été hypnotisés tentent de comprendre ce qu'ils ont vu : film sur les rapports amoureux ? La dégénérescence du couple ? La création artistique et les incidences sur la vie familiale ? Ou bien un film sur la Création, tout court ?
Si Aronofsky et son équipe ont eut beau répondre à cette interrogation, il n'empêche que la profondeur et la complexité de MOTHER! permettent encore de s'y perdre de nos jours, de se laisser porter, voire même bercer par un film pourtant très loin de nous prendre par la main.
Tellement rare et précieux actuellement.

Trailer:
https://www.youtube.com/watch?v=RuZAGFauUtU




LAISSEZ BRONZER LES CADAVRES
(Cattet & Forzani, Octobre 2017)

Totalement atypique, totalement "autre" par rapport à ce qui se fait actuellement, le nouveau film du couple Hélène Cattet et Bruno Forzani est dans la droite lignée de leur œuvre quasi-expérimentale.
Un postulat simple qui fait se croiser plusieurs groupes : des policiers, les braqueurs qu'ils recherchent et une famille d'artistes ayant jadis brillé.
Mais tout ce petit monde brise le moule de tout cliché, précisément parce qu'il est ausculté méthodiquement par la caméra des réalisateurs, embrassé dans leur style flamboyant, mêlant violence et érotisme, évoquant avec talent aussi bien Western Spaghetti que Giallo, et ce sans les copier putassièrement (régulier travers du cinéma de genre français). 

Un travail méticuleux sur le cadrage (au millimètre près), sur les mouvements opératiques, sur la photo, sur les placements/déplacements de comédiens, un côté métronomique du montage qui rend l'ensemble totalement hypnotisant... De la vraie mise en scène comme on en voit extrêmement peu, offrant un vaste choix de situations marquantes.
Par exemple, au cœur du chaos opposant les divers groupes pris dans un feu croisé, la narration se voit criblée de flashbacks montrant l'âge d'or artistique de la maîtresse des lieux (une performance évoquant la crucifixion) et autres métaphores... Comme cette fille hésitant à se servir d'une mitraillette dont on voit le fantasme d'ouvrir le feu sur fond noir, tandis que ses habits se déchirent au gré des déflagrations et du plaisir qu'elle y prend !
On est clairement en plein délire fantasmatique, et on ne peut que saluer la virtuosité du duo, ainsi que sa capacité à monter des films aussi atypiques et loin d'être grand public, avec l'aide du producteur François Cognard.
La suite de leur travail est attendue avec impatience.

Trailer
https://www.youtube.com/watch?v=FDIs-s4Oucg




BLADE RUNNER 2049
(Denis Villeneuve, Octobre 2017)

A la fois un film qui se suffit à lui-même et une suite absolument magnifique, époustouflante. Villeneuve (que le maître William Friedkin estime être son successeur) applique sa patte froide et contemplative, violente et empathique sur cet univers de Science-fiction culte conçu en 1982 par Ridley Scott, d'après Philip K. Dick.
D'une richesse de tous les instants durant ses 164 minutes, d'une beauté à couper le souffle, ce languissant et dépressif BR2049 plonge des personnages tragiques et profonds dans des rixes sèches et des fusillades expéditives, quotidien de l'agent K (Ryan Gosling) cherchant à savoir s'il ne serait pas autre chose qu'une simple réplique d'humain vouée à traquer ses pairs, les "défectueux" Nexus 6 originaux.
Villeneuve et ses scénaristes ne font pas que respecter la thématique identitaire du grand K. Dick, ils lui rendent un hommage inespéré en en ayant totalement assimilé son essence.
Histoire de ne pas spoiler quelque élément que ce soit du film, je n'en dirai pas plus, mais les protagonistes vivent des révélations inattendues les rendant plus attachant que jamais.


K évolue dans un univers aussi beau que désespéré.

BR2049 est parcouru de personnages charismatiques, comme la petite amie de K, l'IA Joy, qui n'est autre qu'une intelligence artificielle plus primaire que lui, si l'on peut dire. Montrées comme basiques, les IA Joy sont vendues par la publicité omniprésente précisément sur le fait qu'elles font et disent ce dont l'acheteur a besoin.
Ce que le récit tend à nous faire vicieusement oublier pour mieux nous abattre, quand on prend le temps de réfléchir à nouveau à certains passages mettant en scène le duo ("tu es différent", "Je t'aime", y compris la scène de la pluie car K voit en cette émancipation celle qu'il se souhaite à plus grande échelle). Un des coups de maître tout en finesse du film, qu'aurait à coup-sûr applaudit K. Dick.

A côté de ça, Villeneuve nous dresse un personnage de bad-girl absolument effrayant, campé par une Sylvia Hoeks d'une crédibilité glaçante. Que ce soit à distance pour un atroce pilonnage d'infanterie, le prompt estropiement d'un garde ou de douloureux combats mano à mano, Luv nous fascine autant qu'on souhaite sa désactivation.

Le travail sonore (musique comme sound design, les deux étant ici souvent entremêlés) termine de parer la quête de K d'une ambiance métaphysique et électrisante digne des plus grands films de Science-Fiction. Ce qu'est assurément BLADE RUNNER 2049.

Trailer
https://www.youtube.com/watch?v=nctf56vDx0M




A BEAUTIFUL DAY
(Lynne Ramsay, Novembre 2017)

Pas vraiment le rejeton de TAXI DRIVER et DRIVE, comme a pu le scander la critique cinéma, le film de Lynne Ramsay est plutôt comme le croisement 2000's entre le film de Scorsese et le MANIAC de Lustig. Un film poisseux et dépressif dans lequel on suffoque littéralement avec le protagoniste, où la violence n'est pas magnifiée, même lorsqu'il s'agit de régler leur compte à des pédophiles de l'élite sociale.


La solitude et la déperdition quotidiennes de Joe.

Un film sur les âmes errantes, piteuses, détruites et lessivées par leur lourd passé, qu'on observe dans leur mal-être en se demandant à quel point un humain brisé peut encaisser avant de s'écrouler... Le tout porté par un Joaquin Phoenix investi comme jamais, suintant une déchéance de tous les instants.
Déchéance mise en pause ponctuellement pour ramener son personnage viril et harassé à un état quasi-infantile, grâce auquel il traverse une épreuve particulièrement dure de façon poétique (le lac) et à la limite de l'absurde (le tueur agonisant fredonnant une chansonnette auquel il vient se joindre)... Avant que son appel au secours ne reprenne, résonnant sourdement dans le vide... Et finissant par être intercepté par un autre personnage coincé dans ce vide.
Finalement, c'est effectivement une "belle journée" (titre du film) pour quelqu'un "qui n'a jamais vraiment été là" (titre du roman original).

Trailer :
https://www.youtube.com/watch?v=non8MTeuKmM






SERIES



JEAN-CLAUDE VAN JOHNSON, SAISON 1 
(créée par Dave Callaham, Décembre 2017, Amazon Prime)

Présentée en avant-première mondiale en France au Grand Rex, cette première série avec Jean-Claude Van Damme est un vrai plaisir à bien des niveaux. Déjà, elle permet d'être un événement d'ampleur pour la star belge, là où malheureusement ses derniers DTV sont passés assez inaperçus. Ensuite, c'est avant tout une entreprise de qualité co-produite par Scott Free et Amazon Studios, chiadée, léchée visuellement et habitée de bons comédiens. Enfin, cette série JCVJ permet à Van Damme de participer pleinement à une comédie d'action, envie qu'il avait depuis bien longtemps, parsemant déjà d'humour certains personnages de ses derniers films (notamment ENEMIES CLOSER et surtout WELCOME TO THE JUNGLE, ou encore ses pubs déjantées type Coors Light). 

Le concept de JCVJ est assez frais et galvanisant ; l'acteur iconique Jean-Claude Van Damme, qu'on connait bien depuis les 80's, ne serait en réalité pas qu'un comédien mais aussi un agent secret dont les films tournés sont la couverture ! Un mélange réalité/fiction des plus amusant, rappelant l'excellent JCVD (de Mabrouk El Mechri, 2008).
La série part donc assez loin dans le cocasse, voire clairement dans le non-sensique pur (la machine à météo, le "coup spécial cassage de mains de marbre", le grand-écart bloquant l'ouverture des portes, etc), montrant VD sur le tournage d'un étron filmique intitulé HUCK, qui remet au goût du jour les aventures d'Huckleberry Finn sauce arts martiaux, tandis qu'il doit effectuer ses missions hors-caméras... Ce qui créé forcément des situations drolatiques avec des ennemis le reconnaissant en temps que star, et ne comprenant pas ce qu'il fait là ni pourquoi il les attaque.


Postiches, humour déjanté et arts martiaux : Van Damme 
se fait plaisir comme jamais dans JCVJ.

La série est donc sertie d'un humour burlesque des plus réjouissants. On ne saurait trop quoi citer précisément tant les exemples sont légion, comme lorsqu'il doit infiltrer une usine en Bulgarie, déguisé assez grossièrement d'une barbe et d'une perruque de bas-étage ; il pense passer inaperçu mais se fait surprendre. Alors qu'il s'attend à devoir se battre, on le salue négligemment d'un "Comment ça va, Filip?". La chose se reproduisant jusqu'à ce qu'il tombe sur son sosie parfait, avec barbe et cheveux longs miteux là-aussi, s’appelant donc Filip. Filip est bien entendu joué par Van Damme, a la voix et l'attitude d'un petit vieux, mal dans sa peau, c'est une véritable chèvre qui revient plusieurs fois au cours de la série, tentant d'exister et de se venger en vain de la star.

Jouant un jumeau ou bien apparaissant régulièrement déguisé, on sent que Van Damme s'éclate aussi bien dans l'action que dans l'humour (la séquence de tuning mâtinée d'esprit martial de pacotille où il se bande les yeux avant une course), mais s'exprime également dramatiquement parlant, mélangeant les émotions avec talent (la photo-selfie avec les touristes et le "Pense à désinfecter ton téléphone").
La série est donc au carrefour de plusieurs genres et la double-lecture de pas mal de scènes fonctionne très bien (un combat à mort sur un tournage, auquel des cascadeurs viennent participer pensant que c'est dans le script).

Si la qualité d'écriture est là, elle n'est pas au niveau du film JCVD justement, quelques situations manquant de crédibilité même dans un univers aussi barré. Mais laissons l'équipe (surtout le pool de scénaristes) prendre ses marques au sein de ce projet aussi riche que totalement atypique, car l'énergie et la bonne humeur communicative sont bel et bien présentes tout au long des 6 épisodes.
Le champ des possibles est très vaste, Van Damme tient là un des meilleurs rôles de sa carrière, montrant à nouveau qu'il tient totalement la route en tant que comédien pur. 

edit : quelle tristesse d'apprendre que la série ait été tuée dans l'oeuf par Amazon. C'était un terrain de jeu s'annonçant tellement vaste et réjouissant...

Trailer
https://www.youtube.com/watch?v=ANBdRxOL8tY




BLACK MIRROR, SAISON 4
(créée par Charlie Brooker, Décembre 2017, Netflix)

Le retour tant attendu de cette série de Science Fiction adulte, si crédible et troublante. Une Saison 4 dans la lignée des précédentes, allant du bon au brillant.
HANG THE DJ et CROCODILE rappellent THE ENTIRE HISTORY OF YOU (S01) ou encore HATED IN THE NATION (S03) dans leur conception d'une SF plus discrète, ténue. Dans le premier cité, la thématique des rencontres amoureuses via une application, qui devient de plus en plus invasive et oppressante vis-à-vis du ressenti et de l'instinct des protagonistes. Dans le deuxième, un film noir suivant une femme ayant été témoin d'un meurtre routier et s'étant tu à l'époque... Mais la technologie a évolué et son chemin pourrait bien croiser celui d'une machine à lire les souvenirs. L'étau se resserre... 2 épisodes carrés, aux épilogues plus cyniques et méchants qu'on ne  pourrait le croire.
ARKANGEL s'attaque au contrôle parental, une idée riche et très intéressante qui malheureusement n'aboutie qu'à un final convenu et surtout attendu. Ceux qui ont apprécié WHITE CHRISTMAS (S02) accrocheront à BLACK MUSEUM : même structure narrative avec un personnage contant son passé via des anecdotes qui sont imagées, avant qu'un lien ne soit fait entre les divers protagonistes. Un peu difficile toutefois de croire à cet homme et à l'impunité dont il a pu jouir dans le passé.
Les deux petits chefs d’œuvre de cette saison sont METAL HEAD et le premier épisode, USS CALLISTER.


Un épisode en N&B, trépidant et sans pitié.

METAL HEAD est un post-apo qui prend à la gorge en narrant la traque sans relâche d'une femme par une sorte de robot-chien militaire dangereusement armé et impitoyable, sur le thème de ce qu'il reste à l'humain désespéré. Il rappelle aussi bien TERMINATOR pour l'inexorabilité de sa machine à tuer (que l'apparence rend plus troublante encore) que LA ROUTE, pour le côté nihiliste de cet univers mort et déserté de toute vie. L'épisode est magnifique (entièrement en noir et blanc), épuré à l'extrême dans la narration, un véritable coup de poing mettant en relief la petite flamme d'humanité persistante des survivants sans espoir aucun. Nul doute que l'épisode fera date et autorité dans le genre des films d'anticipation, revenu à la mode depuis une dizaine d'années. 
Une claque également avec USS CALLISTER, dont il est hélas difficile de parler en détails sans en affaisser l'intérêt. Disons que l'une de ses forces est de traiter des geeks, des reclus, et de réussir finement à nous faire éprouver des émotions diamétralement opposées à leur égard. Un épisode sombre, mais également angoissant et anxiogène via son récit dans l'urgence, finissant durement comme ce que BLACK MIRROR sait nous asséner régulièrement en plein museau depuis ses débuts.
Autant dire tout de suite qu'on en redemande.

Trailer :
https://www.youtube.com/watch?v=hFGfzxv9LCQ




PUNISHER, SAISON 1
(créée par Steve Lightfoot, Décembre 2017, Netflix)

Cette première saison du Punisher était attendue, notamment par ceux qui comme moi qui avaient été complètement emballés par l'intronisation du personnage dans la saison 2 de DAREDEVIL. Violent mais aussi attachant, Frank Castle de son vrai nom opposait donc une justice expéditive à base de balles en pleine tête à celle, plus constitutionnelle, de Daredevil et ses petits coups de pieds sautés. 
Cette saison commence cependant assez mal, projetant Castle dans un mauvais B des familles où il corrige des ouvriers malhonnêtes lui manquant de respect et ayant expliqué en plein milieu du chantier leur plan de braquage de la mafia locale ! Pour la subtilité, il faudra repasser. Passé ces 3 premiers épisodes relativement pénibles, médiocres et surtout peu crédibles, la série prend enfin son envol, gagnant en qualité alors que les badguys se dessinent, que les bons remuent ciel et terre pour faire éclater une vérité longtemps larvée. Et qu'un némésis déviant du Punisher, né des affres de la guerre, se créé dans la souffrance psychologique. 
L'adaptation du comics est plutôt bonne ; forcément, Frank n'est plus un vétéran du Vietnam, et il a une implication directe dans le complot dont il est également victime, ce sentiment de culpabilité densifiant son personnage qui cherche bien entendu à se venger.


L'ultime vigilante est lâché dans les rues de New York.

PUNISHER comporte son lot de scènes d'action et de violence particulièrement grâtinée (énucléation, abattage de blessés au sol sans défense, frottage de bobine sur du verre...), en n'oubliant toutefois pas certains exercices scénaristiques des plus galvanisants, comme cet épisode raconté selon plusieurs points de vue différents, façon RASHÔMON de Kurosawa.
Sans pitié ni pardon, c'est le credo de Castle... Du moins dans le comics, où il ne fait jamais montre d'aucune indulgence envers les criminels. Dans la série, la règle n'est pas toujours appliquée, même si c'est parfois pour servir l'évolution du récit (le vendeur d'armes dans le container).

Là où le comics présente un homme froid, une âme morte enfermée dans un corps encore vivant, appliquant mécaniquement ses plans d'éradication à grande échelle de la criminalité (interprétation reprise tel quel avec brio par Lundgren en 89), Jon Bernthal compose un Punisher hargneux et plus humain. Il fait pencher le côté psychopathe du personnage vers le pétage de plomb / extériorisation de son mal-être lors des diverses échauffourées.
Ici on a un Castle qui ressemble davantage à un animal blessé, une bête souffrant qui pourrait éventuellement remonter un peu la pente au contact de la gente féminine, comme le montre les belles séquences avec la journaliste Karen, mais aussi avec la famille de Microship. 
Riche de personnages bien travaillés (Russo, le jeune vétéran ou encore Madani), la saison s'achève sur un cliffhanger finalement assez discret (Jigsaw, méconnu en l'état du grand public), après une débauche d'artifice et de gore faisant honneur au personnage principal, traîné dans la boue des deux dernières adaptations cinématographiques de sinistre mémoire.
Impatient de découvrir où tout ça va nous amener lors de la saison 2.

Trailer :
https://www.youtube.com/watch?v=uaoked-OEys


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Je me suis arrêté à un Top 10, même si d'autres films ont retenu également mon attention : le très "B-movie" à l'ancienne LIFE, le sympathique TOUS EN SCENE, l'éthéré NEMESIS / SAM WAS HERE, l'efficace TUNNEL, l'imparfait mais respectable CA, le bon GET OUT pour ma part un peu sabordé par un twist putassier, ou encore PREMIER CONTACT, ce dernier étant une véritable réussite de Science-Fiction humaniste et poétique.

Arthur Cauras.